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MARONITE [ÉGLISE), PATRIARCHES, X l « SIÈCLE

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celui-ci demande au patriarche de conformer les usages de son Église à ceux de l’Église romaine, notamment pour l’emploi du Trisagion, la confection du saint chrême, l’administration de la confirmation par l’évêque, la prohibition de la communion des enfants avant l’âge de raison, le calcul des degrés de la consanguinité et de l’affinité. La deuxième légation était une continuation de la première. Elle donna lieu à la tenue d’un synode, en 1580, au monastère de Qannoùbîn, en présence des PP. Eliano et Bruno. Sur ces deux missions, voir P. Dit)., art. cité, p. 199-220 ; L. Pastor, Geschichte der Pàpste, t. ix, 1923, p. 741-743. A la suite de la célébration du concile, Eliano parcourut le pays des maronites pour faire connaître partout les décisions synodales. A peine avait-il achevé sa tournée que le patriarche tomba gravement malade. Le légat fut mandé auprès de lui : en présence des évêques, des prêtres et des notables, il lui administra l’extrêmeonction. Le 21 septembre 1581, l’auguste malade rendait le dernier soupir.

Le collège électoral, convoqué pour désigner un successeur au patriarche défunt, se réunit le 28 septembre. On choisit son frère, l’archevêque Serge Risi. Il fut intronisé séance tenante et reçut la révérence d’usage. Le lendemain, le nouvel élu célébra en grande pompe la liturgie pontificale ; et, avant la communion, à genoux devant l’autel, il lut à haute voix la profession de foi catholique. L’on pria les légats de faire part de cette élection au souverain pontife et de lui en demander la confirmation. Le P. Bruno fut chargé de remplir cette mission. Il quitta la Syrie le 7 juin 1582 et arriva à Rome dans le courant de septembre. Le dernier jour de mars 1583, Grégoire XIII accordait le pallium au nouveau chef de l’Église maronite. P. Dib., loc. cit., p. 219-220.

L’un des résultats des légations d’Eliano fut d’abord la fondation d’un hospice maronite à Rome (voir les documents pontificaux dans Anaïssi, Bull., p. 81-89), converti ensuite en collège par la constitution Humana sic ferunt, 27 juin 1584, de Grégoire XIII. Voir Filippo Bonanni, S. J., Catalogo degli ordini religiosi délia Chiesa militante, Rome, 1714, p. 43 ; on y trouve, avec le portrait d’un élève, la description du costume de ce dernier. C’était le deuxième collège oriental établi dans cette ville, le même pontife ayant déjà fondé, en 1577, le collège grec. La fondation du collège maronite répondait au vœu de la nation, exprimé par Michel Risi dans ses lettres à Pie V. Douaïhi, ms. 395, fol. 140 r° et v°. Mais, au lieu de l’établir à Rome, le saint pape en avait décrété l’érection à Chypre sous la surveillance de l’archevêque latin du royaume. Tout était prêt pour la réalisation du projet pontifical, lorsque l’île fut envahie par les Turcs (1570-1571). Cf. le mémoire présenté à Grégoire XIII, qui expose les motifs de la mission confiée aux PP. Eliano et Raggio auprès des maronites, aux Arch. Vaticanes, AA, arm. i-xviii, 1755. Il appartenait à Grégoire XIII de reprendre l’idée et d’en effectuer l’exécution au centre même de la catholicité. Cf. le bref Romani Pontificis, 12 juillet 1584, dans Anaïssi, p. 98-100. La justice et la gratitude nous obligent à évoquer ici, après Grégoire XIII, les noms de Sixte V et du cardinal Antoine Carafîa. Le successeur, de Grégoire XIII continua pour le collège les libéralités de ce dernier ; il lui alloua de nouveaux revenus. Bref Inter cætera, 2 août 1585, Anaïssi Bull., p. 100-103, et aussi, Cotleclio, p. 91. Quant à Caraffa, il contribua grandement à son organisation et lui légua sa fortune. Douaïhi, ms. 395, fol. 146 r°. Sur les origines de ce collège, voir L. Cheiklo, S. A., La nation maronite et la Compagnie de Jésus aux XVIe et XVIIe siècles, Beyrouth, 1923, p. 69 sq. La direction du collège fut confiée à la Compagnie de Jésus. Mais lorsque

celle-ci fut supprimée en 1773, on chargea de cette direction des prêtres séculiers. Au lendemain de l’invasion de Rome par le général Miollis (2 lévrier 1808), le collège fut confisqué et vendu. Post ditionem pontil’uiam a Gallis occupatam die 2 februarii, anno Domini 1808, dit le cardinal A..Mai, prsedictum rollegium (Maronitarum) dissolution fuit ; sedesque divenditse ; hic autem codex (Veteris Testamenti) una cum rcliquis in bibliotheca dicti collegii exislentibus, in Valicanam Bibliothecam translatus fuit. Script, vet. nova collectio, t. iv, Rome, 1831, p. 524. Ce n’est donc pas vers la fin du xviiie siècle, comme l’ont affirmé certains historiens, qu’il faut placer cet événement. Les biens qui subsistèrent de ce collège furent affectés à l’entretien de jeunes maronites au collège de la Propagande à Rome. Voir les bref Magno semper de Pie VIII, 11 janvier 1830 et Etsi dubium de Grégoire XVI, 14 juillet 1832, dans R. De Martinis, Jus pontificium de Prop. Fide, t. iv, p. 723 et t. v, p. 47-48 ; et surtout le bref Sapienter olim de Léon XIII, 30 novembre 1891, dans Anaïssi, Bull., p. 537-540. Les choses en restèrent là jusqu’à la restauration du collège maronite sous Léon XIII.

Le P. Eliano avait fait accroire à Rome qu’il ramenait les maronites à l’union. Il avait ainsi donné corps aux soupçons qui pouvaient peser sur leurs véritables sentiments religieux. Aussi la question de leur orthodoxie défraya-t-elle les conversations dans certains milieux romains. D’aucuns les traitaient nettement d’hérétiques. Les maronites qui se trouvaient à Rome ne manquèrent pas de plaider la cause de leur Église. Mais les bruits colportés et les doutes répandus n’en continuèrent pas moins à inquiéter la curie. Le pape résolut d’envoyer au Liban une nouvelle mission pontificale pour l’éclairer sur tous ces points, Il choisit le P. Girolamo Dandini, S. J., qu’il chargea d’étudier sur place la religion et les mœurs des maronites, de déterminer les conditions pour l’envoi des nouveaux élèves à Rome et l’attribution aux anciens d’emplois proportionnés à leur capacité. Clément VIII s’inquiétait d’autant plus que le collège maronite de Rome lui coûtait fort cher ; il ne voulait pas dépenser en pure perte les deniers du Saint-Siège. Au surplus, la question d’orthodoxie mise à part, il importait de bien choisir les nouveaux élèves et d’occuper utilement les anciens. Le 14 juillet 1596, Dandini s’embarqua pour la Syrie ; il arriva à Tripoli vers la fin d’août ; et le 1 er septembre, il était déjà à Qannoùbîn. L’âge et la maladie clouaient sur son lit, depuis un an déjà, le patriarche Serge Risi. Mais ni les années, ni les infirmités n’avaient affaibli sa pensée et l’ardeur de son dévouement pour la cause de son Église. En l’entendant prononcer sa véhémente protestation contre les accusations qui faisaient passer les maronites pour hérétiques aux yeux du pape et du Sacré-Collège, le légat fut frappé de la vigueur de son esprit. Droit et conciliant, d’une activité discrète et d’un tact parfait, Dandini remplit de son mieux sa mission, et tout à l’honneur des maronites. Il fit réunir un concile auquel furent convoqués, avec les évêques, un certain nombre de prêtres et les mouqaddamin. Les sessions synodales s’ouvrirent le 18 septembre (vieux style) 1596 et se clôturèrent le 20 du même mois. A peine le concile était-il achevé que l’état de santé du patriarche empira. Le 25 septembre (vieux style), le vénéré malade rendit son âme à Dieu. Dandini craignit que le neveu du prélat défunt ne fût désigné pour prendre sa place et que la dignité patriarcale ne demeurât dans la même famille. On venait de voir deux frères, on avait vu au siècle précédent un oncle et son neveu se succéder à Qannoùbîn. Les membres de la famille d’un patriarche contractaient avec les notables de la nation des liens d’amitié ou de parenté ; et les nota-