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MÉRITE AU CONCILE DE TRENTE : ELABORATION OU DECRET


galionem par le docteur Navarra, p. 439, et, en assemblée, par l’évêque de Vérone, p. 459. Mais la discussion porta beaucoup plus encore sur la seconde, qui, en écartant le mérite « proprement dit » avant la justification, semblait indirectement consacrer l’existence d’un mérite inférieur.

Les dominicains principalement firent opposition à cet adverbe proprie qu’ils estimaient tendancieux. Ainsi, dès le 28 septembre, le portugais Gaspard Rey (a Regibus), p. 434, cf. p. 43C, tandis que son confrère Jérôme d’Azambuja (ab Oleastro) demandait que ce mot fut introduit au c. vi, dans la formule nullis nos-Iris meritis, par symétrie avec le canon 5. Mais l’assaut fut surtout. longuement mené, à la séance du 30, par le prieur Jean d’Udine, au nom de saint Paul et aussi des déclarations antérieures du décret sur notre salut dans le Christ qui signifient, à son dire, Vexclusio cujuscumquc mcriti, p. 441-442.

Plusieurs Pères abondèrent dans le sens de ces théologiens. Non opus est quidquam innuere de merito congrui, faisait observer prudemment l’évêque de Naxos, p. 452. Celui d’Accia, Robert de’Nobili, est encore plus résolument hostile, cum meritum et debitum ex diametro contradicant gratuit o sive gratis dato, p. 455. D’autres exprimèrent simplement leur non placet sans le motiver : ainsi l’évêque de Lanciano, p. 461, et l’abbé Lucien, p. 473. Le 7 octobre, les abbés voulaient seulement adoucir la formule en celle-ci : Quamvis bona faleamur [opéra], tamen mérita esse negamus, p. 475. Mais, le lendemain, Jérôme Séripando exprimait sa défaveur en ces termes lapidaires : Si opéra illa aliquo modo sunt mérita, gralia aliquando non est gratia, p. 489.

Cependant la formule contestée trouva des défenseurs. Pour la sauver, Véga proposait cette précision : proprie mérita, quibus gratia debeatur, excludantur, p. 438, tandis que le mineur Jean du Conseil suggérait plutôt une addition positive : cum etiam sint utilia [opéra] et disponant ad justificationem, p. 432 ; cf. p. 439. Cette dernière suggestion devait être présentée à l’assemblée, le 7 octobre, par le général des observantins, p. 474. L’évêque de Castellamare eût même souhaité le terme necessaria, p. 461, tandis que celui de Céos se fût contenté de dire : licet faciant ad dispositionem, et l’archevêque d’Aix : quamvis plerumque ad justificationem consequendam disponant et préparent, p. 447.

Au lieu de ces palliatifs, le général des conventuels porta nettement la question sur le terrain théologique et se fit, non sans quelque vivacité, l’interprète de la doctrine reçue dans l’École : Mulli censurarunt particulam illam : lanquam proprie, etc. Quos ego satis admiror, cum omnes theologi, excepta Gregorio Ariminensi ex ordine eremitarum, ponant ista mérita impropria, secundum quid, interprelaliva, sive, ut uno verbo dicam, mérita de congruo, distincta a meritis propriis, veris, graluitis et de condigno. Anle ergo justificationem nemo negat ex theologis, ut dixi, bona ista et mérita impropria, licet quicumque excludat ea tanquam mérita propria. Séance du 7 octobre, p. 480.

C’est ainsi que cette petite incise du projet devenait le champ clos sur lequel s’affrontaient, suivant leurs préférences théologiques, partisans et adversaires du mérite de congruo. Le canon 5 devait naturellement être traité en conséquence, p. 508 ; mais il ne semble pas avoir été l’objet d’observations bien spéciales, sauf de la part du mineur Jean-Baptiste Moncalvius, p. 432, et du docteur séculier Navarra, p. 440, qui en voulaient faire préciser quelques expressions.

c) Discussion du projet : Le mérite après ta justification. — A côté de la discussion sur les œuvres pré paratoires à la grâce, où s’opposaient nettement deux écoles rivales, celle que provoqua le dernier chapitre du projet, relatif aux œuvres consécutives à la justification, se déroule dans un ordre un peu dispersé et sans tendances bien définies.

Un petit mouvement d’opinion se produit sur le dossier qu’il convient d’annexer à la question. Jean du Conseil réclame de nouveau, p. 432 et 439, le texte paulinien II Cor., iv, 17, qui paraît également s’imposer à l’archevêque d’Aix, p. 448. Au contraire, le texte sur lequel se terminait le projet, de Joan., iv, 14, ne semble pas ad rem au dominicain Barthélémy Miranda, p. 432, ainsi que plus tard à l’archevêque de Torrès, p. 451, et à l’évêque de Badajoz, p. 467. Mais il est défendu par l’évêque de Bosa, d’après l’usage qu’en ont fait les maîtres, p. 461. A sa place, le mineur Vincent Lunel propose une addition de caractère théologique : …Justitiæ ratione provenientis ex merito Christi, p. 431. L’évêque de Sinigag.ia voudrait qu’on accroche à vitam œternam la formule augustinienne : in qua coronat in eis Dominus dona sua, p. 463.

Plus importantes sont les réserves formulées çà et là au sujet de la dernière phrase, qui, sous prétexte de mettre in tuto la justifia Dei, en faisait la seule raison formelle de nos mérites : Non alia quam ipsius justitiœ… ratione fiunt [opéra bona] in homine fons aquæ salienlis. Elle devait déplaire à Lainez, qui voudrait y voir mention de paclo divino ou la supprimer, p. 433. Au lieu de la forme exclusive : non alia… ratione, le mineur Richard du Mans propose la forme positive : tum vero quia ipsius justitiæ ratione, p. 437. Salmeron voulait seulement enlever la seconde conjonction tum vero, p. 438 : ce qui eût fait de cette proposition une simple annexe de la précédente, et prouve que l’auteur ne saisissait pas, ou ne goût ait pas, la nuance qu’elle exprime à côté d’elle.

Bien que ces observations soient pour la plupart de pure forme, elles dénotent le sentiment obscur que ce texte ne donnait pas satisfaction. Le général des servîtes en marque déjà mieux le point vulnérable, quand, " au lieu de dire : a justitia Dei… proveniunt [opéra], il propose tout simplement : a gralia Dei, p. 491. Dans le même sens, l’évêque de Castellamare trouve que l’expression non alia ratione quam ipsius justitiæ, a l’air d’exclure le Christ et le don de sa grâce inhérente à notre âme : ce qui revenait à dénoncer ici, non sans raison, une répercussion indéniable du système de la double justice. En conséquence, il suggérait de dire : non alia ratione quam ipsius justitiæ seu graliæ dependenlis a gralia Christi, p. 495.

Le canon correspondant suscita également quelques légères remarques. Jean du Conseil demande qu’on ajoute un complément à bona mérita, pour préciser qu’il s’agit de l’homme, p. 439. Le même théologien tenait pour superflus les termes per ejus gratiam, tandis que d’autres souhaitaient que fût renforcée la mention de la grâce et des mérites du Christ, ne videamur nude asserere mérita nostrorum* operum qucmidmidum pelagiani, p. 509. D’après l’évêque de Syracuse, il eût fallu y introduire le rappel de la promesse divine, comme au c. xi, et, au besoin, l’exprimer dans un canon spécial, p. 466. L’archevêque d’Aix le trouvait surchargé de gloses inutiles, voire même nuisibles, p. 449. Au lieu de ces périphrases méticuleuses, qui, à force d’être circonspectes, finissaient par laisser une impression d’incertitude, il eût aimé cette formule tranchante : Qui dixerit opéra bona justorum non esse bona mérita ipsorum, anathema esto. D’accord avec quelques-uns des consulteurs, tel Lainez, p. 438, il demandait qu’on y ajoutât un mot de merito augmenti gratiæ. Il fut suivi sur ce point par Jérôme Séripando, p. 490.