Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/392

Cette page n’a pas encore été corrigée

769 MÉRITE DANS L’ÉGLISE CATHOLIQUE : ACTES DU MAGISTÈRE 770

formulaires protestants en ont usé au sens impropre. Institution ? * theol. elencticæ, loc. xvii, q. v : De merito operum. 2. Genève, 1689, t. ii, p. 777. Quant au mérite proprement dit, il l’éearte absolument pour les raisons suivantes, ibid., 7, p. 779 : Nullum posse dari meritum in hominc apud Deum qualibuscumque operibus, nec de congruo nec de condigno. 1. Quia non sunt indebitet. sed débita… 2. Nullum est nostrum. sed omnia suntdonagrati ; v… 3. Xon sunt per/ecta, sedvariis adhuc niviùs inquinala… 4. Xon sunt sequalia gloriæ futurx… 5. Menés qux illis promittitur est gratuita et indebila. Car. dit-il plus loin, ibid., 24, p. 786 : A mercede ad meritum non valet consequenlia. Et l’on remarquera que ce principe de méthode est exactement l’opposé de celui qu’adopte, après saint Thomas, voir col. 682, le concile de Trente, voir col. 739. Les œuvres restent néanmoins nécessaires tanquam médium et via ad salutem possidendam. Ibid., q. iii, 3, p. 768.

Ce rôle attribué aux œuvres, encore qu’on leur refuse toute valeur méritoire, est un des points qui ont permis à Mathias Schneckenburger, Vergleichende Darstellung des lulherischen und reformierîen Lehrbegrifjs, édition posthume par E. Gùder, Stuttgart, 1855, t. i, p. 74-94, de mettre les théologiens réformés en opposition de tendances avec les luthériens. Mais on ne saurait se dissimuler qu’il ne s’agit là que de nuances dans une commune hostilité à l’égard de la doctrine catholique.

De tous on a pu dire, sans doute à cause des demiaveux qui leur échappent, que, « au lieu de mener à une connaissance approfondie de l’essentielle antithèse évangélique, ils se meuvent exclusivement dans les limites de la position une fois prise ». H. Schultz, loc. cit., p. 568. Ils n’ont, en tout cas, rien fait pour la rendre hospitalière ou seulement équitable envers la doctrine de l’Église, alors même qu’ils y reviennent par bien des côtés. Cet état d’esprit agressif et dédaigneux est resté jusqu’à nos jours celui de leurs successeurs. Il a même débordé au delà des cercles proprement théologiques et c’est dans ces vieilles traditions de controverse qu’il faut sans nul doute, par le canal de Kant, chercher la source de cette animosité persistante, doublée d’une foncière incompréhension, que tant d’esprits qui se croient modernes ne cessent d’entretenir à l’égard des principes et des pratiques dont s’inspire l’Église en matière de moralité.

II. Dans l’Église catholique. — En regard de ces négations protestantes, la doctrine catholique en arrivait rapidement, de son côté, à l’état que nous lui connaissons et qui inspire l’enseignement classique par la voie d’innombrables manuels.

1° Actes du magistère. — Tous les principes essentiels ayant été posés par le décret du concile de Trente, l’Église n’a plus eu dans la suite qu’à les défendre contre les erreurs secondaires survenues au cours des temps.

1. Contre Baïus. — Parce qu’il méconnaissait la distinction entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, Baïus en venait à professer que les œuvres de l’homme donnent droit à la récompense céleste « en vertu d’une loi naturelle ».

D’où il suit qu’après la rédemption il ne serait pas besoin de la grâce sanctifiante pour qu’elles deviennent méritoires : il suffit de leur conformité à la loi morale. En conséquence, les sanctions futures ont le caractère d’une stricte rétribution, pour nos actions bonnes aussi bien que pour les mauvaises, et les justes ne reçoivent pas une récompense plus grande que leurs mérites. Ce système, destiné à mettre en lumière les droits du surnaturel, le faisait pratiquement disparaître et, par un étrange renversement des positions historiques, l’hérésie de Pelage eût consisté à réclamer

DICT. DE THÉOL. CATH.

pour le mérite la nécessité préalable d’une grâce d’adoption à un état divin. Voir F.-X, Jansen, Baïus et le baïanisme. Essai théologique, Paris-Louvain, 1927, p. 85-89.

Les principales propositions de Baïus furent sévèrement censurées par Pie V (Bulle Ex omnibus a/Jlictionibus, 1 er octobre 1567). Elles sont réunies et expliquées à l’art. Baïus, t. ii, col. 71-81.

2. Contre les Jansénistes. — Tandis que Baïus assimilait étroitement l’état du chrétien régénéré à celui du premier homme, Jansénius s’appliquait à les distinguer.

D’après lui, Adam, ayant une volonté encore saine, n’avait besoin que d’une grâce extérieure. Les bonnes actions procédaient de son libre arbitre comme cause principale ; mais, par une suite logique, elles n’avaient qu’un « mérite humain », tandis que les nôtres sont maintenant des « mérites de grâce » qui ont une valeur divine. Voir Jansénius, t. viii, col. 383-384.

On retrouve cette distinction erronée à la base de la 34e proposition de Qucsnel, condamnée par la bulle Unigenitus. Denzinger-Bannwart, n. 1384.

Gratia Adami non produ— La grâce d’Adam ne procebat nisi mérita humana. duisait que des mérites humains.

Cette condamnation, qui tend directement à maintenir l’identité de l’économie surnaturelle à travers les temps, a indirectement pour résultat d’affirmer, comme l’Église l’avait déjà fait contre Baïus, la stricte nécessité de la grâce pour mériter la vie éternelle.

Mais, sous l’action de cette grâce, l’homme a sa part de coopération. Jansénius la compromettait gravement par sa doctrine de la délectation victorieuse. Voir t. viii, col. 400-401. Comme cependant il tenait, suivant la foi commune de l’Église, à sauver la responsabilité humaine, il aboutissait à dire que la liberté intérieure ou psychologique n’est plus nécessaire, depuis la chute, pour mériter ou démériter ; l’absence de contrainte extérieure suffit. Grave erreur’qui sapait les fondements même de la vie morale : aussi fut-elle notée comme « hérétique » par Innocent.X. C’est la troisième des cinq propositions. Texte dans Denzinger-Bannwart, n. 1094 ; pour le commentaire, voir Jansénius, t. viii, col. 485-491.

3. Projets du concile du Vatican.

Dans l’exposition de la foi catholique que le concile du Vatican se proposait de promulguer, à rencontre des erreurs modernes, un petit chapitre sur la grâce était prévu.

La doctrine du mérite y eût été touchée en ces termes : Sicut autem formalis causa justifia ; christianæ est hsec justifia Dei qua nos justos facit, ila per eamdem gratiam adoptionis fit ut virtutum supernaturales aclus sint actus filiorum, meritorii tum gratiæ augmenti tum vitæ œlernæ. Un canon était proposé contre le pélagianisme radical de la philosophie rationaliste : Damnamus eorum doctrinas… qui dixerint vigore naturæ rationalis absque viribus gratiæ posse nos velle aut perficere bonum aliquod sicut oporlet ut disponat ad juslitiam christianam vel perducat ad regniim. Schéma… de doclrina catholica, c. xviii, dans Collectio Lacensis, t. vii, col. 518.

Une note justificative des théologiens exposait quc ce texte était à l’adresse de < ceux qui ne distinguent pas la justice chrétienne de la rectitude morale naturelle ». D’où il suit que la nature aurait par elle-même la force d’accomplir des actes salutaires. Il s’agissait donc de mettre in tulo les droits de l’ordre surnaturel. Le mérite de la vie éternelle n’appelait aucune explication spéciale. Au contraire, à propos de la préparation à la justice que le canon mettait sur le même pied, il était précisé que la grâce est nécessaire pour obtenir une disposition positive, ou

X. — 25