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MÉRITE Al" CONCILE DE TRENTE : PRÉPARATION DU DÉCRET


quia per meritum Christi fit ut nostra bona opéra sint meritoria, p. 262. Licet non trahant Deum, quasi illa opéra nos juslificent, précise son confrère Jean du Conseil, p. 263, sed mouent suam misericordiam adeo quod fiant in nobis meritoria. Comme tout à l’heure, Antoine de Pignerol a recours aux termes d’école : Opéra ex libéra voluntate et ex radiée gratiæ prodeuntia merentur de condigno augmentum gratiæ et justificationis et ipsam denique gloriam. Et l’auteur d’expliquer ensuite, d’une façon très heureuse, que ce n’est pas là diminuer la gloire du Christ, mais, tout au contraire, la faire resplendir : Quia non tribuit [assertio hœc] viribus noslris vim hanc merendi…, sed gratiæ Christi in nobis et per nos operanti, p. 276-277.

Aussi ces formules techniques viennent-elles tout naturellement dans le résumé de Massarelli, p. 280 : Major pars theologorum dixit quod opéra disponentia ad justificationem sunt meritoria jusiificationis de congruo, opéra vero post justificationem sunt meritoria vitæ œlernæ de condigno. La minorité était faite de quatre augustiniens rigides qui n’admettaient qu’un rôle purement passif » de la liberté, voir Justification, t. viii, col. 2166, et, de ce chef, note Massarelli, wisi sunt exténuasse meritum operum. A propos de ces théologiens, on a pu parler de tendance aux « compromis » et de i penchant vers la Réforme ». Hûnermann, op. cit., p. 39-41. Cf. p. 47, 49, 57, 63. En tout cas, cette dissonance tranche sur le plein accord des autres et ne sert qu’à mieux le faire ressortir.

b) Délibérations des Pères. — Quand les Pères furent suffisamment éclairés par ces consultations préalables, les légats, à la date du 30 juin, concentrèrent les réflexions du concile sur une liste des principales « erreurs » qu’il paraissait opportun d’envisager en matière de justification, p. 281-282.

La première était celle du pélagianisme : Nalura nostra… propriis viribus… potest se disponere, acquirere et mereri justitiam apud Deum. Mais la plupart des autres visaient le protestantisme et quelques-unes ont trait à notre question, en dénonçant, soit le pessimisme total de la Réforme : Quod omnia opéra justificati sint peccata et infernum mereantur, soit les conséquences qu’il comporte en matière de mérite : Quod opéra bona sequentia justitiam eam tantum significanl nec juslificani, id est justitiæ augmentum merentur. Quod opéra justi non merentur vilam œternam. Ainsi la question du mérite était mise pratiquement à l’ordre du jour, soit à propos des œuvres qui précèdent la justification, soit à propos de celles qui la suivent.

Du 5 au 13 juillet, on délibéra sur la « première justification ». Les sentiments émis par les Pères un peu à bâtons rompus furent ainsi résumés à la séance du 14 juillet, p. 338-339 : Gratia Dei adjuti disponunt se [adulti] ad graliam subsequentem. Il ne peut être question d’autre chose : Opéra præcedentia nihil jaciunt nisi præparationem quamdam et dispositionem. Mais cette « disposition » doit être maintenue, quand il s’agit des œuvres inspirées par la foi : Opéra præcedentia fidem nihil conjerunt, subsequenlia præparant. Et, d’un mot, par rapport à la « seconde justification » : Opéra disponunt lantum hune primam justificationem, secundam merentur.

Il y eut une seule voix discordante : Quidam dixit, note le même résumé, p. 339, opéra ante justificationem facta nihil omnino facere neque etiam disponere, sed tolum tribuendum bonitati et pietati divinæ. Telle avait été, en effet, la position prise, le 10 juillet, p. 325, par l’évêque de Bellune, Jules Contarini, tributaire en cela des idées de son oncle le cardinal. Au dire de SeveroJ, Diaria, t. i, p. 88, ceci parut peu orthodoxe à lensemble du concile..1. Contarini avait été précédé dans cette voie, le 6 juillet, par l’évêque

DICT. DE TIIÉOL. CATHOL.

de La Cava, Jean Thomas Sanfelice, qui insistait pour ramener ces dispositiones ad justificationem à des fructus Spiritus Sancti, p. 296, et écarter toute espèce de mérite à cet égard. En dehors de ces pessimistes attardés, les Pères furent d’accord pour dire que nos bonnes œuvres, celles du moins qui sont faites sous l’influence de la grâce actuelle, préparent efficacement l’âme à la justification et sont nécessaires à ce titre.

Un certain nombre se refusent à aller plus loin, témoin l’évêque de Feltre, p. 297, dont la formule intentionnellement restrictive est relevée dans le résumé de Massarelli, ou encore celui de Castellamare : Opéra ante justificationem sunt necessaria, non meritoria, p. 299, et celui de Vaison, p. 301 : Opéra præcedentia justificationem aliquo modo ad eam faciunt, non quia justificationem impelrare mereantur.

D’autres cependant, comme l’archevêque d’Acerenza, p. 289, croient pouvoir parler, en général, d’œuvres méritoires et plusieurs adoptent sans hésiter la formule classique : mérite de congruo, tels les évêques de Majorque, p. 291, de Sinigaglia, p. 292-293, de Badajoz, p. 324. De même plus tard le général des conventuels, séance du 22 juillet, p. 369. C’est aussi sans nul doute la pensée de l’évêque des Canaries, qui écarte le mérite de congruo pour les œuvres faites in puris naturalibus, c’est-à-dire sola generali gratia Dei, mais enseigne qu’avec la foi et la charité qui en est la suite opéra merentur justificationem, p. 329-330. Il allait même si loin dans cette voie, au dire de Severoli, Diaria, t. i, p. 89, qu’il parut « presque tomber dans l’erreur des pélagiens ». Suivant une autre distinction, qui ne semble pas avoir eu beaucoup de partisans, l’évêque de Castellamare réserve le mérite de congruo aux opéra concomitantia ipsam justificationem, p. 299. A la séance du 20 juillet, p. 363, le même Père devait reprendre le même terme dans son sens usuel.

En traitant de la première justification, plusieurs Pères avaient déjà, cédant à la logique du sujet, anticipé sur la seconde. Seul l’évêque de La Cava, conformément à son système, se prévaut de saint Bernard, voir plus haut, col. 672, pour réduire notre mérite au seul fait de notre libre consentement, p. 295. Tous les autres insistent sur le caractère pleinement méritoire des œuvres faites en état de grâce : par exemple, l’archevêque d’Acerenza, p. 289-290, l’évêque de Vaison, p. 302. Quelques-uns tiennent d’ailleurs à marquer, avec saint Augustin, que nos mérites se ramènent à un don de Dieu : par exemple, les évoques de Sinigag.ia, p. 293, et de Motula, p. 306.

Mais cette idée trouvait surtout sa place dans les débats sur la seconde justification, qui eurent lieu du 15 au 23 juillet. L’évêque de La Cava y fit encore profession de minimisme : Ea tamen [opéra] merentur quatenus mérita Christi nobis condonantur, p. 347. C’est sans doute en développant le même thème, à la séance du 9 juillet, que l’évêque de Worcester, au dire du secrétaire Marcus Laureus, p. 383, avait paru nier le mérite des œuvres post justitiam. A la même séance du 17 juillet, l’évêque de Feltre, p. 347, essaya, en une formule subtile, de s’accommoder à cette vue : Nostra opéra, quatenus condonatur nobis ut sint meritoria per mérita Christi, sunt meritoria. Pour l’ensemble des Pères, cette application des mérites du Christ s’entend d’une app.ication active, qui devient génératrice de nos propres mérites.

A peine quelques-uns s’en tiennent-ils à des formules vagues et se contentent de dire que, par nos œuvres, nous obtenons ou recevons la vie éternelle Voir, par exemple, l’évêque d’Ascoli, p. 350 ; l’archevêque de Cambrai, p. 351 ; les évoques de Majorque, d’Albe, de Vaison, de Némosie, p. 360-361, de Ber X. — 24