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761 MÉRITE DANS LES ÉGLISES PROTESTANTES : SYMBOLES DE EOI

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Dieu et les mérites du Christ. Mais l’Eglise tient aussi que cette grâce fructifie en œuvres saintes, que ces mérites du Sauveur nous donnent le moyen de mériter à notre tour. A rencontre de ceux qui suppriment la créature devant le Créateur, la foi catholique affirme avec une égale énergie la souveraine primauté de Dieu et en même temps la dignité, la vitalité, la fécondité spirituelles de l’âme régénérée par le bienfait de la rédemption.

V. LA DOCTRINE DU MÉRITE APRÈS LE CON-CILE DE TRENTE. — Fixées officiellement sur leurs positions respectives, l’une par la Confession d’Augsbourg, l’antre par le concile de Trente, les deux Églises rivales ne font plus guère, dans la suite, que s’y tenir sans notables modifications, tandis que leurs théologiens en entreprennent, chacun de leur côté, la défense méthodique. Il nous suffira d’un aperçu rapide sur la formation progressive de ces deux camps adverses, dont la physionomie n’a plus guère varié jusqu’à nos jours. — I. Dans les Églises protestantes. II. Dans l’Église catholique (col. 769).

I. Dans les Églises protestantes.

Bien loin d’être ébranlés par le concile de Trente ou seulement ramenés à une vue plus équitable de la doctrine catholique, les protestants semblent n’en avoir tenu compte que pour renforcer, tout au moins dans les débuts, l’àpreté de leur opposition.

Symboles ecclésiastiques.

Ce dogmatisme anticatholique

se traduit tout d’abord dans les confessions de foi que la fin du xvie siècle vit se multiplier. 1. Églises luthériennes. — Pour remédier aux divisions tenaces qui avaient éclaté entre les premiers disciples de Luther, un suprême effort d’union fut tenté par les politiques et les théologiens. La Formule de concorde en fut le résultat (1577-1580), qui a l’avantage d’être le dernier en date et le mieux accrédité des documents où s’exprime la doctrine du protestantisme officiel.

Une première partie porte ce titre pacificateur : Epitome arliculorum de quibus controversiæ ortie sunt inter theologos augustanæ confessionis, qui in repetitione sequenti secundum Dei præscriplum pie deelarati sunt et conciliati. Tout en se référant à la Confession d’Augsbourg et à V Apologia comme normes fondamentales, .1. T. Millier, Die sijmbolischen Bûcher, p. 518, on y ajoute quelques explications complémentaires, où le mérite est l’objet d’une exclusive encore plus déterminée.

Avec une insistance tendancieuse, on y fonce énergiquement contre le pélagianisme : Repudiamus crassum illum pelagianorum errorem qui asserere non dubilarunt, quod homo propriis viribus sine gratia Spirilus Sancti sese ad Deum convertere, evangelio credere, legi divinæ ex animo parère, et hac ratione peccalorum remissionem ac vilam œternam ipse promereri valeat. Ce qui écarte tous mérites antérieurs à la justification. Mais ils ne trouvent pas davantage de place après, puisque la proposition suivante est également rejetée comme empreinte de semi-pélagianisme : Item homincm post regeneralionem legem Dei perfecte obscrvare algue implere posse eamque implelionem esse nostram coram Deo justitiam qua vitam œternam promereamur. A. n : De libero arbilrio. 9 et 12, Mùller, p. 525.

C’est évidemment dans ce double sens que s’entendent les formules où on lit, dans la suite, quod Dominus nobis peccala remiltit ex mera gratia absque ullo respectu præccdentium, præsentium aut consequenlium nostrorum operum dignitatis aut meriti. A. m : De justitia fidei, 4, p. 528. Ou encore : Jesum Christum omnia peccala expiasse… et vitam œternam, nullo inlervenienle peccatoris illius mérita, impetrasse. A. v : De lege et Evangelio, 5, p. 531.

De ces articles succincts la deuxième partie fournit le commentaire sous le titre de Solida, plana ac perspicua repetitio et declaratio. On y répète comme un point de foi quod homo peccator coram Deo juslificetur… sine ullis nostris merilis aut dignitate…, ex mera gratia, tantummodo propter unicum meritum… Domini nostri Jesu Christi. A. m : De justitia fidei, 9, p. 612. Et plus loin, 55, p. 622 : Justitiam nostram extra nos et extra omnium hominum mérita, opéra, virtutes alque dignitatem quærendam.

C’était le corollaire évident du dogme luthérien de la justification par la seule foi. Le document marque en termes exprès cette corrélation, en expliquant pourquoi il faut s’en tenir aux « particules exclusives » sola fuie et autres de même esprit : Ut per illas particulas omnia opéra propria, mérita, dignitas, gloria et fiducia omnium operum nostrorum in articulo justificationis penitus excludantur, ila quidem ut opéra nostra neque causæ neque meriti ullius in justificatione, ad quæ Dcus in hoc negotio respiciat aut quibus nos fidere possimus aut debeamus, vel ex toto vel dimidia aut minima ex parte rationem habcant. Ibid., 37, p. 618. Or on ne perdra pas de vue que, dans le style protestant, la justification ne s’applique pas seulement à la première acquisition de la grâce, mais tout autant à son terme dernier. C’est donc tout mérite de l’homme sans exception qui se trouve exclu. Un peu plus loin, cette déduction est mise spécialement sous le patronage de saint Paul : Hoc est fundamentum paulinæ disputationis… quod eo ipso cum fuie justificamur simul etiam adoptionem in filios Dei et hereditatem vitæ œlernæ atquc salutem adipiscamur. Eamque ob causam Paulus parliculas illas e.vclusivas, id est ejusmodi voces quibus opéra et propria mérita prorsus excluduntur. .., non minus constanter et graviter in articulo salutis quam in articulo justificationis nostræ urget. Ibid., 53, p. 621-622. Cf. a. iv : De bonis operibus, 22, p. 629.

A plus forte raison en est-il ainsi de notre prédestination, qui se produit mera misericordia sine ullo nostro merito. Epitome, a. xi : De seterna prædest., p. 556. Cf. Solida declaratio, a. xi, 60-61, et 87-88, p. 717, 723.

Toutes les atténuations apologétiques multipliées par Mélanchthon ont ici disparu : il ne reste plus de place que pour l’opposition radicale au mérite qui était dans la logique du système protestant. On voit qu’à cette poussée interne de son dogmatisme la Réforme officielle ne s’est pas plus dérobée à la fin qu’au commencement.

2. Églises réformées.

Dans le même temps, s’élaboraient les symboles des diverses Églises réformées, qui offrent avec les précédents de très utiles points de comparaison.

En apparence, l’aversion n’y est pas moindre pour le mérite. Abhorremus a meriti nomine, proclame la Confession hongroise (1562), et serio cordis affecta agnoscimus ac profitemur nos, quanlun’jis justifiée studeamus, servos inutiles vitamque œternam penitus et ex omni parle graluitum esse Dei donum. Ilung. conj., 18, dans E. F. K. Mùller, Die. Bekenntnisschri/len der reformierten Kirche, Leipzig, 1903, p. 398. Cette déclaration au ton si vif donne à peu près la note et le sens de toutes les autres.

Dans les premières années surtout, cette « horreur » du mirite s’exprime en termes qui égalent de tous points ceux des luthériens. « A nous pauvres humains tout mérite est impossible », déclare la Confession de Zurich (1523), ibid., p. 13. « Le Chris !, en effet, appuient les Bernois (1526), est noire unique sagesse, justice, rédemption et rançon pour le péché du monde. Ainsi reconnaître un autre mérite de la béatitude et satisfaire pour le péché, c’est nier le Christ. » Ibid., p. 30.