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631 MÉRITE, TRADITION OCCIDENTALE : SAINT AMBROISE, SAINT JÉRÔME 632

xiii, 76, t. xiv, col. 702. Non pas qu’Ambroise ignore que le bien porte en lui-même sa récompense, Enarr. in Ps. I, 17, t. xiv, col. 972, mais son esprit se porte plus volontiers sur la récompense extérieure qui nous attend pour nos efforts. Et nos mercenarii sumus qui ad mercedem laboramus etliujus opcris noslri mercedem speramus a Domino. Epist., ii, 12, t. xvi, col. 920. Aussi, pour exprimer tout à la fois cette souveraine justice de Dieu et cette valeur de nos œuvres devant lui, a-t-il volontiers recours à l’image populaire de la balance. Consideranda statera qua singulorum fada trutinantur., . Pendet singulis nostrorum statera meritorum. Ibid., 14, 16, col. 921. Et il est clair que le poids de nos fautes s’oppose à celui de nos mérites : meritis obstare deliclum. In Luc, iii, 38, t. xv, col. 1688.

Il s’agit, en conséquence, de faire pencher la balance du bon côté. Cavendum est ne plura peccaia sint quam opéra virtutum… Omnia utique nostra quasi in trutina ponderantur. Apol. proph. David., vi, 24, t. xiv, col. 901. Nos bonnes œuvres ont, à cet égard, une valeur d’échange, qui compense le démérite de nos fautes. Ibid., vii, 36-40, col. 905-900 ; ix, 49, col. 911. Cf. Enarr. in Ps. xliii, 46, t. xiv, col. 1164-1165. Toute spéciale est la vertu de l’aumône, qui fait de Dieu notre débiteur. De officiis, I, xi, 39, t. xvi, col. 38. Dans cette voie, Ambroise ne recule même pas devant l’expression paradoxale de venalis Dominus. Lib. de Elia et jejunio, xx, 76, t. xiv, col. 759. — Rien d’étonnant à ce qu’il présente la récompense promise comme un droit pour le bon serviteur. Vult ctiam conveniri Deus], ut si quis proposila secutus virtutibus prsemia benc certaverit fructum remunerationis exspectel, quin etiam exigat… Non usurpatione speravi quæ ut sperarem ipse fecisti. Servus sum, exspecto alimentum a Domino ; miles sum, exigo ab imperatore stipendium ; vocatus sum, poslulo ab invitante promissum. Enarr. in Ps. cxviii, serm. vii, 3-4, t. xv, col. 1348-1349.

Il serait difficile d’exprimer en termes plus nets la valeur objective de nos œuvres et l’on aurait presque le droit, même en observant que les titres de l’homme supposent une promesse préalable de Dieu, d’y dénoncer quelque excès, si ces fortes affirmations ne comportaient visiblement une bonne part d’image et ne trouvaient ailleurs leur contrepoids.

b) Appréciation pratique du mérite. — Ainsi que chez saint Hilaire, deux considérations entrent en ligne de compte pour mettre au. point notre attitude devant Dieu.

C’est d’abord, du côté subjectif, le sentiment de nos misères qui doit accompagner celui de nos mérites, mais aussi la disproportion même de la récompense, La justice des jugements divins et la balance où sont pesées nos œuvres, examinât et trutinat Deus mérita singulorum…, in statera singulorum facta pensantur, sont précisément ce qui invite saint Ambroise à rappeler que nous avons tous besoin de miséricorde : Quis enim nostrum sine divina potest miseratione subsislere ? Quid possumus dignum præmiis facere cselestibus ? … Quo tandem hominum meritum dejertur ut hœc corruptibilis caro induat incorruplionem ? D’où cette conclusion : Non ergo secundum mérita nostra, sed secundum misericordiam Dei cœlestium decretorum in homines forma procedit. In Ps. CXVIII, serm. xx, 40-42, t. xv, col. 1573-1574. Cf. Exhort. virg., vii, 44, t. xvi, col. 364 : Ultra meritum laboris remunerationem suis donare consuevit. L’humilité de David convient, à plus forte raison, à des pécheurs comme nous, quibus suffragatur nulla prærogativa meritorum. In Luc, m, 37, t. xv, col. 1687. Ce qui prouve qu’il faut entendre sans doute cum grano salis ce qu’il dit ailleurs du roi prophète pénitent : In ipsa quoque ofjensione gratiam divinee miserationis emeruit. Enarr. in Ps. xxxvii, 15, P. L., t. xiv, col. 1063.

Au surplus, tous nos mérites dépendent de la grâce r grâce lointaine de la rédemption, Enarr. in Ps. xliii, 47, t. xiv, col. 1165 ; grâce prochaine qui est nécessaire pour préparer en nous notre bonne volonté. In Luc, i, 10, t. xv, col. 1617. Cf. ibid., ii, 84, col. 1665. Voir J. Tixeront, Hist. des dogmes, t. ii, p. 281-282. Il n’y a donc pas lieu de se vanter : Nemo ergo sibi arrogel, nemo de meritis, nemo de potestate se jaclel, mais plutôt d’imiter la modestie de l’Apôtre : Sed magis minuere operis sui prelium et merili sui gratiam. Cependant l’obligation reste de nous créer des titres solides au regard de l’éternelle justice : Ergo, quia examinandi sumus, sic nos agamus ut judicio probari mereamur divino. In Ps. cxviii, serm. xx, 14-16, t. xv, col. 1565. Car, si nous sommes tout d’abord justifiés par la grâce, non ex operibus sed ex fide per gratiam suam nobis peccaia donavit, la couronne doit ensuite être conquise au prix de nos efforts : Admonet mulla nobis

t gravia certamina esse proposita, ut nemo nisi qui

légitime certaverit coronetur. Enarr. in Ps. xliii, l, t. xiv, col. 1139-1141.

Pour saint Ambroise comme pour ses prédécesseurs, l’ordre moral fait partie intégrante du mysticisme chrétien.

3. Autres Pères latins du ive siècle. — Quelques, témoignages suffiront à montrer comment on retrouve le même rythme chez les autres interprètes de la tradition latine.

a) L’Ambrosiaslcr. — Soutenu par le texte de saint Paul, Y Ambrosiaster n’est pas suspect d’oublier la primauté de la grâce et son absolue gratuité : Gratia donum Dei est, non débita operibus. In Rom., xi, 6, P. L., t. xvii (édition de 1866), col. 155. Mais il reste que, sur cette base, chacun sera jugé d’après ses œuvres. In Rom., xiii, 2, col. 171. Car Dieu doit à sa justice de traiter ses créatures à la mesure de leurs mérites : Deum conditorem mundi providenter et curiose operis sui mérita requirere faleatur… Unumquemque proprio merito aut rémunérât aut condemnat. In Rom., n, 3 et 11, col. 67 et 70. Cf. In II Cor., vi, 12-13, col. 318. Unusquisque pro operibus suis mercedem accipiei. Bien.loin que la grâce exclue le mérite, c’est elle qui nous impose l’obligation et nous fournit le moyen d’en obtenir : Non est gloriandum nobis in nobis ipsis, . sed in Deo, qui nos regeneravit… ad hoc ut bonis operibus exercitati quæ Deus nobis jam renatis decrevit promissa mereamur accipere. In Eph., ii, 9-10, col. 400.

b) Marius Victorinus. — C’est aussi la doctrine de saint Paul qui inspire au rhéteur Marius Victorinus des accents encore plus nettement augustiniens. Il insiste sur la gratuité absolue de notre justification : Non enim nobis reddidit meritum, quippe cum non hoc meritis nos accipimus sed Dei gratia et bonitate. In Eph., ii, 7, P. L., t. viii, col. 1255. Cf. ibid., iii, 7-8, col. 1264. Il n’en reconnaît pas moins qu’après cette grâce initiale il y a pour nous possibilité de mérite : Cum esse possit meritum ex officio et religione, ex caslitale et abstincntia. Cependant ce mérite même n’est pas notre œuvre propre : …Etiam cum esse possit meritum. .. ; non enim neque operibus vestris potest. Voilà pourquoi il n’y a pas à se vanter de ce qui est en nous un don de Dieu : Nescio quomodo enim qui operibus suis redditum meritum putat suum vult esse, non preestantis, et hœc jactatio est. Ibid., ii, 9, col. 1256. Cf. i, 14, col. 1247 : Gratia est quæ meritum nostrum.

c) Saint Jérôme. — Dans ses derniers jours, saint Jérôme eut déjà l’occasion de défendre les droits de la grâce contre les pélagiens et il aboutit, dans cette voie, à des formules du plus pur augustinisme : Coronat Deus in nobis et laudal quod ipse operatus est. Dialog. contra pelag., iii, 6, P. L., (édition de 1865), t. xxiii, col. 601. Néanmoins il met si peu en doute la valeur de nos actes qu’il parle à leur sujet de præmium et de