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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), PÉRIODE OTTOMANE : PATRIARCHES 58

L’intervention de l’Europe et l’expédition française valurent à la Montagne un nouveau statut. En elïet, la commission établie par les puissances élabora le Règlement organique » de 1861. Ce « Règlement « fut revu et jalousement amendé par la Turquie et l’Angleterre. Cette révision déforma complètement le projet élaboré par la France, lequel prévoyait en somme le rétablissement de l’ancienne organisation libanaise, sous une autorité indigène. Confirmé à plusieurs reprises par des accords internationaux, ce « Règlement » constitua la charte de l’autonomie libanaise, telle qu’elle a fonctionné jusqu’à la guerre de 1914. La Montagne fut constituée en moutasarrifat autonome, relevant directement de la Porte, sans passer par l’intermédiaire des pachas de Syrie… Son ancienne extension territoriale avait été réduite de plus de la moitié… Dans ces limites étriquées… la nouvelle circonscription ne comprenait plus même le Liban géographique… A sa tête se trouve placé un gouverneur chrétien, n’appartenant à aucune des nationalités libanaises. Proposé par la Porte, le choix doit être approuvé par les grandes puissances… II réunit en sa personne toutes les attributions de l’exécutif : il perçoit les impôts, approuve les sentences des tribunaux, rendues par des magistrats indigènes. Il est assisté par un conseil administratif, élu parles habitants et représentant les diverses communautés libanaises. Le maintien de l’ordre public est confié à une troupe ou corps de gendarmerie indigène, dont des instructeurs français assureront l’organisation. » Lammens, loc. cit., p. 187-189.

Sur les instances de M. Béclard qui représentait la France à la Commission européenne, Fouad Pacha, Haut Commissaire de Turquie, avait confié le qâïmaqâmat chrétien à un chef maronite, Joseph Karam. Celui-ci, en grand renom de courage et de vertu, jouissait d’un prestige considérable dans le pays. Mais cette désignation ne plut pas au général de Beaufort d’Hautpoul, commandant en chef de l’expédition. Voir des documents fort curieux dans C. de Rochemonteix, Le Liban et l’expédition française en Syrie (1860-1861), Paris, 1921.

De Beaufort avait un candidat, l’émir Madjid, petit fils du grand Bachîr, qui vivait en Egypte depuis de longues années ; il voulait même le faire agréer, à la suite de l’organisation future du Liban, comme gouverneur suprême de la Montagne. Or, la personnalité de Joseph Karam contrariait visiblement la marche de cette combinaison. Le général mit tout en œuvre pour écarter ce dernier, lequel, de guerre lasse, demanda à Fouad pacha d’accepter sa démission, et se retira à Ehden, son pays natal. C. de Rochernonteix, op. cit., p. 168-172, 179-180. 290-291.

Pourtant, ce ne fut pas au candidat du général de Beaufort qu’échut le nouveau poste de gouverneur du Liban. Le choix se porta sur un étranger, Daoud pacha (10 juin 1861). « Chrétien de nom, ambitieux, sans scrupule, sans attache dans le Liban, auquel il était étranger, dévoué uniquement à sa propre fortune, il avait tout intérêt à servir les passions de la Porte et à suivre ses directions, devant tout attendre de ce gouvernement. Ibid., p. 220. II était chargé de promulguer la Constitution et de la mettre en pratique, à titre d’essai, pendant trois ans. II avait besoin d’un appui et il ne pouvait guère le trouver sans Joseph Karam. Celui-ci, voyant que les intérêts de son pays étaient sacrifiés, déclina les oflres du nouveau gouverneur. Cette attitude patriotique lui valut la prison et l’exil. Ibid., p. 242, 213, 216-252, 262-265. Daoud, était nommé pour une période de trois ans. On espérait qu’à la fin de son mandat, il serait remplacé par un maronite. Aussi bien, lorsque, en 1864, on lui renouvela les pouvoirs de gouverneur du Liban, Karam,

qui avait été éloigné de la Syrie, nous venons de le voir, se hâta de regagner son pays ; il se mit à la tête de l’opposition, s’arma et aborda la lutte avec un courage et un patriotisme qui l’imposèrent au respect de l’ennemi lui-même. Mais, à la fin, devant des fortes numériquement supérieures, il dut se retirer et quitter le Liban, sous la protection de la France ; ce qui eut lieu en 1867. Le nom de Karam demeura et demeure encore populaire parmi ses compatriotes ; et nous avons pu voir son corps exposé à Ehden, son pays natal. Cf. I)ebs, op. cit., t. viii, p. 728-733 ; Jouplain, op. cit., p. 167 169.

Désormais, Daoud Pacha ne rencontrait plus de résistance ouverte dans la Montagne. Toutefois, son prestige ayant sombré, il sentit qu’il ne pouvait plus tenir son poste. En 1868, il retourna à Constantinople et le Liban ne le revit plus. C. de Rochernonteix, op. cit., p. 265-269.

Si le nouveau statut du Liban, même après avoir été modifié en 1864, n’est pas à l’abri de toute critique, il procura, cependant, un régime de concorde sociale entre les divers éléments de la population. D’ores et déjà, chrétiens, musulmans, druscs et métoualis vivent côte à côte sans défiance, sans heurt. « Le meilleur éloge de cette combinaison, c’est d’avoir prouvé que le Liban était éminemment gouvernable-, que ses populations… ne pouvaient vivre et prospérer qu’en dehors du régime turc ; c’est de constater qu’elle leur a valu une période de recueillement, de préparation à des destinées plus glorieuses… Cette résurrection. .. fut avant tout l’œuvre de l’énergie, de l’initiative des Libanais. Ils surent profiter de l’appui, de la protection que la Puissance libératrice de 1860 ne leur marchanda jamais. » Lammens, loc. cit., p. 189-190.

Le nouveau régime dura jusqu’à la grande guerre. Le 29 octobre 1914, la Turquie se rangea au côté de l’Allemagne et, d’un trait de plume, elle abolit la charte du Liban. La victoire a ramené la France sur la terre de Syrie, et, le 1 er septembre 1920, le Grand Liban a été officiellement reconstitué, puis, au mois de mai 1926, organisé par elle en République, avec un président, un sénat, et une chambre des députés. Désormais, sous les auspices de la Puissance mandataire, les Libanais, unis dans un mutuel sentiment de concorde nationale, ’sans distinction de— race ou de religion, pourront travailler librement à la prospérité de leur pays.

Histoire religieuse.

1. Les patriarches. Le

dernier patriarche dont nous ayons parlé plus haut est Simon ou Siméon Ibn Hassan de Hadeth. Dans sa lettre à Léon X, 8 mars 1514, il écrit sa profession de foi catholique ; il explique le vieux rit de la confection du saint-chrême, la manière de choisir et d’introniser le nouveau patriarche ; il demande, entre autres choses, confirmation de son élection, etc. Le souverain pontife répondit à ses désirs et lui envoya la même année un visiteur apostolique, car Siméon avait dit au pape que, depuis longtemps, le Liban n’avait pas vu de représentant du Saint-Siège. Ce visiteur Fr. Giàn-Francesco da Potenza, était accompagné de Fr. Francesco da Rieti. De retour à Rome, les deux franciscains se. présentèrent avec trois députés maronites au V’concile du Latran. Voir les lettres du patriarche dans Hardouin, Acta ConciL, t. ix. col. 1857-1867 ; les lettres Nuncins finis, 20 août 1515 et Cunctarum orbis Ecclesiarum, 23 juillet 1515, dans Anaïssi, Bull., p. 32-35, 14-51 ; Golubovich, 7/ traltato di Terni Santae dell’oriente di Fr. Francesco Suriano, p. lix. -Le même pape envoya ensuite, au Liban, en 1515, à deux reprises différentes, un autre visiteur, Fr. Francesco Suriano, accompagné de Fr. Gian-Francesco da Potenza. Golubovich, op. cit., ibid. et p. 71. Le but de ces différentes missions était d’éclairer les maronites sur certaines questions théologiques, disci-