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    1. MERITE##


MERITE, LE MOYEN AGE

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d’une véritable rétribution : « Comme des ouvriers, les hommes y recevront le salaire convenable », àva-Àôycû :

cba7repavei. èpyizxi, tt]v àvTiîjLioOtav ànorfyô

[j.evoi. In Joan., t. II, 9 (ꝟ. 30), t. lxxiii, col. 385. Le patriarche d’Alexandrie consacre ailleurs tout un long développement à justifier cette proportionalité des récompenses futures. De ador. in spiritu cl veriiate, 1. XVI. t. lxviii, col. 1029-1035.

b) Pour saint Isidore de Péluse également, bien que les récompenses divines soient toujours de beaucoup supérieures à nos peines, Epist., iv, 136, P. G., t. lxxviii, col. 1217, il reste que « chacun recevra sa récompense auprès de Dieu selon son effort ». Epist.. i, 13, ibid., col. 88 ; cf. i, 197, col. 309 ; iv, 18, col. 1068. Même note chez l’ascète saint Nil, Epist., iii, 5, P. G., t. lxxix, col. 368.

c) Théodoret a sur ce point des affirmations tout à la fois plus nettes et plus nuancées.

D’une part, il porte très haut l’estime des œuvres humaines. « Grand, dit-il, est le prix de la justice : elle nous donne de l’assurance auprès de Dieu. » In Is., Lvm, 9, P. G., t. lxxxi, col. 457. A la pénitence il accorde le pouvoir de contrebalancer le péché. In Ps. xxiv, 18, t. lxxx, col. 1044. Les œuvres surérogatoires ont, à ses yeux, une valeur toute particulière, parce qu’elles dépassent les exigences strictes de la loi. In Ps. cxviii, 108, ibid., col. 1856.

Cependant, en raison de sa transcendance, la vie éternelle est une grâce et non pas une salaire. Tout comme saint Augustin, col. 650, et Origène, col. 627, il lit cette idée dans le texte de saint Paul, Rom., vi, 23. « Car la vie éternelle, glose-t-il, est un don de Dieu. Alors même qu’on aurait pratiqué une parfaite justice, des peines temporaires n’équivalent pas à des biens éternels. » In Rom.., i, 23, t. lxxxii, col. 113.

d) Il s’en faut du reste que tous les mystiques fassent exception. Témoin cet aphorisme incidemment émis par saint Jean Climaque : « Celui qui demande quelque chose à Dieu au-dessous de son mérite, raxpà tyjv éauToû à^îav, recevra sans nul doute au delà de ses vœux. » Et le pieux auteur de citer à la suite l’exemple du publicain, qui sollicitait seulement la rémission de ses péchés et reçut la justice, puis celui du bon larron, qui implorait tout juste un souvenir du Sauveur et obtint d’entrer le premier en paradis. Scala paradisi, xxv, P. G., t. lxxx™, col. 1000. Cf. ibid., schol. 35, col. 1012. Son livre entier n’a d’ailleurs pas d’autre but que de prêcher l’effort spirituel et il va de soi que la céleste récompense est par lui nettement donnée comme la « compensation » de nos sacrifices ici-bas. Ibid., xxvi, col. 1032.

Toute cette théologie grecque se reflète et se résume dans ces petits recueils de textes réunis sous le titre de Sacra parallela et qui se sont répandus sous le nom de saint Jean Damascène. Or l’un d’eux a pour objet d’établir que « Dieu rend à chacun ce qui lui est dû » et l’autre que la récompense est « en proportion de nos œuvres ». Sacra par., litt. E, 10, P. G., t. xcv, col. 1521-1524 ; litt. K, 11, t. xcvi, col. 83-88. Au terme près, c’est évidemment tout le fond de la doctrine du mérite.

Mais il est non moins clair qu’elle est réduite aux positions essentielles de la foi. Bien loin de s’attacher à recueillir pour les féconder les principes posés par les grands docteurs des m » et ive siècles, la théologie grecque semble les avoir laissés entièrement tomber. L’Occident, au contraire, apparaît comme tout illuminé et réchauffé par les grandes doctrines de saint Augustin. Et l’on a vu que ses premiers successeurs en ont déjà fait leur profit, en attendant que la scolastique y trouvât les éléments de la synthèse qui restait encore à constituer.

III. LA DOCTRINE DU MÉRITE AU MOYEN

AGE. — Par rapport à la théologie patristique, la scolastique présente tout au moins une indéniable originalité de méthode.

Tandis qu’en général les Pères ont abordé les problèmes relatifs à la foi sans plan préconçu et comme au hasard des circonstances, les théologiens du Moyen Age ont entrepris l’exploration systématique du dépôt révélé. Il s’ensuit que les questions qui restaient éparses chez ceux-là, et dont il faut chercher les fragments au cours de leurs œuvres exégétiques ou oratoires, tendent, chez ceux-ci, à s’organiser en traités méthodiques. Le seul fait de ce rapprochement devait favoriser la rigueur des analyses et la clarté des synthèses. Ce progrès se fait plus qu’ailleurs sentir dans les doctrines qui, pour être restées à l’arrière-plan des grandes controverses, sinon tout à fait en dehors, se présentaient dans un état particulièrement dispersé. Ainsi en est-il pour la théologie de la grâce en général et du mérite en particulier, qui peut être considérée, dans une large mesure, comme une création du Moyen Age.

Des problèmes nouveaux allaient, d’ailleurs, surgir devant l’esprit des théologiens. Il est unanimement reconnu qu’une des principales acquisitions de la théologie médiévale sur celle de l’antiquité est la distinction plus explicite du naturel et du surnaturel. Voir Augustinisme, t. i, col. 2531. Ce qui devait entraîner comme conséquence le souci de préciser plus exactement la valeur des œuvres humaines dans chacun de ces deux ordres, puis de mieux en marquer le mutuel rapport. Alors que la spéculation de saint Augustin se mouvait toujours sur le plan absolu de la grâce, au point de sembler n’en pas connaître d’autre, la préoccupation s’impose désormais du plan naturel qui en est la base et lui sert normalement de préparation. D’où la double obligation également logique de respecter la différence de ces deux ordres et d’en établir l’harmonie.

Sous l’action convergente de ces deux causes, à mesure que se constituait la méthode scolastique et en fonction de la philosohie générale qui présidait à la pensée des diverses écoles, la doctrine du mérite allait recevoir au Moyen Age, tant pour le fond que pour la forme, un développement décisif, qui la mènerait au point où nous la trouvons encore aujourd’hui. — I. Période de préparation. IL Période d’apogée (col. 678).

I. Période de préparation.

Ce progrès, qui devait être surtout l’œuvre de la grande scolastique, est déjà préparé par l’effort de ses précurseurs.

Affirmation dogmatique.

Il serait aussi fastidieux

que superflu de longuement rechercher, à travers les écrivains du haut Moyen Age, l’attestation de la doctrine traditionnelle du mérite, qui ne fait de doute pour personne. Quelques indications suffiront à le montrer.

1. Courants généraux.

D’une part, c’est, en effet, le moment où la morale chrétienne se condense de plus en plus, à l’usage des jeunes races barbares, en observances ecclésiastiques, où les canons pénitentiels établissent, en cas de faute, des tarifs minutieux d’œuvres réparatrices, cependant que l’Église entre dans la voie de ces commutations qui devaient conduire aux indulgences. Voir Schultz, loc. cit., p. 245-250, après Harnack, Dogmengeschichte, t. iii, p. 326-329. C’est assez dire que le mérite humain ne risque pas d’être oublié.

Mais, d’autre part, la grâce ne l’est pas davantage. Les protestants eux-mêmes veulent bien reconnaître que les tendances semi-pélagiennes sont moins sensibles en cette période qu’elles ne le seront plus tard et qu’Augustin est le maître auquel on se tient :