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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), PÉRIODE OTTOMANE : HISTOIRE CIVILE

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Tout d’abord, il s’accorde mal avec deux inscriptions, dont l’une est contemporaine d’Eugène IV et l’autre est l’épitaphe même de son tombeau. Ces deux inscriptions tournèrent, en effet, sans la moindre allusion aux maronites, les communautés chrétiennes qui rentrèrent, sous son pontificat, dans l’Église catholique. On en trouvera le texte dans Mansi, ConciL, t. xxxi b, col. 1450 et col. 1750.

D’autre part, l’histoire des maronites de Chypre exclut la vraisemblance même d’une telle conversion. En effet, ils avaient toujours été en parfaite commu nion de foi avec leurs frères du Liban : il n’y avait, pointons, qu’un même patriarche. Le peu de documents que nous possédons le montre suffisamment.

a) Au xii f siècle, le patriarche nommait les supérieurs des moines maronites de Chypre. Voir dans J.-S. Assémani, Bibl. or., t.i. p. 307, et dans Ét.-Év. Assémani, op. cit., p. xxviii-xxix, 18, la reproduction de quelques notes écrites en 1121, 1141 et 1154. — — In Les scribes qui copiaient à Chypre les livres d’église y écrivaient avec le nom de l’évêque de l’île celui du patriarche sous le pontificat duquel ils exécutaient la copie. Nous en avons un exemple dans un ms. de 1357. On y lit à la fin la note suivante : « Il (ce livre) a été terminé l’an 1357 de Notre-Seigneur, sous Jean, patriarche d’Antioche, du Mont-Liban et des bords maritimes, et sous Jean, évêque de Chypre. » Dans Douaïhi, Chronologie, p. 28 ; cf. Le Quien, t. iii, col. 83.

— c) Au témoignage de Douaïhi, le patriarche sacrait l’évêque de Chypre ; il lui envoyait le saint-chrême ; il députait tous les ans un délégué pour faire la visite de l’île et y recueillir des dîmes. Ms. 395, fol. 110. Tout cela indique assez que les maronites de Chypre relevaient du patriarche du Liban. Or, on ne conteste pas l’orthodoxie de ce dernier à cette époque comme le montre la lettre d’Eugène IV, du 16 décembre 1441, citée plus haut, col. 45 ; et Léon X, en 1515, écrivant au mouqaddam Élie, rendait le même témoignage. Auaïssi, Bul., p. 36. Ce témoignage est d’autant plus précieux pour les maronites que le pape ne l’a écrit qu’après avoir pris sur eux de très amples informations. Voir plus haut, col. 29. De plus, un concile provincial tenu à Chypre en 1340 réunit les évêques latins et les évêques orientaux catholiques et non catholiques. Parmi les évêques d’Orient, figurait celui des maronites, Georges. Une formule de profession de foi fut rédigée et solennellement récitée par les prélats. Les hérésies propres à l’Orient s’y trouvaient condamnées. Or, pas un mot n’y est dit du monothélisme. Pourtant, si la foi des maronites chypriotes se fût trouvée tant soit peu suspecte, les Pères du concile n’auraient point manqué d’ajouter à cette formule la doctrine des deux volontés comme ils y proclamèrent le dogme des deux natures et de l’unité de personne dans le Christ. Voir les actes de ce concile et la formule de la profession de foi dans Labbe ConciL, t. xi b, col. 2432-2439. Dès lors, comment admettre qu’un siècle plus tard les maronites de Chypre fussent devenus monothélites ? On ne pourrait citer, avant le concile de Florence, aucun document a l’appui de cette assertion.

Enfin on lit dans la même constitution Benedictus sit Deus d’Eugène IV : Item quod præjati prsesules (le métropolite nestorien et l’évêque maronite ;, et sacerdoles et clerici eorum libère possint in ecclesiis catholicorum divina celebrare et catholici in ecclesiis eorumdem. Il paraîtrait en résulter qu’avant cette époque les deux clergés maronite et nestorien n’étaient pas admis à célébrer les saints mystères dans les églises catholiques. Or, nous savons par la lettre de Fr. Gryphon, écrite en 1469, que « dans les pays des Francs, à Hhodes, à (Chypre… les maronites, de toute antiquité, fréquentent les églises des Francs et célèbrent

sur leurs autels avec les mêmes ornements. Ci-dessus col. 44. Les Francs n’auraient certainement pas permis aux maronites, si ceux-ci se trouvaient au nombre des hérétiques, d’officier dans leurs églises. Il n’est pas besoin d’ajouter autre chose pour enle ver tout crédit aux informations données sur les maronites par le légat André de Colosses.

IV. La période ottomane (1516-1918). — Pour aider à bien comprendre la suite des événements, il nous paraît nécessaire de rappeler brièvement la situation politique de la Syrie durant cette période, après quoi seulement nous reprendrons l’histoire religieuse sous ses divers aspects : les patriarches ; les persécutions ; la renaissance intellectuelle ; l’union des Églises.

Histoire civile.

 En 1516, les Ottomans, sous

la conduite de Sélim I er, firent la conquête de la Syrie.

Le nouveau maître conserva d’abord les anciens cadres administratifs, les niâbdt des Mamloûks. Mais, dans la suite, il les modifia. En effet, il divisa le pays en trois pachaliks : Damas, Alep, Tripoli, gouvernés par des beylerbeys et comprenant, chacun, un certain nombre de sandjaqs ou préfectures. Les relations consulaires de la fin du xvi 8 siècle révèlent l’existence de ces trois grandes circonscriptions. Le pachalik de Tripoli était, au point de vue stratégique, particulièrement important. Le pacha ou beylerbey de cette circonscription avait à surveiller la mer, la région des Nosaïris (Alaouites), le Liban et la grande route côtière menant à l’intérieur. En 1660, un nouveau pachalik fut créé, celui de Saïda (Sidon), pour surveiller le sud de la montagne libanaise. Dès lors, la surveillance du Liban se trouvait partagée entre les pachas de Tripoli et de Saïda. Ces divisions— territoriales furent maintenues jusqu’à l’organisation de la Syrie en vilayets (gouvernements généraux), moutasarrijats (préfectures) et qâïmaqdmals (sous-préfectures), dans la seconde moitié du xixe siècle.

L’histoire de la Syrie durant cette période pourrait se résumer ainsi : une anarchie administrative au delà de toute vraisemblance, une série d’intrigues et de querelles entre pachas, dynastes indigènes, milice des janissaires, une suite d’exactions, de vexations et de tueries. Cf. le P. Lammens, La Syrie, t. ii, p. 43 sq. et 61 sq.

A l’arrivée de Sélim I er, la Syrie offrait le spectacle d’un curieux mélange de races et de religions. « Partout les petites dynasties locales, les émirats particuliers avaient pu se maintenir : Banoû Harfoùcli dans la Bqâ’, B. Saifâ dans la région de Tripoli, cheikhs bédouins en Palestine, émirs kurdes, turcomans, arabes dans les replis du Liban. Les Ottomans ne prirent pas la peine, ils. ne se sentirent pas la force de réduire ces semi-autonomies. A l’imitation des Seldjoûcides et des Mamloûks, ils comptèrent se les rattacher par une sorte de vassalité et par un lien fiscal : l’engagement de payer les redevances du mîrt, de fournir un contingent militaire, de ne pas empiéter sur les territoires directement exploités par les agents de la Porte. A ces conditions, le Divan leur permit de rançonner leurs propres sujets, de sr battre entre eux, de perpétuer un état d’anarchie, qui devait faciliter la sujétion du pays. » H. Lammens, La Syrie, t. iï, p. 65-66.

A cette époque, les maronites, massés dans la partie septentrionale du Liban, relevaient politiquement du cercle de Tripoli. Mais, aussi bien après la conquête de la Syrie par les Turcs Osmanlis qu’auparavant, sous les Mamloûks d’Egypte, ils continuèrent d’être gouvernés directement par leurs mouqaddamin, dont celui de Bécharrî exerçait une sorte de prépondérance. Le rôle des mouqaddamin consistait principalement ; ’i lever l’impôt. Sous ce rapport, ils étaient sous-fer-