Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/333

Cette page n’a pas encore été corrigée
651
652
MERITE, CONTROVERSE SEM I-P EL AGIENNE


prœcedentibus redditur, tamen quia eadem mérita quibus redditur non a nobis parala sunt per nostram sufpcientiam sed in nobis facla per gratiam, eliam ipsa gratia nuncupatur non ob aliud nisi quia gratis datur ; nec ideo quia non meritis datur, sed quia data sunt et ipsa mérita quibus datur. Ibid., 19, col. 880-881.

Augustin tient suffisamment à cette théologie et à cette exégèse pour y revenir ailleurs en termes analogues. Ainsi, par exemple, dans le De gratia et libero arbilrio, vi, 19-ix, 21, où se lit, dans un semblable schéma, cette précision de la valeur inhérente au mérite : Si vita bona nostra nihil aliud est quam Dei gratia, sine dubio et vita seterna, quæ bonæ vitse redditur, Dei gratia est. Et ipsa enim gratis datur, quia gratis data est illa cui datur. Sed illa cui datur tantummodo gratia est ; hœc autem quæ illi datur, quoniam prsemium ejus est, .gratia est pro gratia, tanquam merces pro justitia, ut verum sit, quoniam verum est, quia reddet unicuique Deus secundum opéra ejus. Ibid.., viii, 20, t. xliv, col. 893.

Dans la grâce elle-même, il y a donc deux degrés : la grâce pure et simple, tantummodo gratia, et la grâce de rétribution, gratia pro gratia, ou, en d’autres termes, merces pro justitia, qui implique un titre de notre part, savoir les bonnes œuvres accomplies au moyen de la première. Voir encore Enarr. in Ps. xxxi, term. ii, 7, t. xxxvi, col. 262, 263 ; Enchir., 107 t. xl, col. 282.

Ainsi la grâce n’empêche pas le mérite, qui lui doit toute sa valeur, et l’on peut, sans compromettre la souveraine initiative de Dieu, reconnaître à l’homme pour ses œuvres un droit à la céleste récompense, parce que c’est, en somme, de Dieu qu’il le tient. Origène avait posé ce problème à propos des mêmes textes et presque dans les mêmes termes, mais sans parvenir à le résoudre. Voir col. 628. Une théologie plus affinée du surnaturel en fournit à saint Augustin la solution, qui marque dans l’analyse théorique du mérite le plus important progrès que cette doctrine ait encore enregistré. Sur ce point comme sur tant d’autres, la scolastique ne devait faire, plus tard, que monnayer à l’usage de tous le riche capital augustinien.

V. Après saint Augustin. - — Depuis le ve siècle, l’influence très inégale de la controverse pélagienne et de la théologie de saint Augustin trace une ligne de démarcation de plus en plus nette entre l’Orient et l’Occident.

Théologie latine.

« Il serait superflu, écrit

H. Schultz, loc. cit., p. 41, de poursuivre le développement théologique [au sujet du mérite] chez les écrivains occidentaux postérieurs à saint Augustin. Car ils sont tous, en gros et en détail, dominés par ses conceptions. » Dans ce triomphe général de la doctrine augustinienne, la controverse semi-pélagienne elle-même prend à peine la portée d’un incident.

1. Foi commune de l’Église.

Moralistes plutôt que théologiens, principalement préoccupés d’ailleurs par les controverses christologiques, les premiers successeurs de saint Augustin ne font guère que refléter les données communes de la foi catholique sur le mérite.

a) Saint Pierre Chrysologue présente le ciel comme la récompense de la vertu, præmium virtutis, et il invite ses auditeurs à s’acquérir des mérites en conséquence : Quo possitis in collectis manipulis meritorum ad fructum centesimum pervenire. Serm., cxix, P. L., t. lii, col. 526. Cf. Serm., clxx, col. 646. Mais il les invite aussi à imiter l’humilité du saint roi David : Quia non confidebat de meritis, ad auxilium misericordiæ convolavit. Serm., xlv, col. 326. C’est que tous nos mérites dépendent de la grâce de Dieu : Nos prseler tuam gratiam nihil habemus, per quam stamus…

et sine qua jacemus, deficimus et perimus. Serm., xcvn, col. 473.

b) De même, saint Léon le Grand exhorte les chrétiens ad pietatis opéra. Serm., ix, 2, /-". L., t. liv, col. 162. Pour lui, ces « œuvres » se résument dans la trinité liturgique : prière, jeûne, aumône. Serm., xii, 4, col. 175. L’aumône est l’objet d’une insistance toute particulière : Multis divinarum Scriplururum testimoniis edocemur quantum eleemosynarum meritum et quanta sit virtus. Serm., vi, col. 157. Cf. Serm., xvii, 2, col. 181 : Concupisce juslum misericordiæ lucrum et œterni quæslus sectare commercium. Il faut d’ailleurs moins regarder, pour en apprécier le mérite, à la somme donnée qu’à la bonne volonté du donateur : De quibuslibel substantiis, quorum ulique non una mensura est, potest esse par meritum. Serm., xi, 2, col. 168. Cf. Serm., xx, 3, col. 190.

Ces divers mérites seront reconnus par Dieu in œterna retributione. Serm., vii, col. 159. En conséquence, le royaume céleste a le caractère d’un prœmium. Serm., xiii, col. 172. Nos moindres bonnes œuvres, nos intentions elles-mêmes, y trouveront leur récompense : Dominus noster lam pius operum nostrorum arbiler, lam benignus est œstimalor ut etiam pro calice aquæ frigidæ sit præmium redditurus. Et quia justus inspecter est animarum, non impendium solum operis sed etiam afjectum est remuneraturus operantis. Serm., xiv, 2, col. 174.

Mais, comme nous sommes malgré tout des pécheurs, il faut ajouter que la récompense sera de beaucoup au-dessus de nos mérites : Exaltabitur super judicium misericordia et omnem retributionem justitiæ transcendent dona clemenliæ. Serm., xi, 1, col. 167. Il va sans dire que nos mérites tels quels sont entièrement subordonnés à la grâce : grâce lointaine de la rédemption, qui nous fut accordée par pure miséricorde, quando nemo poterat de suis meritis gloriari, Serm., xxxiii, 1, col. 241 ; cf. Serm., xxix, 3, col. 303 ; Serm., Lxvii, 3, col. 370 ; mais aussi grâce immédiate, quæ unicuique principium justitiæ et bonorum fons alque origo meritorum est. Epist., i, 3, col. 595. De toutes façons, il faut rapporter à Dieu nos œuvres bonnes, sous peine d’en perdre le mérite : Nam omni se merilo laude dispoliat qui de studiis induslriæ suæ in se magis quam in Domino gloriatur. Serm., lxix, 3, col. 419. Cf. Serm., lv, 5, col. 325.

L’intérêt de ces témoignages est de montrer une fois de plus comment l’Église a toujours uni sans peine, sur le terrain de la vie pratique, les deux concepts de grâce et de mérite. D’autres allaient reprendre les problèmes spéculatifs qui résultent nécessairement de leur union.

2. Controverse semi-pélagienne.

Sur la portée des principes opposés par saint Augustin au pélagianisme une controverse complexe ne tarda pas à s’engager, dont il nous suffira de retenir ici les points qui intéressent proprement la doctrine du mérite et les actes du magistère ecclésiastique dont elle fut l’occasion.

a) Première phase. — De son vivant même, l’évêque d’Hippone put faire l’expérience des réactions opposées que suscitait dans les esprits son système de la grâce. Les uns en déduisaient que la grâce supprime la liberté et, par voie de conséquence, le mérite de nos œuvres. Cette double erreur s’était répandue parmi les moines d’Adrumète : … Eo quod quidam in nobis sic gratiam prædicent ut negent hominis esse liberum arbitrium et quod est gravius — on remarquera ce comparatif — dicant quod in die judicii non sit redditurus Deus unicuique secundum opéra ejus. S. Augustin, Epist., ccxiv, 1, P. L., t. xxxiii, col. 969.

Dans sa réponse, l’évêque d’Hippone s’applique