Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/385

Cette page n’a pas encore été corrigée
755
756
MÉRITE AU CONCIIJ- ; DE TRENTE : APRÈS LA JUSTIFICATION


chés qui reconnaissent le fait. « Implicitement, écrit Ad. Harnack, Dogmengeschiclite, t. iii, p. 717, ce n’est pas seulement la doctrine du mérite de congruo, mais la conception anti-thomiste de celle doctrine, qui est ici tout au moins laissée ouverte. » Cf. Hùnermann, op. cit., p. 83. On peut même aller plus loin et dire que, pris dans son ensemble, le décret conciliaire lui témoigne une réelle faveur.

2. Après la justification.

S’il ne peut être question de mérite proprement dit avant la justification, c’est que l’âme n’a pas encore en elle le principe surnaturel qui lui permettrait de le produire. Il en va autrement quand elle est régénérée par la grâce justifiante. Du moment que celle-ci n’est pas une simple imputation extrinsèque, mais une participation intimé et réelle à la vie du Christ en qui nous sommes greffés, c. vii, elle doit se traduire par des effets en conséquence. Aussi le mérite apparaît-il logiquement au terme de la régénération surnaturelle comme « fruit de la justification ». Le c. xvi, le plus long de tout le décret, a pour but d’en préciser les divers aspects.

a) Principes catholiques : Aspect objectif du mérite. — D’abord et avant tout, le mérite apparaît en soi comme le suprême épanouissement de l’ordre surnaturel selon la foi de l’Église. Voilà pourquoi le concile prend soin, en premier lieu, d’en affirmer et justifier dogmatiquement la réalité. Denzinger-Bannwart, n. 809 ; Cavallera, n. 889. Elle résulte de données scripturaires tout à la fois évidentes et élémentaires que l’Église commence par mettre à la base de son exposé :

f Hac igitur ratione justivinsi donc aux hommes

ficatis hominibus, siveaccepqui sont justifiés de cette

tani gratinm perpetuo confaçon, soit qu’ils aient tou servaverint, sive amissam jours conservé la grâce reçue,

recuperaverint, proponenda soit qu’ils l’aient retrouvée

sunt Apostoli verba : Abunaprès l’avoir perdue, il faut

date in omni opère bono, proposer les paroles de

scientes quad labor vester non l’Apôtre : « Abondez en toute

est inunis in Domino (I Cor., œuvre bonne, sachant que

xv, 58). Non enim in jus tus votre effort n’est pas vain

est Dcus ut obliviseutur operis dans le Seigneur Car Dieu

veslri et dilectionis quam osn’est pas injuste au point

tendistis in nomine ipsius d’oublier vos œuvres et la

<Hebr., vi, 10) et : Nolile charité dent vous avez fait

amittert confidenliam vespreuve en son nom. » Et

tram, quæ magnum habet encore : « Ne perdez pas votre

remunerationem (Hebr., x, confiance, à laquelle est ré 35). servée une grande rémunération. »

Atque ideo bene operanEt c’est pourquoi à ceux

tibus nsque in fincm (Matth., qui travaillent bien jusqu’à

x, 22) et in Deo sperantibus la fin et qui espèrent dans le

proponenda est vita Ecterna Seigneur il faut proposer la

et tanquam gratia filiis Dei vie éternelle tout à la fois

per Christum Jesum misericomme une grâce promise

corditer promissa et tammiséricordieusement aux fils

quam merces ex ipsius Dei de Dieu par le Christ Jésus

promissione bonis ipsorum et comme une récompense,

operious et meritis fideliter qui, en vertu de la promesse

reddenda. Hsec est enim pla de Dieu lui-même, doit être

corona justilix quam post fidèlement accordée à leurs

suum certamen et cursum bonnes œuvres et mérites,

repositam sibi esse aiebat telle est, en effet, cette cou Apostolus, a justo judice ronne de justice » que

sibi reddendam, non solum l’Apôtre savait lui être réser autem sibi sed et omnibus vée après son combat » et sa

qui diligunt udmntum eius « course », pour lui être dé (II’f im., iv, 7-8). cernée par le « juste juge % et non pas à lui seul », mais à tous ceux qui aiment son avènement ».

Ce texte se comprend assez par lui-même. Nous sommes invités par l’Écriture à l’effort spirituel dans la perspective que Dieu ne perd pas de vue nos œuvres. Et comme toute la félicité du chrétien est dans l’audelà, il ne peut évidemment être question que de rémunération céleste. C’est pourquoi la vie éternelle a le

double caractère d’être tout à la fois une grâce, parce qu’elle résulte d’une promesse toute miséricordieuse, et la récompense de nos bonnes actions. L’exemple de l’Apôtre, qui l’attend comme une couronne », nous autorise à entretenir la même espérance.

On remarquera l’insistance avec laquelle le concile veut se tenir près de la parole de Dieu, puisque, après les citations formelles qui lui servent de point de départ, c’est la trame même de son exposé qui est tout entière tissée de textes scripluraires. Dans cette méthode, on peut deviner une riposte indirecte à l’adresse des protestants, qui se réclamaient si volontiers de l’Écriture contre l’Église, mais aussi, et peut-être plus encore, la volonté de rattacher aux données les plus simples et les plus primitives de la révélation apostolique la vérité nouvelle qu’il s’agissait maintenant de définir.

Sans doute le terme de « mérite » y vient tout juste dans un complément indirect, et de la manière la plus fugitive, comme synonyme de « bonnes œuvres ». Cependant tout ce qui précède en énonce la substance, en détermine la signification. En parlant de mérite, la foi chrétienne n’entend pas désigner autre chose que le rapport de nos bonnes œuvres à la vie éternelle, rapport tel que celle-ci est, non pas seulement la suite, mais la récompense de celles-là. Le terme de « salaire », merces, l’allusion au « juste juge » et l’idée de rétribution qui en est la conséquence : merces… fideliter reddenda, corona quam… aiebat Apostolus a justo judice sibi reddendam, indiquent suffisamment qu’il s’agit d’un rapport de justice. Encore est-il qu’à la base il y a une promesse toute gratuite de la part de Dieu : Misericorditer promissa. C’est pourquoi la récompense éternelle reste une « grâce » et il faut, pour l’obtenir, unir à ses efforts personnels la confiance en Dieu : Bene operantibus… et in Deo sperantibus. Ainsi, dans leur simplicité, ces lignes contiennent, avec l’affirmation du mérite, l’analyse des conditions qu’il suppose et des dispositions religieuses qu’il réclame.

D’où le texte conciliaire passe ensuite à la justification dogmatique du mérite ainsi posé d’après les sourcesde la foi :

Cum enim ille ipse Christus Jésus tamquam caput in membra (Eph., iv, 15) et tamquam vitis in palmites (Joa., xv, 5) in ipsos justificatos jugiter virtutem inlluat, quæ virtus bona eorum opéra semper antecedit et comitatur et subsequitur, et sine qua nullo pacto Deo grata et meritoria esse possent, nihil in ipsis justificatis amplius déesse credendum est quominus plene, illis quidem operibus quæ in Deo sunt facta, divinæ legi pro hujus vitæ statu satisfecisse et vitam spternam, suo etiam tempore, si tamen in gratia decesserint, consequendam, vere promeruisse censeantur, cum Christus Salvator noster dicat : Si quis biberit ex aqua quame go dabo ei, non sHiet in sternum, sed fitl in eo fons aquæ salientis in vitam wternam (Joa., IV, 1314).

En effet, vu que le Christ lui-même, comme la tête par rapport aux membres et la vigne par rapport aux sarments, communique sans cesse aux justifiés sa vertu — influence bonne qui toujours précède, accompagne et suit leurs œuvres, et sans laquelle elles ne pourraient d’aucune façon plaire à Dieu ni être méritoires — on doit croire qu’il ne manque plus rien aux justifiés pour que, par les œuvres du moins qui sont faites en Dieu, ils soient censés avoir pleinement satisfait à la loi divine, autant que le comporte la vie présente, et méritent véritablement d’obtenir en son temps la vie éternelle, pourvu qu’ils meurent en état de grâce. Car le Christ notre Sauveur a dit : « Si quelqu’un boit de l’eau que je lui donnerai, il n’aura plus soif éternellement, mais elle deviendra en lui une source d’eau vive qui jaillit pour la vie éternelle.

Le mérite est donc rendu possible par le fait de la vie surnaturelle que le Christ communique à ceux qui sont devenus ses membres par la justification. Et le concile prend soin d’ajouter que cet influx divin, sans