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MÉRITE AU CONCILIA DE TRENTE : APRÈS LA JUSTIFICATION


lequel rien ne saurait plaire à Dieu, enveloppe de toutes parts l’activité de notre libre arbitre. Sous cette influence, il n’en est pas moins vrai que nouspouvons faire des actions bonnes, et, en disant : quee in Deo sunt facta, le concile marque, en passant, qu’elles réclament, non seulement l’acte matériel, mais l’intention pure.

Ces œuvres ne peuvent sans doute prétendre à une perfection absolue : il suffit qu’elles présentent la bonté relative qui est le lot de la vie présente, pro hujus » itæ statu. Dans ces conditions, elles ont tout ce qu’il faut pour « satisfaire pleinement » à la volonté divine et donc, le moment venu, « mériter véritablement la vie éternelle. Le mérite se caractérise donc essentiellement par un droit à la vie éternelle, et le concile adopte l’expression insistante vere mercri pour en souligner plus fortement la réalité, sans pourtant recourir au terme technique de condigno. Pour expliquer cette réticence, il n’y a d’ailleurs pas lieu de faire intervenir, avec H. Rùckert, op. cit., p. 257, la secrète influence de la Réforme : elle est uniquement due à la volonté de laisser ouverte la vieille controverse d’école qui existait encore au xin° siècle sur ce point, voir plus haut, coi. 690, tout en sauvegardant contre l’erreur protestante l’essentiel de la foi catholique en la vérité du mérite humain. Mais ce droit à la gloire suppose lui-même une valeur présentement réaîisée : c’est parce que nos œuvres peuvent être pleinement » conformes au vouloir divin et dans la mesure où elles le sont qu’elles fondent un « véritable mérite », c’est-à-dire un titre objectif à la récompense du ciel.

On conçoit qu’après avoir affirmé d’une manière aussi résolue la valeur des actes humains, le concile, éprouve le besoin d’une sorte d’explication apologétique, pour parer au reproche d’empiéter sur les droits de Dieu, que les protestants ne cessent de diriger contre l’Église :

Ita neque propria nostra justitia tanquamj ex nobis propria statuitur, neque ignoratur aut repudiatur justitia Dei (Cf. Rom., x, 3). Quæ enim justitia nostra dicitur, quia per eam nobis inhserentem justificamur, illa eadem Dei est, quia a Deo nobis infunditur per Christi meritum.

Par où ni on n’établit notre propre justice comme nous étant propre et venue de nous-mêmes, ni on n’ignore ou ne rejette la justice de Dieu. Car la même justice qui est dite nôtre, parce qu’elle est inhérente [a notre âme] et nous justifie, est aussi celle de Dieu, parce qu’elle nous est infusée par Dieu en vertu des mérites du Christ.

Toute l’essence du surnaturel chrétien est ici renfermée dans cette formule d’une remarquable plénitude. Il est également juste de dire que la grâce est notre bien et qu’elle ne l’est pas : elle l’est dans sa réalité immédiate, mais non dans sa source dernière ; elle l’est parce qu’elle constitue un don divin véritablement « inhérent » à notre âme, sans pourtant nous être strictement propre puisqu’elle nous est communiquée par Dieu. Et ce qui est vrai de la grâce l’est au même titre de ses fruits. De telle sorte qu’en vertu de cette régénération spirituelle qu’est la justification, tout ce qui est à nous est à Dieu et tout ce qui est à Dieu est à nous.

On a vu par l’histoire des débats conciliaires, col. 7ï2, que cette déclaration avait pour but, non seulement de condamner les protestants qui rejetaient toute sanctification intérieure du chrétien, mais de réagir contre les théologiens catholiques qui la diminuaient à l’excès par le système de la double justice. Ce qui devait avoir pour résultat, comme le note bien H. Ruckcrt, op. cit., p. 255, de fortifier la doctrine du mérite. Aux uns et aux autres l’Église oppose la conception traditionnelle d’une intime coo pération entre Dieu et l’homme, d’une parfaite continuité entre la justice immanente en Dieu et celle qu’il communique à l’âme justifiée, conception qui permet d’affirmer la valeur de celle-ci sans faire le moindre tort à Dieu et au Christ de qui elle la tient.

b) Principes catholiques : Aspect subjectif du mérite. — Déjà le seul énoncé de ces principes spéculatifs dessine une voie moyenne qui permet à l’âme de compter sur ses mérites, puisqu’ils sont réels, sans en tirer orgueil, puisque, en dernière analyse, ils ne lui appartiennent pas. Pour prévenir toute équivoque et embrasser autant que possible les différents aspects de cette question complexe, le concile a pris soin d’ajouter un paragraphe spécial, qui complète la dogmatique du mérite par une pédagogie appropriée. Denzinger-Bannwart, n. 810 ; Cavallera, n. 890.

On n’oubliera pas non plus que, si l’Écriture attribue aux bonnes œuvres une telle valeur que même « à celui qui donnera à l’un des siens un verre d’eau froide » le Christ promet qu’il ne restera pas sans récompense, et que l’Apôtre atteste : « Les tribulations légères et momentanées du présent produisent pour nous, au delà de toute mesure, un poids éternel de gloire dans les cieux, tant s’en faut pourtant que le chrétien doive se confier ou « se glorifier » en lui-même et non pas « dans le Seigneur », dont si grande est la bonté envers tous les hommes qu’il veut faire de ses propres dons leurs mérites.

Neque vere illud omittendum est quod, licet bonis operibus in sacris litteris usque adeo tribuatur ut etiam qui uni ex minimis suis polum aqux frigides dederit promittat Christus eum non esse sua mercede cariturum (Matth., x, 42) et Apostolus testetur id quod in privsenli est momentaneum et h ve tribulationis nostræ supra modum in sublimitate œttrnum yloriæ pondus operari in nobis (II Cor., iv, 17), absit tamen ut christianus liomo in seipso vel confidat vel glorietur et non in Domino ( I Cor., i, 31), cujus tanta est erga omnes homines bonitas ut eorum velit esse mérita quoe sunt ipsius dona.

Une première raison d’humilité, et la plus profonde, est ici empruntée à la théologie même du mérite. La valeur de nos bonnes œuvres et la certitude de la récompense qui leur est promise sont encore une fois rappelées ; mais l’homme n’a pas lieu d’en tirer une gloire personnelle, parce que c’est Dieu qui en reste le premier auteur. Pour exprimer cette idée, le concile reprend une formule classique de saint Augustin, dont tout à la fois l’admirable précision et la grande place qu’elle avait prise dans la tradition postérieure rendaient ici l’usage tout indiqué. Mais on remarquera que la direction logique en est subtilement infléchie, de manière à marquer, tout en laissant l’initiative à la grâce divine, qu’elle fructifie en vrai mérite de notre part. Ce ne sont pas nos mérites qui sont proprement présentés comme des dons de Dieu, mais les dons de Dieu qui deviennent nos mérites. On ne pou vait mieux souligner la valeur de l’œuvre humaine tout en rappelant la source divine d’où elle procède.

A cette raison fondamentale, qui tient à l’essence même des choses, une autre s’ajoute, que fournit l’expérience évidente de notre déficit inoral :

Et quia in multis o/fendimus omnes (Jac, ni, 2), unusquisque sicut misericordiam et bonitatem ita severitatem et judicium ante oculos habere débet, neque seipsum, etiamsi nihil sibi conscius fuerit, judicarc (cf. I Cor., iv, 3-4), quoniam omnis hominum vita non humano judicio examinanda est, sed Dei qui illumtnabit abscondita tentbrurum et mani /estabii consilia cordium, el tune tous erit uniruiqus

Et parce que » nous péchons tous en beaucoup de choses », chacun, avec la miséricorde et la bonté, doit aussi avoir devant les yeux la sévérité et le jugement, et ne pas se juger lui-même, quoiqu’il n’ait conscience d’aucune faute Car toute la vie des hommes ne doit pas s’apprécier au jugement des hommes, mais de Dieu, qui éclairera les ténèbres cachées et révélera les desseins des cœurs, et chacun recevra