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MERITE Al ; CONCILE DE TRENTE : ÉLABORATION DU DÉCRET

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tinora, p. 365. La plupart parlent franchement de mérite et de mériter ; niais l’évêque des Canaries rappelle que nos mérites reposent sur la miséricorde divine : Misericordia Dei fil ut opéra nostra uliquid mereantur, p. 366. A quoi celui de Huesca ajoute mention du pacte qu’ils supposent : Mercedem operibus bonis ex Dei paclo a liberalitute debitam eonsequetur, p. 3C7.

Le général des servîtes fait entendre la note scotiste : Opéra bona sunt meritoria vide œternæ quatenus Deus illa acceptât, non quatenus nostra, p. 371. Il est à remarquer que la même théologie n’avait pas empêché précédemment, p. 346, l’archevêque d’Armagh d’admettre un mérite de condigno. D’autres le faisaient intervenir d’emblée : tels les évêques de Bos’a et de Lanciano, p. 361. On en rencontre chez l’évêque de Sinigaglia, p. 349, "cette variante atténuée : Gloria et honore [justificatiis] benignitate Dei digne coronabitur. Ici encore, l’évêque de Castellamare se plaît aux distinctions subtiles : Quatenus ex libero arbitrio et gratia Dei justificante [proveniunt opéra], et hsec sunt de congruo meritoria et de condigno large ad beatiludinem ipsam… ; quatenus procédant de Spiritu Sancto, sunt de condigno, p. 363.

De toutes les réponses la plus profonde tout à la fois et la plus traditionnelle fut celle de Jérôme Séripando. Il commence par faire observer que cette question soulève une magna dubitatio, quand il s’agit d’accorder ici la part de l’homme et de Dieu. Sa solution s’inspire des principes de saint Augustin et de saint Bernard, dont il rapporte les textes les plus caractéristiques : Dico quod, sicut vila seterna merces dicitur in sacris literis et gratia, sic opéra dici possunt mérita, sed debent etiam dici dona. Séance du 23 juillet, p. 373-374. Doctrine résumée par Massarelli, p. 370 et 381, en cette formule nerveuse, qui fut toujours un des principes régulateurs de la théologie catholique en la matière : Merces id est meritum. Les mêmes vues président à la réponse du général des carmes, p. 376-377, qui ajoute un petit exposé très substantiel pour montrer, à l’adresse des protestants, que nos mérites ne nuisent pas au mérite du Christ, puisqu’ils en procèdent.

Cette première consultation des Pères du Concile a l’incontestable intérêt de faire entendre, avec les principes essentiels de la foi catholique, toute la gamine des opinions théologiques reçues en matière de mérite. Mais, par là-même, la plupart des réponses associaient la vérité chrétienne à des sytèmes ou formules d’école, dont le concile, en travaillant à fixer son enseignement, allait tendre à se détacher de plus en plus.

2. Élaboration du décret : Projet du 24 juillet. — Après ces premières séances, consacrées pour ainsi dire à l’inventaire de la question, et où les réponses se produisaient encore un peu au hasard, il s’agissait d’arrêter la discussion sur un texte précis. Tel fut le but d’un premier projet, œuvre, semble-t-il, de l’archevêque d’Armagh et du franciscain Véga, qui fut remis aux Pères le 24 juillet et ne tarda pas d’ailleurs à être entièrement écarté.

a) Texte. — Bien qu’il n’en soit à peu près rien resté dans le décret définitif, il n’est pas inutile de voir comment s’y présentait la doctrine du mérite.

On y rappelait tout d’abord qu’il ne peut être question de justice en nous que sous le bénéfice préalable de l’œuvre rédemptrice : In merilo ipsius Christi Jesu… radicatur et fundatur omnis justitia juslorum, c. 1, p. 385. En conséquence, à rencontre des pélagiens, on affirmait la stricte nécessité de la grâce pour mériter la vie éternelle et, d’un mot, la vanité du mérite humain quand il s’agit d’être justifié : In hac enim justificatione, mérita hominis lacère debent ut sola Christi gratia regnet, c. 8-9. p. 386-387. Cf. ibid., c. 11 :

l’ropriis liberi arbitrii uiribus… nemo potest… credere, sed neque mereri ut sibi detur quod credat.

Cependant il faut, pour être justifiés, des dispositions de notre part. La foi est la première et la principale : Sine ea nullus ad justifteationem sufficienter disponi potest. Elle n’est pas la seule d’ailleurs ; mais, chez qui ne met pas obstacle à son développement normal en œuvres de charité, adducit ad impetrundam justifteationem, c. 12, p. 388. C’était indiquer en termes discrets la nécessité de la préparation humaine à la grâce, mais sans en préciser exactement le rôle ou la valeur.

Une fois obtenue la justice, les œuvres ont pour effet de l’accroître : Per bona opéra augeri coram Deo justitiam semel habitam, c. 14, p. 389. Ce qui amenait logiquement un canon spécial sur le mérite. D’après la manière générale adoptée dans le projet, la doctrine catholique y est énoncée tout d’abord sous une forme négative : Si quis dixerit, de bonis operibus justificati hominis loquens : Superba vox est meritum, A. S. Cet anathème était ensuite justifié par un exposé positif, où se lit tout d’abord la réalité du mérite : Verum enim est meritum operum illorum, quia, duce gratia, comité voluntate…, non modo augmentum gratiæ sed et gloriam œternse vitee per ea ipsa qui vere justificati sunt promerentur quatenus in Deo sunt fada. En effet, la vie éternelle offre ce double caractère d’être tout d’abord une grâce, mais ensuite une rétribution : Gratia dicitur quia, nisi gratia mérita præcessisset, non esset meritum cui gloria tribueretur ; sed post gratiam jam corona…, et Mis [operibus] non modo dari sed reddi… prædicatur. Dès lors, rien n’empêche de travailler ici-bas dans la vue et l’espoir de cette rémunération éternelle, modo primum locum sibi vindicel caritas atque ideo Deus, c. 15, p. 389.

II était assez étrange comme méthode d’accrocher toute la doctrine du mérite à la censure d’un dicton protestant, de provenance inconnue, et qui ne touchait, au demeurant, que l’aspect le plus superficiel de la question. Mais le commentaire justificatif se déroulait ensuite suivant une marche parfaitement synthétique : réalité du mérite, fondée sur les deux facteurs, divin et humain, qui le produisent ; caractère de la vie éternelle qui en est la conséquence ; usage de cette espérance dans la vie morale.

Sauf cette dernière idée, toutes les autres entreront dans les formes postérieures du décret, mais exprimées en d’autres termes et dans un ordre différent.

b) Discussion. — Ce projet n’avait suscité de la paît des théologiens consulteurs que des observations insignifiantes. Dès ce moment-là pourtant, p. 393, le vœu fut émis, que nous retrouverons plus tard, de voir ajouter au chapitre du mérite le texte de saint Paul, II Cor., iv, 17. Mais le fond et la forme du décret proposé avaient recueilli pleine approbation. — Il en fut autrement chez les Pères, pour des raisons d’ailleurs qui intéressaient plutôt l’allure générale du décret que le détail de son contenu. Aussi la discussion a-t-elle, en général, peu de portée théologique et particulièrement sur le point qui nous concerne. L’évêque de Lanciano, p. 404, trouvait superflue la condamnation du pélagianisme au c. 8 ; mais le chapitre du mérite recueillit le placet de l’évêque d’Ascoli, p. 412. Fidèles aux doctrines de leur ordre, les deux généraux des observantins et des conventuels s’accordèrent à réclamer en faveur du mérite de congruo. Séance du 17 août, p. 409-410. Au total, ce premier projet s’effondra sans rémission sous les coups des critiques qui lui vinrent de partout et les travaux de l’assemblée ne reprirent qu’un mois plus tard sur un texte absolument neuf.

3. Élaboration du décret : Projet du 23 septembre. — Œuvre personnelle du cardinal Cervino, qui le rédigea