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61’MÉRITE. PERES APOLOGISTES, SAINT IRÉNÉE

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i, 3, 4. — Parmi ces « lois », les circonstances l’amènent à faire une place particulière à celle qui prescrit la confession de la foi par le martyre. Sim., ix, 28, 5-6. Il insiste également sur le devoir de l’aumône qui incombe aux riches, « sachant que ce qu’ils font pour le pauvre trouve sa récompense auprès de Dieu ». Sim., ii, 5. Le serviteur du père de famille est déjà élevé au rang de cohéritier « pour le travail qu’il a fait » à la vigne de son maître ; à plus forte raison quand il se montre libéral envers ses compagnons. Sim., v, 2. Hermas proiite de ce dernier apologue pour signaler aussi les œuvres surérogatoires comme source d’un plus grand mérite : « Observe, dit-il, les commandements du Seigneur et tu seras agréable à Dieu et tu seras inscrit au nombre de ceux qui gardent la loi. Mais, si tu fais quelque chose en dehors du commandement divin, tu acquerras une gloire plus abondante et tu seras plus glorifié auprès de Dieu que tu ne l’eusses été sans cela. » Ibid., iii, 3. Comme œuvre de ce genre, il avait signalé plus haut le renoncement à un second mariage. Mand., iv, 4, 2.

Son exhortation finale, en qui se résument toutes les autres, est celle-ci : « Faites donc le bien pour recevoir une récompense du Seigneur. » Sim., x, 4, 4. Conclusion toute pratique, qui rappelle à la lettre celle de l’homélie clémentine citée plus haut, col. 615, et qui montre combien l’Église apostolique fut soucieuse d’associer au mysticisme chrétien la culture du sens moral.

Il n’est pas inutile de faire observer qu’on ne remarque à cet égard aucune différence entre l’Orient et l’Occident. « La juxtaposition de la grâce et de la rétribution selon le mérite, jointe à l’habitude de mesurer la récompense d’après la difficulté de l’œuvre et son caractère non obligatoire qui caractérise dans la suite le catholicisme vulgaire, domine déjà sans aucun doute en Orient depuis le milieu du second siècle. » H. Schultz, loc. cit., p. 20. Cette constatation d’un historien protestant nous garantit d’avance que la même communauté d’inspiration entre les deux parties de l’Église ne manquera pas de se vérifier également plus tard.

Pères apologistes.

A la différence des Pères

apostoliques, les apologistes, qui furent pour la plupart des philosophes, sont surtout des spéculatifs et leurs œuvres s’adressent d’ordinaire à « ceux du dehors ». Double raison pour qu’il n’y ait pas à leur demander beaucoup d’éléments d’information sur les réalités de la vie chrétienne. Les principes de leur doctrine permettent tout au moins de reconnaître dans quel sens elle continuait à s’orienter autour d’eux.

1. — Saint Justin, toujours attentif à établir la valeur du christianisme en regard des écoles profanes, insiste, contre le fatalisme des stoïciens, sur la liberté de toutes les créatures. Privilège qui donne à chacune le moyen d’être l’arbitre de sa propre destinée. « Dieu, en effet, ayant voulu que tous, anges et hommes, soient doués de liberté et d’autonomie, les a créés capables d’accomplir ce qu’il leur a donné la puissance de faire. Si donc ils choisissaient ce qui lui est agréable, il les garderait exempts de corruption et de peine. Que si, au contraire, ils faisaient le mal, il les châtierait suivant sa volonté. » Dial., 88, P. G., t. vi, col. 685-688. En vertu de ce principe, Justin ne conclut pas seulement que les coupables seront « justement » punis pour leur péché. Apol., ii, 7, col. 456 ; cf. ibid., 14, col. 468. La récompense des bons est mise par lui en rapport non moins strict avec la qualité de leurs actes. « S’ils se montrent dignes du plan de Dieu par les œuvres, nous avons appris qu’ils obtiendront de vivre et régner avec lui, soustraits à la corruption et à la souffrance. » ApoL, i, 10, col. 340-341.

Ainsi « les châtiments et les punitions, mais aussi les récompenses, sont répartis à chacun au prorata de ses œuvres », xar’àiUav twv Tcpà^ecov èxâaxou. Le chrétien ne connaît donc, qu’un « destin inévitable » : c’est que « ceux qui choisissent le bien recevront la récompense qui leur est due, Ta aÇia è7UTÎ[zia, et de même ceux qui font le contraire, le châtiment mérité. » Apol., i, 43, col. 392-393.

2. — On trouve chez les autres apologistes de semblables revendications du libre arbitre et pour le même motif. — « Dieu seul est bon par nature : l’homme le devient par libre choix, de telle sorte que le méchant soit justement puni, puisqu’il s’est perverti lui-même, et que le juste reçoive les louanges méritées par ses bonnes actions. » Tatien, Oraiio, 7, ibid., col. 820. Cf. Athénagore, Legatio, 24, col. 948. Pour Théophile également, le premier homme avait été fait libre : « Si donc il avait observé les commandements de Dieu, il aurait reçu de lui l’immortalité comme récompense. » Et la même capacité nous est aujourd’hui rendue par la divine miséricorde. Ad Aulol., ii, 27, col. 1096. Voir J. Rivière, Saint Justin et les apologistes du second siècle, Paris, 1907, p. 195207.

C’est ainsi que de l’attitude pratique dont témoignent les Pères apostoliques, les apologistes confirment la persistance et dégagent philosophiquement la raison.

Pères anti-gnostiques.

A la fin du iie siècle, le

danger gnostique allait amener saint Irénée à reprendre et défendre cette même position.

1. Anthropologie de saint Irénée.

Toute la théodicée et l’anthropologie de la Gnose aboutissait à « une division du genre humain en catégories distinctes et fermées, chez lesquelles le salut est moins une affaire d’initiative libre et personnelle que la conséquence d’une condition première dont on ne saurait s’affranchir ». J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, 7e édit., Paris, 1915, p. 199-200. Cette tendance au fatalisme explique pourquoi saint Irénée a mis à défendre le libre arbitre et ses œuvres, contre ces chrétiens égarés, la même ardeur que les apologistes avaient déployée contre les philosophes païens.

Pour l’évêque de Lyon, il n’y a pas d’hommes naturellement bons ou naturellement mauvais : la différence des destinées est due tout entière à l’usage différent que chacun fait de sa liberté. Liberum eum fecit Deus ab inilio… Posuit autem in homine potestatem electionis…, uli hi quid.em qui obedissent juste bonum sint possidenles, dalum quidem a Deo, servatum vero ab ipsis. Qui autem non obedierunt juste non invenientur cum bono et meritam peenam percipient. Contr. hser., IV, xxxvii, 1, P. G., t. vii, col. 1099. Où l’on voit que, pour être un « don de Dieu », la récompense céleste ne laisse pas d’être la « juste » rémunération de nos libres efforts. Et c’est pourquoi il nous faut, pour être sauvés, cum vocatione justitiee operibus adornari. IV, xxxvi, 6, col. 1095. La couronne doit même nous paraître d’autant plus précieuse, IV, xxxvii, 7, col. 1104, qu’il faut plus de luttes pour la conquérir.

2. Théodicée de saint Irénée.

Un autre principe mène saint Irénée à la même conclusion : celui de la justice divine. Avec une insistance significative il revendique la possession de cet attribut pour le Dieu suprême, à rencontre de Marcion, non moins que de la bonté. Voir, par exemple, III, xxv, 2-3, col. 968969 ; IV, xxvii, 4, col. 1060-1061. — De cette justice le jugement sera la manifestation, justo judicio Dei ad omnes sequaliter pervenienle et in nullo déficiente. V, xxiv, 2, col. 1187. Car là il sera rendu à chacun selon ses œuvres. Après avoir rappelé la description évangélique du grand jour, d’après Matth., xxv, 31-41, l’évêque de Lyon conclut : Unus et idem Pater mani-