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MÉRITE AU CONCILE DE TRENTE : PRÉPARATION DU DÉCRET


cogère protestantes ad istam vocem meriti, sed dissimulandam esse putavimus.

Si la première raison invoquée par Contarini était plutôt d’ordre politique, on voit que la seconde appartient proprement à la théologie. Ce qui nous prouve à quel point les chicanes de la controverse avaient fini par imposer à certains catholiques les préventions les plus caractéristiques de la Réforme. Texte dans Theol. Studien und Kritiken, 1872, t. xlv, p. 144-150. Voir de même la lettre de Contarini (à Jérôme Aléandre ?), en date du 22 juillet, éditée par L. Beccadelli, Monumenti di varia letteralura, t. i b, p. 186-189, et Th. Brieger, dans Zeitschri/t jùr Kirchengeschichte, 1880, t. iii, p. 516-519. Après y avoir rappelé qu’il fut d’accord sur ce point avec tous les théologiens impériaux, le légat s’élève assez vivement contre l’idée qu’on veuille faire de Dieu notre débiteur. Quant à lui, il déclare vouloir tout attendre dalla sua benignilù, misericordia et liberalità et non da debito suo et obbligo suo alcuno. Contarini avait pareillement évité le terme « mérite » dans sa célèbre lettre doctrinale du 25 mai sur la justification.

L’Intérim de Ratisbonne n’eut aucun succès. Mais les controversistes protestants ne manquèrent pas et ne se privent point encore aujourd’hui de compter comme une victoire les concessions imprudentes qu’il avait arrachées aux « pontificaux ». En particulier, la lettre de Contarini leur mettait en mains un magnifique atout. Publiée pour la première fois par Flacius Illyricus, De voce et re fidei quodque sola fïde justificamur, Bâle, 1563, p. 268-272, elle fut reprise, au xviii » siècle, par G. Riesling et opposée à l’apologie de Contarini que venait de tenter le docte cardinal Quirini, évêque de Brescia. Epistolse Anti-Quirinianse, Leipzig, 1751, p. 289-293. De ces sources trop peu accessibles, elle a été jetée de nouveau au grand jour de la publicité par Th. Brieger, en appendice à son mémoire Die Rechljertigungslehre des Cardinal Contarini, dans Theol. Studien und Kritiken, 1872, t. xlv, p. 144-150, à l’appui de la thèse qui qualifie de conception « authentiquement protestante », ibid., p. 142, la théorie de la justification défendue par le cardinal légat. Voir du même auteur un jugement à peine adouci dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1882, t. v, p. 577-581.

Il serait injuste d’enregistrer purement et simplement comme le verdict de l’histoire ces appréciations de polémistes tendancieux. Plus modéré, H. Ruckert, Die theologische Entwicklung G. Contarini, Bonn, 1926, p. 93-95, se contente de dire que sa position au sujet du mérite fut seulement équivoque. Voir de même Fr. Dittrich, G. Contarini, Braunsberg, 1885, p. 685692, et Fr. Hiinermann, Die Rech/ertigungslehre des Kardinals G. Contarini, dans Theol. Quartalschrift, 1921, t. en, p. 19-22. Mais les faits subsistent, qui témoignent combien fut réelle et profonde, dans les milieux inféodés à l’école de Cologne, la tendance à certains compromis théologico-politiques dont la doctrine du mérite était appelée à faire plus ou moins directement les frais. En même temps qu’ils font connaître l’atmosphère dans laquelle le concile de Trente était à la veille de s’ouvrir, ces indices convergents permettent de mesurer tout à la fois l’importance et la difficulté de la mise au point qu’il s’agissait de réaliser.

III. DÉFINITION DU CONCILE DE TRENTE. Un des

principaux objectifs que le concile de Trente s’est proposés et un de ses plus importants résultats fut la promulgation du décret relatif à la justification (vie session : 13 janvier 1547). La doctrine du mérite en est un élément, que la logique du sujet et la pression de la polémique protestante imposaient également d’y faire entrer.

Histoire du décret conciliaire.

— Dans les longues

délibérations qui précédèrent l’avènement du Decretum de justificationc quin 1546-janvier 1547), la question du mérite devait tout naturellement trouver sa place, en attendant de se fixer dans le chapitre final où l’Église a consigné les traits essentiels de son enseignement.

Parce que de moindre relief à côté d’autres plus graves, ce problème est très rapidement touché par les historiens de la vie session, soit dans l’ouvrage ancien mais toujours utile de J. Hefner, Die Entstchungsgeschichte des Trienter Recht/ertigungsdekretes, Paderborn, 1909, soit dans la récente monographie de H. Ruckert, Die Rechljertigungslehre auf dem tridenlinischen Konzil, Bonn, 1925. Les actes officiels, Concil. Trid., t. v : Act. pars altéra, édit. Elises, Fribourg-en-B. , 1911, contiennent cependant des documents nombreux et précis qui montrent comment, dans le cadre général du décret et de son histoire assez complexe, voir Justification, t. viii, col. 21652172, des échanges de vues se produisirent au sujet du mérite, dont la théologie peut et doit faire son profit.

1. Préparation du décret. — Sans avoir encore rien de commun avec le texte du décret futur, une série de travaux préliminaires servit à en préparer de loin les matériaux.

a) Consultations des théologiens. — — Parmi les six articles soumis, en date du 22 juin 1546, à l’examen des theologi minores, deux intéressaient ou devaient forcément intéresser, bien qu’il n’en fût pas expressément question, la doctrine du mérite, savoir l’art. 4 : An et quomodo opéra faciant ad juslificationem ante et post et l’art. 5 : Declaretur quid præcedat, quid concomiletur, quid sequatur ipsam justiflcationem, t. v, p. 261. Aussi la plupart des consulteurs s’expliquent-ils à ce sujet.

Des œuvres préparatoires à la justification ils sont d’accord, à très peu d’exceptions près, voir Justification, col. 2177, pour dire qu’elles sont nécessaires, au moins à titre de « causes dispositives ». Salmeron tient seulement à exclure, avec saint Paul, mérita quæ ex se’et sua dignitate emunt justitiam, séance du 23 juin, p. 271, cf. p. 264. Le mérite de congruo était évidemment dans la logique de ces affirmations : le franciscain Antoine de Pignerol en traite ex professo, et avec un extrême effort de précision, à la séance du 26, p. 274. Après avoir écarté comme sans valeur les actions faites sine aliqua gratta naturalem voluntatem prœveniente, il ajoute : Opéra juslificationem antecedenlia, instinctu, horlatu molioneque divina a no bis facta, licet graliæ sanctificantis et justificationis non sint condigna, disponunt tamen… ad gratiam suscipiendam. .. Hanc operum dispositionem et prscparalionem… theologi vocant meritum de congruo, quod non est vere et simplex meritum, sed meritum secundum quid.

On a fait observer que, dès ces premières délibérations et dans la suite, les franciscains eux-mêmes demandent l’intervention de la grâce actuelle pour le mérite de congruo. Fr. Hiinermann, Wesen und Notwendigkeit der aktuellen Gnade nach dem Konzil von Trient, p. 25 ; cf. p. 34, 54, 83. Ce qui tendrait à prouver la baisse du nominalisme extrême au temps du concile. En disant : sine aliqua gratia… præveniente, Antoine de Pignerol use d’une expression circonspecte, qui a bien l’air de réserver les positions de son école et n’indique certainement pas qu’il les veuille abandonner.

Quant aux œuvres qui suivent la justification, tous reconnaissent qu’elles sont méritoires, et" parfois avec des formules d’une très haute densité théologique. Ainsi le franciscain Richard du Mans : Opéra dicuntur meritoria, non quasi ex nobis provenienlia, sed a Deo,