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MÉRITE AL CONCILE DE TRENTE : ELABORATION DU DÉCRET

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d’après deux brouillons successifs fournis par Jérôme Séripando, en date du. Il et du 19 août, puis lui fit subir diverses modifications suivant les consultations privées des Pères et des théologiens, ce nouveau projet fut soigneusement préparé au cours de trois ou quatre longues semaines d’études pour être enfin soumis à l’assemblée le 23 septembre. A la différence du précédent, il marque une étape importante sur la voie du décret définitif.

a) Texte. — Avant la justification, il faut avant tout sauvegarder les droits supérieurs de la grâce. C’est pourquoi on rappelle tout d’abord qu’il n’y a de salut pour l’humanité que dans et par Jésus-Christ : elle ne peut sortir de l’injustice que par l’application du mérite de sa justice », c. iii, p. 421 ; cf. c. vii, p. 423, formule où l’on sent la terminologie spéciale de Séripando, liée à sa conception de la double justice, et qui ne fut pas conservée.

De même, les grâces individuelles de conversion dont bénéficient les adultes sont accordées nullis nostris existentibus merilis. II y a lieu cependant à une prœparatio seu dispositio de notre part. C. vi, p. 422. La valeur de cette « préparation » était indirectement suggérée un peu plus loin, quand, pour expliquer que notre justification reste gratuite, le texte ajoutait : Quod quidem in eo sensu interpretandum est quem perpétuas Ecclesiæ catholicæ consensus lenuit et expressit, ut scilicet a justificatione ipsa opéra omnia (idem præcedentia et ca quoque quæ… cum fide aliqua fiunt

    1. TANQUAM PROPRIE MERITA EXCLUDANTUR##


TANQUAM PROPRIE MERITA EXCLUDANTUR. C.VlI, p.423.

Même nuance dans le canon correspondant : Si quis impium quibuscumque suis operibus prsecedentibus dixerit posse proprie et vere justificationem mereri coram Deo, ita ut illis debeatur gratin ipsa justificationis, A. S. Can. 5, p. 426.

Le texte ainsi conçu comportait deux affirmations : l’une théologique, savoir que les œuvres préparatoires à la justification ne sont pas « proprement » des mérites ; l’autre historique, savoir que telle fut la pensée constante de l’Église. Il est à remarquer que l’adverbe proprie ne figurait pas dans la rédaction de Séripando, qui disait absolument : lanquam mérita excludantur, p. 824 et 829.

Exclu avant la justification, le mérite proprement dit s’impose après. Voilà pourquoi le chapitre final du projet lui était expressément consacré… In Christo Jesu justificatis et in accepta gratia usque in finem perseveranlibus proponenda est vila œlerna lanquam gratia flliis Dei et heredibus regni promissa et tanquam merces. .. bonis ipsorum operibus et meritis débita. Proponenda videlicet est perfecta illa et consummata justitiæ corona quam… exspectabat Aposlolus a justo judice qui reddel unicuique secundum opéra cjus. Qua expectatione neque propria justitia slatuitur, neque ignoratur aiit repudiatur justitia Dei, tum quia opéra bona justorum quibus vita œterna redditur a justitia Dei, hoc est gratia seu caritate qua Deus eos justos fecit, proveniunt, quæ est sicut semen Dei cujus vis fructum seterna vita dignum producere potest, tum vero quia non alia quam ipsius justitiœ… ratione fiunt in homine fons aquæ salientis in vitam œternam. C. xi, p. 426.

Ce texte provenait à peu près littéralement de Séripando, p. 831-832. Les seules modifications notables portent sur la dernière phrase. A propos de la grâce, celui-ci marquait, en termes d’école, que nos œuvres en procèdent tanquam principali causa : le rédacteur officiel a laissé tomber cette expression scolastique. La dernière proposition y était conçue en ces termes passablement obscurs : …tum vero quia hœc ipsa Dei justitia… non alia quam bonorum operum ratione fit in homine fons aquæ salientis, etc. A cette construction laborieuse, qui faisait porter tantôt sur les œuvres tantôt sur la justitia Dei l’accent de ces deux phrases,

destinées à être corrélatives, succédait, pour le plus grand profit de la clarté, une rédaction plus simple dont les opéra bona justorum restaient tout â la fois le seul sujet logique et grammatical.

Quand au fond, la particularité la plus saillante de ce texte consiste en ce que le mérite y est seulement touché in obliquo. A peine le mot y figure-t-il dans un complément indirect pour qualifier la nature de la récompense : merces… operibus et meritis débita. Le fait n’est pas moins à noter, puisque H. Ruckert, op. cit., p. 237, déclare ne pas l’y trouver du tout. Contrairement au projet du 24 juillet, c’est la promesse de la couronne éternelle réservée à nos œuvres qui est ici au premier plan : d’où l’on remonte au mérite par induction. Moins conforme aux lois de la logique abstraite, cette méthode correspond plus exactement aux modalités de la révélation chrétienne sur ce point ; c’est sans doute pourquoi elle devait prévaloir Puis cette vérité générale y est appuyée sur l’exemple et la doctrine de saint Paul : on sait que toujours le concile aima rattacher ses définitions à l’enseignement de l’Écriture. Enfin, le chapitre se termine par une sorte d’apologétique du mérite, destinée à montrer que cette notion ne crée pas à l’homme une propria justitia au détriment de la justitia Dei. Car de nos mérites celleci reste la cause efficiente : A justitia Dei… prove niunt et la cause formelle : Non alia quam ipsius justitiæ ratione fiunt fons aquæ salientis.

Ce sont donc à peu près les mêmes thèmes que dans le premier projet, mais présentés sous une forme plus doctrinale. L’usage pratique du mérite dans les fins de notre vie morale et la question du désir de la récompense qui manquent ici se retrouvent plus haut, à la fin du chapitre sur l’observation des commandements. C. ix, p. 425.

Un canon contre les erreurs protestantes couronnait cette exposition : Si quis hominem justificatum et vivum Christi Jesu membrum effectum dixerit non mereri bonis operibus vitam œternam, aut bona opéra justorum ita esse dona Dei ut per ejus gratiam non sint etiam bona mérita, A. S.. Can. 21, p. 427. -La première proposition en est prise littéralement dans le texte de Séripando. Quant à la deuxième, elle ramène une formule augustinienne toujours de mise en la matière et qui, de ce chef, est restée dans la dernière rédaction du décret. Mais elle chasse une phrase complémentaire, qui faisait l’apologétique du mérite. Nam, déclarait Séripando à l’adresse de qui nierait le mérite du chrétien justifié, gratiam Christi exténuai, quam ad hoc non extendit ut membris suis… vim tribuat operandi opéra digna vitæ œternæ remuneratione. Can. 8, p. 833. Vue dogmatique non moins simple que profonde, exprimée d’ailleurs ici en termes très heureux, et à laquelle il est regrettable que le rédacteur officiel n’ait pas trouvé le moyen de faire un sort. — Tel est le texte sur lequel, suivant la méthode reçue, les théologiens d’abord, puis les Pères, allaient avoir à délibérer.

b) Discussion du projet : Le mérite avant la justification. — Sans parler de quelques détails de minime importance, les débats se concentrèrent vite autour de deux points principaux.

Ce fut d’abord la phrase initiale du c. vii, col. 741, qui, tout en ayant l’air d’exclure seulement le pélagianisme, posait, en réalité, sous cette apparence inoiTensive, tout le problème du mérite de congruo. Elle se heurta, de ce chef, à de vives et persistantes critiques.

Des deux assertions qu’elle contenait, d’aucuns attaquèrent simplement la première, qui engageait ici le perpétuas Ecclesiæ catholicæ consensus. Véga faisait déjà des réserves à ce sujet dès la séance du 27 septembre, p. 131 ; elles furent reprises extra congre-