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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES, XVI « SIÈCLE

blés, on le sait, exerçaient sur le collège électoral une influence considérable. Aussi Dandini attirait-il sur ce point l’attention du mou.qa.ddam Khater. Dandini, op. cit., p. 114. Cependant, ce fut bien l’archevêque Joseph Risi, neveu du patriarche Serge, qui fut élu. On ne pouvait reprocher au nouveau patriarche qu’un manque d’expérience administrative. Dandini, ibid. D’ailleurs, dans le bref de confirmation, donné le 17 juin 1599, le pape reconnaît ses qualités. Lettre Benedicimus Deum cœli, Anaïssi Bull., p. 108-109.

Le légat pontifical demanda, entre autres choses, au nouvel élu, de confirmer les décisions conciliaires de la dernière assemblée à laquelle il avait lui-même participé, et de réunir un nouveau synode pour compléter l’œuvre du précédent. Joseph Risi acquiesça volontiers au désir du légat ; il convoqua la nouvelle assemblée le 3/13 novembre 1596 ; et le 21 du même mois, la mission de Dandini se trouvait terminée. Sur cette mission, voir P. Dib, art. cité, p. 421-429.

Incontestablement, les légations d’Eliano et de Dandini marquèrent le début d’une ère nouvelle pour l’Église maronite. Elles ouvrirent, notamment, le chemin de Rome à cette pléiade de jeunes gens qui devaient aller y puiser, avec une piété solide, la science sacrée et répandre ensuite non seulement sur l’Orient, mais sur l’Occident, les fruits d’une riche érudition. Bref Sapienter olim de Léon XIII, 30 nov. 1891, dans Leonis XIII Pont. Max. ada, t. xi, p. 376. Toutefois, la réforme élaborée par les légats jeta les bases d’une latinisation profonde et systématique de l’Église maronite. Ainsi, l’adoption d’un missel romanisé, édité à Rome en 1592, entre les deux missions d’Eliano et de Dandini, date de 1596. Dandini en avait apporté à Qannoûbîn 200 exemplaires. Can. 8 du premier synode de 1596 ; Dandini, op. cit., p. 125 et 102. D’ailleurs, les actes des synodes réunis en présence d’Eliano et de Dandini, préparés d’avance par ces derniers, sont conçus dans un esprit de latinisation incontestable. Voir le texte de ces synodes dans Ant. Rabbath, S. J., Documents inédits, t. i, p. 152-169 et dans Dandini, op. cit., p. 121-128. L’influence latine avait déjà commencé, il est vrai, sous les croisés ; Rome l’avait ensuite favorisée, sanctionnée, élargie. Mais, jusqu’à la fin du xvie siècle, ses effets se réduisaient presque uniquement à quelques détails extérieurs et d’importance secondaire, tels que le port de l’anneau, de la mitre et de la crosse pour les prélats ; la manière de faire le signe de la croix, l’usage des cloches, du pain azyme et des ornements sacrés. P. Dib., art. cité, p. 434-436. On avait rarement touché à la discipline elle-même. A notre connaissance, les seules modifications importantes, introduites avant le xvie siècle, concernent le rituel baptismal et l’épiclèse : on commença à corriger celle-ci et à substituer à la forme traditionnelle du baptême la forme latine. Voir la lettre de Fr. Gryphon, écrite de Rome aux maronites, en 1469, dans Douaïhi, ms. 395, fol. 117 v°118v° ; le ms. syr. 71 de la Bibl. nation, de Paris, exécuté en 1454. Encore ces diverses modifications n’étaient-elles pas généralisées dans la pratique ; elles étaient plutôt d’une application fort restreinte. P. Dib, toc. cit., p. 434-436 ; Liturgie maronite, p. 3536. Cf. un missel ms. de 1536, qui se trouve à la Vaticane, Vat. syr. 29, et quatre rituels de baptême du xvie siècle conservés parmi les mss. syriaques de la Bibliothèque nationale de Paris sous les n° s 116-119 ; le synode du Liban, part. II, c. ii, n. 2. Cette latinisation extérieure pouvait être appliquée avec plus de facilité à Qannoûbîn, et cela s’explique par les envois d’objets que les souverains pontifes faisaient aux patriarches. Les relations de voyage nous attestent leur efficacité. Voici, par exemple, le témoignage d’un

DOble pèlerin qui visita le patriarche en 1583 : Antc méridien substitimus in Ehda (Ehden) deinde, militari pedibus confeclo, » enimus ad monaslerium B. Mariic de Canobim in Monte Libano j>ositum ; ubi patriarcha Ecclesiæ Uoiniiuc obeclientiam agnoscil : con/erebat tum ordines injra missarum solemnia (erat autem (lies dominicus) cuidam religioso. Habitus patriarchæ, quo ad allure utebatur, nihil dijfcrebat ab eo, quo nostrales Archiepiscopi uti consueuerunt. Habebat j.allium, infulam, casulam, lunicellas, et sandalia. Ilostiæ eadem forma, gute apud catholicos… Patriarcha sacris vestibus exulus, solitum habitum nigrum, cum violaceo capitis integumento accepit… Jerosolymitana peregrinatio Ht. princ. N. C. Radzivili, ducis Olicee… primum a Thonvi Trelero, Custode Varmiensi ex polonico sermone in lalinum translata, Anvers, 1614, p. 26.

Mais l’œuvre d’Eliano et de Dandini a marqué le point de départ d’une latinisation systématique, touchant la substance même des actes cultuels. Et ce qu’ils avaient entrepris, on l’a poursuivi sous l’incessante action de divers facteurs, jusqu’à lui donner une assiette solide et définitive. P. Dib., /oc. cit., p. 436437.

Le patriarche Joseph Risi, homme audacieux et entreprenant, était personnellement un latinisateur inconsidéré ; il sacrifia de vénérables pratiques, et en grand nombre, pour mieux copier les usages de Rome. Il brava, pour décréter certaines modifications, l’opposition d’une forte partie de ses sujets ; Paul V l’affirme dans une lettre du 10 mars 1610 au patriarche Jean Makhlouf, où il l’invite, pour la pacification des esprits, à rétablir les anciens usages. Anaïssi, Bull., p. 119-121.

L’on peut deviner les tendances du concile réuni par Joseph Risi en 1598, au village dit de Moïse (Dai’at Moussa). Il marqua un pas de plus dans la voie de la latinisation. En 1599, Clément VIII lui écrivit au sujet de certains empêchements de mariage : consanguinité, affinité, parenté spirituelle, honnêteté publique. Le pape entendait les promulguer dans l’Église maronite suivant la discipline latine. Il accordait en même temps au patriarche le pouvoir de dispenser de quelques-uns d’entre eux. Bref Christi fidelium, 17 août 1599. Sans doute, par erreur de typographie, l’exposé de la parenté spirituelle y est incomplet. En voir le texte dans Anaïssi, p. 112-113. Mais le bref de Clément VIII ne put entrer immédiatement en vigueur. Il resta, en partie, lettre morte, jusqu’à la seconde moitié du xixe siècle. P. Dib, Le pouvoir de dispenser de la consanguinité et de l’affinité au j deuxième degré chez les Maronites, 1915, p. 1-7.

En 1606, sans tenir compte des obstacles auxquels il pouvait se heurter, Joseph Risi promulgua dans son patriarcat le calendrier grégorien. Mais on ne put l’appliquer qu’en Syrie. A Chypre et ailleurs, les difficultés pour s’y adapter furent telles que l’on dut continuer à suivre le calendrier julien. P. Dib, Les conciles de l’Église maronite, ibid., p. 430-431. Les maronites furent donc les premiers, en Orient, à adopter la réforme de Grégoire XIII. Les syriens et les chaldéens ne les imitèrent qu’en 1836, et les grecs-melkites catholiques, en 1857 ; les arméniens catholiques le firent définitivement en 1911, au concile tenu à Rome. D’autres Églises orientales n’ont même adopté le calendrier grégorien qu’à une date encore plus récente. C’est également vers le début du xviie siècle que les maronites abandonnèrent la computation des années d’après l’ère d’Alexandre pour suivie celle de l’ère chrétienne. J. Debs, op. cit., t. vii, p. 133.

Joseph Risi mourut au mois de mars 1608. Les vexations dont les maronites étaient l’objet ne permirent d’élire son successeur, Jean Makhlouf, que le 16 octobre. Peu instruit, mais homme de bien et de sens rassis, d’un caractère à la fois doux et ferme, d’une