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MÉRITE. TRADITION ORIENTALE : LES CAPPADOCIENS

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de la récompense à venir, Cyrille de Jérusalem l’utilise sans réserves. Pédagogie différente, mais qui

procède, au fond, de la même foi.

c) Saint Basile. — C’est encore la même note pratique et concrète que fait entendre l’évêque de Césaréc. Pour lui, le jugement divin est éminemment un acte de rétribution, i] Sixxîa xpîaiç t% àvraTcoSéaccoç. Moralia, i, 2, P. G., t. xxxi, col. 700. En conséquence, il faut se préparer par l’aumône un trésor dans les ciel, ibid., xi.vu, 1, col. 768. « Car notre conduite ici-bas est un viatique pour l’avenir : celui-là donc qui par ses bonnes œuvres rend gloire et honneur à Dieu se prépare à lui-même un trésor de gloire et d’honneur selon les principes d’une juste rétribution », xxrà rijv Swwocv toù xpiroû àvTXTTÔSoaiv. Hom. in Ps. A AT///, 1, t. xxix, col. 281 ; De Spir. sancto, xxiv, 55, t. xxxii, col. 169. Kn effet, « nos œuvres nous conduisent chacune à la fin qui leur est propre : les bonnes au bonheur, les mauvaises à la damnation éternelle ». Hom. in Ps. aI. r. l. t. xxix, col. 416.

Aussi, dans ses lettres de direction, n’hésite-t-il pas à faire appel à la pensée de la « récompense préparée à nos bonnes œuvres. « Epist., cccxviii, t. xxxii, col. 1065. « Souviens-toi du Seigneur, écrit-il à une dame, et, ayant toujours devant les yeux notre sortie de ce monde, organise ta vie de manière à préparer ta défense auprès du juge incorruptible et à te donner par tes bonnes œuvres confiance devant lui. » Epist., c.cxcvi, col. 1040. Bien entendu, cet effort personnel relève tout entier de la grâce divine. « Je t’exhorte, dit la lettre voisine, Epist., ccxcvii, col. 1041, à l’œuvre du Seigneur, afin que le Dieu saint, après l’avoir fait la faveur de conduire tes jours en toute piété et gravité, te rende digne des biens à venir. »

Cette intervention nécessaire de la grâce précise le caractère exact des rétributions divines. « A ceux qui ont loyalement combattu en cette vie est offert un repos éternel, qui ne leur est pas accordé dans la proportion due à leurs œuvres, mais octroyé selon la grâce d’un Dieu toujours libéral envers ceux qui espèrent en Lui », où xït’ô-ysiXT-fia tcôv spywv àXXà xarà yâç’.v toù j.zyy.o8û>p r j’j> Osoù. Hom. in Ps. exiv, 5, i. xxix, col. 492. Les protestants se sont emparés de ce texte contre la doctrine catholique. Voir Bellarmin, Z)e meritis operum, c. vi, p. 355. Mais Basile ne fait qu’affirmer ici la disproportion de l’éternelle récompense par rapport à nos œuvres, sans nier la valeur réelle de celles-ci. La preuve en est que la libéralité divine est subordonnée au bon combat du chrétien. Quelques lignes plus haut, ibid., 3, col. 489, il avait dit que, d’après l’Écriture, « ni la miséricorde de Dieu ne va sans jugement, ni le jugement sans miséricorde ». En effet, ses jugements tiennent compte de notre faiblesse plutôt que de la stricte justice, et, « quand il fait miséricorde, il mesure avec discernement ses faveurs à ceux qui l’ont mérité », èXsôSv xexpiuivoç

-peï toïç ilioïc toÙç olxTtp[j.ooç. C’est dire

que les nuances dont saint Basile entoure l’affirmation du mérite en supposent le fait.

d) Saint Grégoire de Nazianze. — Quoiqu’il n’ait aucunement déserté le terrain des applications morales, saint Grégoire de Nazianze semble avoir davantage porté son attention sur les conditions théoriques du mérite.

Après avoir défendu avec saint Paul la nécessité de la grâce, qui, en définitive, rapporte « tout à Dieu », Oral., xxxvii, 13, P. G., t. xxxvi, col. 300, il revendique avec la même énergie le libre arbitre, qui nous permet de tirer quelque chose de notre propre fond. Car, dit-il, un bien de nature est sans gloire, tandis que celui qui vient de la volonté est digne d’éloges. » Ibid., 16, col. 301. Voilà pourquoi l’homme est soumis a l’épreuve. « Ainsi les espérances éternelles ne sont

plus seulement un don de Dieu, mais la récompense de la vertu. Et ce fut l’effet d’une souveraine bonté de faire que le bien fût aussi nôtre, et non pas seulement semé en nous par nature, mais cultivé par notre volonté et les efforts en sens divers de notre libre arbitre. » Orat., ii, 17, t. xxxv, col. 425-128.

Il est rationnel, dès lors, que les rétributions divines soient pesées dans les balances de la justice, àvxa7r6-Soaiv toiç Stxcctoiç toù ©soù ata’Jp.oTç. Orat., xl, 45, t. xxxvi, col. 424. Cf. Carm., t. II, sect. i, 12, v. 6-7, etl. II, sect. ii, l, v. 329-331, t. xxxvii, col. 1166 et 1174-1175. Grégoire s’efforce même de montrer que cette loi de justice s’applique au texte évangélique qui semblerait moins que tous le comporter, savoir la parabole des ouvriers de la vigne. Car, à l’entendre, les dernier-venus ont racheté l’insuffisance de leurs travail par l’ardeur de leur bonne volonté, par la confiance dont ils ont fait preuve en se laissant embaucher sans avoir convenu d’aucun salaire, et, au total, ils n’ont pas. comme les premiers, fait preuve de mauvais caractère en murmurant contre le père de famille. Orat., xl, 20, t. xxxvi, col. 385. Cf. Orat., xvi, 4, t. xxxv, col. 937-940.

D’ailleurs, cette rétribution de nos œuvres ne doit pas être conçue comme un acte tout extérieur et mécanique. Parlant en philosophe d’un philosophe, Grégoire a bien dégagi le dynamisme irfterne dont elle est le terme normal. « La première de toutes les bonnes actions est de louer le bien. Car de la louange procède le zèle, du zèle la ve.tu de la vertu le bonheur. » Orat., xxv, 1, t. xxxv, col. 1200. Bonheur qui commence sans nul doute en cette vie, mais qui doit s’épanouir dans l’autre, lorsque la lumière divine éclairera nos âmes « à la mesure de leur pureté ». Orat., xl, 45, t. xxxvi, col. 424. Cf. ibid., 5-6, col. 364365.’Autant du reste est certaine la récompense de nos bonnes œuvres, autant il nous appartient de n’en pas faire état. Comme Jean Chrysostome, voir col. 635, et avec une plus grande précision philosophique, Grégoire fait consister la perfection dans le désintéressement. « Il est plus agréable aux chrétiens de souffrir pour la vraie foi, quand bien même tout le monde devrait l’ignorer, qu’aux autres de jouir dans l’impiété. Car nous avons très peu souci de plaire aux hommes et tous nos désirs vont à obtenir l’honneur qui vient de Dieu. Plus encore, ceux du moins qui sont vraiment philosophes et amis de Dieu aiment l’union au bien pour le bien lui-même, et non pas pour les honneurs qui les attendent là-haut. La seconde forme du bien est, en effet, de faire quelque chose en vue de la récompense, comme la troisième est de fuir le mal par la crainte du châtiment. » Orat., iv, 60, t. xxxv, col. 581-584. Ce qui n’empêche évidemment que cette récompense aussi bien que ce châtiment ne soient objectivement fondés. Le détachement personnel auquel nous devons tendre par rapport à la sanction de nos œuvres en implique la valeur et devient lui-même une œuvre de plus grand prix.

e) Saint Grégoire de Nysse. — Encore plus pénétré de platonisme que saint Grégoire de Nazianze, l’évêque de Nysse ne veut, lui aussi, connaître qu’ « un seul bien » : savoir « la perpétuelle joie dans le bien qui naît des bonnes œuvres ». Mais cette « joie » s’épanouit dans une double sphère. « Car l’observation des commandements réjouit dès maintenant par le moyen de l’espérance celui qui s’adonne à la pratique des œuvres bonnes. Ensuite, en lui obtenant la jouissance des biens espérés, elle accorde proprement la joie à ceux qui en sont dignes, lorsque le Seigneur dit à ceux qui ont l’ail le bien : « Venez, les bénis, prendre possession de l’héritage qui vous fut destiné. » In Ecclesiasl., hom. viii, P. G., t. xliv, col. 735. Cette