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MÉRITE AU CONCILE DE TRENTE : RÉDACTION DU DÉCRET


Deus, p. 564. Mais la confiance eut aussi ses représentants. Personne ne fait entendre la note optimiste avec plus de naïve énergie que le mineur Louis Vitriarius de Vérone, p. 5C9, qui imagine au dernier jour ce dialogue entre Dieu et le chrétien fidèle : Inlcrrogel Muni Deus et dical : Quid petis ? At Me : Peto vitam eeternam. Quare ? Quia teneris Mam mihi dore. Quu lege ? Tua… Et ego perseveravi usqiie in finem…, ideo teneris mihi dure vitam œlernam… Non possum timere, cum sim securus de tua promissione.

Entre les deux thèses adverses, la conciliation était facile. Tout dépend, en effet, de la manière dont on envisage nos œuvres : en soi, elles sont insuffisantes et médiocres ; mais elles prennent une suffisante valeur quand on regarde à la grâce qui les a’produites. Cette distinction fut souvent présentée, en particulier par le mineur Richard du Mans, p. 536, et le carme Nicolas Taborel, p. 629. Lainez surtout y Insista longuement, p. 619-620, pour expliquer par là les formules d’humilité familières aux saints. Au total, dans tout son fond essentiel, la doctrine catholique du mérite planait au-dessus de ces opinions d’école, qui cherchaient toutes à s’en réclamer. Il est certain cependant que l’opposition déterminée de la grosse majorité des consulteurs au système de la double justice devait avoir pour résultat d’accentuer le réalisme surnaturd qui est le fruit de la justification.

Pour mémoire, quelques conceptions extrêmes furent rappelées au cours des débats : celle de Durand de Saint-Pourçain, qui tenait posse de Dei potentia absolula mereri sine gratia inhærente, p. 600, et cette autre, tout inverse, que présentait Lainez, p. 624 : Non puto verum quod loquendo de Dei potentia absoiuta non possit non præmiare justum. Mais, la part ainsi faite à la probabilité spéculative du nominalisme, il apparaissait normal à tous que le mérite suppose la grâce inhérente à l’âme et, réciproquement, que la présence de celle-ci fonde la pleine vérité de celui-là. Encore est-il qu’on pouvait appuyer plus ou moins fort, sur cette réalité du mérite, et les défenseurs de la double justice avaient beau jeu de rappeler, au nom de la meilleure tradition, soit les conditions théoriques auxquelles il reste soumis, soit les imperfections et limites pratiques dont il s’accompagne.

Ces poussées diverses, où l’on retrouve toutes les vieilles tendances de l’École, se compensaient, en réalité, l’une l’autre. Elles devaient faire sentir aux dirigeants du concile la nécessité de suivre une via média, où serait combiné ce que chacune contenait de vrai. C’est dans ce sens que fut élaboré le nouveau projet, qui porte visiblement la trace de ces délibérations, mais manifeste plus encore l’intention de n’en retenir que les résultats bien acquis.

4. Élaboration du décret : Projet du 5 novembre. — Dû comme le précédent à la collaboration du cardinal Cervino et de Jérôme Séripando, ce troisième projet marque un pas en avant à peu près définitif vers la forme du décret actuel. Si le projet du 23 septembre présente le croquis, celui du 5 novembre, surtout pour ce qui regarde la question du mérite proprement dit, en est déjàl épure, à laquelle ne viendront plus s’ajouter que de légères retouches.

a) Texte. — C’est sur le point secondaire des œuvres préparatoires à la justification que les changements sont le moins sensibles entre les deux projets.

Le c. vu du précédent est maintenu à peu près tel quel dans celui-ci, p. 636, sauf que le perpetuus Ecclesiæ consensus y est affirmé en principe sans aucune application particulière : que la gratuité de la foi et sa place à la source de nos mérites y sont directement énoncées tout aussitôt, au lieu de venir ensuite sous la forme d’une incise purement accidentelle ; que, pour qualifier la valeur des œuvres qu’elle inspire

ou qui la précèdent, l’adverbe proprie a disparu cependant que leur rôle préparatoire est affirmé comme nécessaire. De telle sorte qu’on aboutit en gros à la formule suivante : Omnia (idem prsecedenlia. .., quamquam ad justi/icationem necessaria et disponentia… tanquam mérita quibus gratia debeatur ab ipsa justijicatione excluduntur, où l’on devine la volonté de satisfaire à toutes les suggestions proposées au cours des débats antérieurs. Cependant la suppression du proprie était jusqu’à un certain point compensée par la phrase relative : quibus gratia debeatur, reste elle-même de l’ancien canon 5, qui, de ce chef, se trouvait sans emploi et donc entièrement écarté.

Sur la question du mérite consécutif à la grâce, p. 639-640, la transformation était beaucoup plus complète. En tête du nouveau chapitre — qui, par suite de certains dédoublements, portait le n a xvi au lieu de xi — figurent trois citations de saint Paul : I Cor., xv, 58 ; Hebr., vi, 10 ; x, 35, destinées à promouvoir l’estime des bonnes œuvres et la confiance en leur valeur. Suit, à peu près intacte, la première moitié du texte du 23 septembre sur le double aspect de la vie éternelle et l’exemple personnel de l’Apôtre qui sert à en accréditer le caractère de juste rétribution. Une petite formule nouvelle faisait le raccord logique entre ces deux morceaux, en rapprochant côte à côte le rôle également nécessaire de l’œuvre humaine et de la confiance en Dieu : Atque ideo bene operantibus et in Deo speranlibus proponenda est vita seterna, etc.

A ce fragment retenu du texte antérieur s’ajoute un paragraphe entièrement neuf sur le fondement dogmatique du mérite. Il débute par l’affirmation de la présence active du Cluist dans l’âme régénérée : Cum enim Me ipse Christus Jésus tanquam caput in membra et tanquam vitis in palmites in ipsos justificatos jugiter virtutem influât. Puis il rappelle incidemment que cette influence enveloppe tous nos actes et qu’elle est indispensable pour qu’ils soient méritoires : Quse virtus bona eorum opéra semper antecedit, comitatur et subsequitur, et sine qua nullo paclo Dco grata et meriloria esse possent. D’où il suit que sont réunies toutes les conditions voulues pour le mérite : Nihil ipsis justificalis amplius déesse dicendum est quominus plene (dummodo eo caritatis affectu qui in hujus vilse morlalis cursu requiritur operali fuerint) divinx legi satisfecisse ac, veluti undique divina gratia irrorati, œternam vitam promeruisse censeantur. A quoi se rattachait ausitôt comme preuve, accru de sa première partie, le texte de Joan., iv, 13-14, qui terminait le projet du 23 septembre. La phrase déjà connue : Ita neque propria nostra juslitia tanquam ex nobis propria statuitur neque ignoratur aut repudiatur justitia Dei, mais amputée des longues surcharges qui l’obscurcissaient sous prétexte de l’expliquer, terminait ce nouveau développement.

Dans ce texte, le rappel de la sainteté intérieure du chrétien, avec cette double conséquence qu’elle nous permet de « satisfaire pleinement à la loi divine » et de « mériter la vie éternelle », était un fruit évident des délibérations où s’était débattue la question de la double justice et de l’opposition générale qui s’y était manifestée contre celle-ci. Les rédacteurs du décret s’étaient appliqués à recueillir les conclusions de la majorité, sans pourtant choquer les opposants par des formules aux arêtes trop vives. Il suffit d’ailleurs de se reporter au texte actuel pour s’apercevoir que, non seulement l’architecture générale en est la même, mais que la rédaction coïncide à quelques petits détails près.

Si les formules définitives ne sont encore ici qu’approchées, elles sont obtenues du premier coup pour le