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759 MÉRITE AU CONCILE DE TRENTE : CONDAMNATION DES ERREURS 760

fi Deo(lCor., I v, 5), qui, ut sa louange de Dieu », qui,

scriptum est (Rom., ii, 6), comme il est écrit, » doit

rtddet unicuique secundum rendre a chacun selon ses

opéra sua. œuvres ».

C’est dire que la doctrine catholique du mérite ne se produit, pas en dehors et beaucoup moins encore à l’encontre de la vie religieuse : elle laisse subsister toutes les raisons que l’âme consciente de ses faiblesses a de trembler devant Dieu. Il est remarquable que l’aphorisme biblique repris par saint Paul : « Dieu doit rendre à chacun selon ses œuvres » serve en même temps à la double fin de justifier en droit le mérite, et de rappeler en fait la conscience humaine au sentiment de ses responsabilités.

On a pu écrire avec raison, Hefner, op. cit., p. 271, que Séripando, en faisant introduire ce paragraphe dans le dc’ciet conciliaire, donnait satisfaction aux scrupules où s’attardait, voir plus haut, col. 734, la pensée de Contarini. Il répondait non moins bien aux réserves que nous avons rencontrées, col. 631, 6E9, 707, chez les mystiques de tous les temps. Comme dans tout le problème de la justification, la doctrine catholique a ici pour caractère d’unir dans un haimonieux équilibre la double part également nécessaire de Dieu et de l’homme dans la conquête du salut, de fonder les devoirs du chrétien sur l’affirmation même des droits que lui confère la grâce de la régénération.

c) Condamnation des erreurs protestantes. — Sous sa forme de paisible exposé, il n’est pas douteux que ce chapitre sur le mérite ne soit tout entier dirigé contre les positions adverses de la Réforme. Un canon y est ajouté qui les condamne directement :

Si quis dixerit hominis justificati bona opéra ita esse dona Dei ut non sint etiam bona ipsius justificati mérita, aut ipsum justifieatum bonis operibus qure ab eo per Dei gratiam et Jesu Christi meritum, cujus vivum membrum est, fmnt non vere mereri augmentum gratiæ vitam aeternam et ipsius vita ; alterna ?, si tamen in ipsa gralia decesserit, consecutionem, atque etiam gloriae augmentum, A. S.

Can. 32, Denzinger-Bannwart, n. 842 ; Cavallera, n. 892.

Si quelqu’un dit que les bonnes œuvres de l’homme justifié sent tellement des dons de Dieu qu’elles ne soient aussi les mérites du justifié lui-même, ou que, par les bonnes œuvres qu’il accomplit par la grâce de Dieu et le mérite du Christ dont il est le membre vivant, le [chrétien] justifié ne mérite pas véritablement l’augmentation de la grâce, la vie éternelle et, pourvu qu’il meure en état de grâce, le don effectif de cette vie ainsi que l’augmentation de la gloire, qu’il soit anathème.

La première partie de ce canon ne fait que reprendre l’aphorisme augustinien pour marquer qu’on ne peut sans abus en faire une aime contre la iéalité du mérite. Tout comme dans le chapitre, la construction en reste anthropocentrique : les dons de Dieu, que personne ne songe à nier, sont si peu exclusifs du mérite humain qu’ils servent à le fonder. Cette répétition intentionnelle d’une des foi mules les plus caractéristiques de saint Augustin montre, par surcroît, combien l’Église attache de prix à rester en contact visible avec l’évêque d’Hippone et dénonce comme inopérante l’exploitation tendancieuse que les protestants se plurent toujours à faire de son autorité.

Après cette déclaration d’ordre spéculatif, suit une seconde qui précise l’objet du mérite. On se souvient que les prot estants modérés admettaient avec Mélanchthon, voir col. 720, que le chrétien peut mériter quelques biens spirituels mal définis, soit ici-bas, soit dans la vie future, et Contarini croyait constater, voir col. 734, qu’ils accepteraient de faire tomber sous le mérite de l’homme l’augmentation de la gloire, mais non pas la gloire elle-même. A rencontre de ces négations ou restrictions, le c. xvi parlait seulement de mérite, en gros, à l’égard de la « vie éternelle » :

le canon 32 fournit plus de détails. Il en ressort que le mérite poile d’abord sur la vie présente, où il peut s’appliquer à « l’augmentation de la grâce ». Ce qui se réfèic aux principes antérieurement posés que la grâce de la justification est susceptible de progrès, et que de ce progrès les bonnes œuvres ne sont pas seulement le signe mais la cause. Voir Justification, t. viii, col. 2188-2189, d’après le c. x et le canon 24, Denzinger-Bannwart, n. 803, 834 ; Cavallera, n. 883, 892.

Quant à la vie future, trois points sont déterminés comme accessibles au mérite du chrétien : savoir la vie éternelle, la prise de possession, puis l’accroissement, de la gloire qu’elle comporte. Ce dernier vise les divers degrés de la béatitude promise aux âmes fidèles, que la foi de l’Égiise a toujours mis en corrélation avec ies mérites amassés ici-bas. Les deux autres parurent faire double emploi à quelques Pères du concile, voir col. 753. En réalité, ils désignent deux objets réellement distincts : savoir la jouissance éventuelle de la vie éternelle, sur laquelle nous ne saurions avoir qu’un titre lointain et toujours problématique ; l’entrée en possession de cette vie, sur laquelle les mérites du présent donnent un droit à qui meurt dans la grâce de Dieu. Sur tous ces points, comme dans le chapitre, il est question d’un mérite véritable, vere mereri. Ce qui exclut, avec les négations protestantes, les subtiles combinaisons imaginées par les tenants de la double justice.

A ce bloc homogène sur le mérite il faut ajouter, pour être complet, quelques lignes du c. xi, complétées par les canons 26 et 31, qui le concernent indirectement, en autorisant dans les justes limites la considération pratique de la récompense dans la vie morale et condamnant l’intransigeance dont les réformateurs faisaient preuve à cet égard :

Constat eos orthodoxe religionis doctrina » adversari. .. qui statuunt in omnibus operibus justos peccare, si, in illis suam ipsorum socordiam excitando et sese ad cùrrendum in stadio

Il est clair que ceux-là s’opposent à la doctrine de la religion orthodoxe… qui déclarent que les justes pèchent en toutes leurs œuvres, si, en secouant leur paresse et s’excitant à courir cohortando, cum hoc ut in dans le stade, avec le souci

prédominant de la gloire de Dieu ils ont aussi en vue la récompense éternelle.

primis glori ficetur Dcus mercedem quoque intuentur a>tcrnam.

Denzinger-Bann., n. 801 ; Cavallera, n. 884.

Par où le concile entend s’opposer à une des préventions de la Réforme, qui consiste à flétrir comme un marchandage la recherche d’une légitime récompense. De même qu’il avait affirmé plus haut la légitimité de l’attrition, c. vi, Denzinger-Bannwart, n. 798, et Cavallera, n. 878, il autorise ici l’amour intéressé. Mais il marque en même temps la condition indispensable que doit présenter cet amour pour n’être pas servile. Le chrétien a l’obligation de faire passer « avant tout » le souci de la gloire de Dieu : sous le bénéfice de cette religion désintéressée, il peut ensuite faire entrer en ligne de compte les profits qu’elle lui réserve. Cette doctrine est appuyée sur une référence expresse à Ps., cxviii, 112, et Hebr., xi, 26.

En conséquence, l’anàthème est porté contre ceux qui diraient que « les justes ne doivent pas attendre et espérer de Dieu une rétribution éternelle pour leurs bonnes œuvres », can. 26, ou encore, can. 31, que « le chrétien justifié pèche quand il fait le bien en vue de la récompense éternelle ». Denzinger-Bannwart, n. 836, 841 ; Cavallera, n. 892.

Il reste toujours entendu, et le concile ne se lasse pas de le répéter expressément en ces divers endroits, can. 26 et 32, que toutes nos espérances doivent reposer, en dernière analyse, sur la miséricorde de