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MÉRITE, PÈRES APOSTOLIQUES


foi et de son hospitalité, un fils lui fut donné dans sa vieillesse. » C’est aussi « à cause de son hospitalité et de sa piété » que Loth a pu échapper à la destruction de Sodome. x, 7, et xi, 1. On voit dans quel sens devait s’orienter la piété des chrétiens à qui ces saints personnages sont donnés comme modèles. Aussi sont-ils invités à travailler de toutes leurs forces à « l’œuvre de justice », xxxiii, 8, et cela non plus seulement en vue de faveurs terrestres, mais aussi des biens éternels. Car l’auteur fait entrevoir tout aussitôt, avec Isaïe, xl, 10 ; Lxii, 11, et Apoc, xxii, 12, l’approche du jugement où Dieu va rendre à chacun « selon son œuvre ». Ibid., xxxiv, 3. Cf. xxviii, 1, et lix, 3, o, ù Dieu est appelé « l’examinateur des œuvres humaines ». — Néanmoins, bien que nous ayons à « nous justifier en œuvres et non en paroles », notre louange « doit être en Dieu et non pas provenir de nous-mêmes ». xxx, 3 et 6. Car « nous ne sommes pas justifiés par nous-mêmes, ni par notre sagesse, notre intelligence, notre piété ou nos œuvres, mais par la foi, grâce à laquelle le Dieu tout-puissant nous a tous justifiés depuis l’origine ». xxxii, 4. A quoi s’ajoute le sentiment de nos misères, qui nous oblige toujours à paraître devant Dieu, en suppliants. « Dieu… juste en tes jugements, lit-on dans la formule liturgique conservée à la fin de la lettre, lx, 1-2, … pardonne-nous nos iniquités et injustices… N’impute pas tout le péché de tes serviteurs et servantes, mais purifie-nous dans ta vérité… »

Ces données diverses s’unissent sans se contredire. Devant le chrétien, « une porte de justice est ouverte qui mène à la vie ». Il s’agit d’ « y entrer, d’y diriger son chemin dans la sainteté et la justice ». Mais tout cela se fait « dans le Christ », et, quand il s’agit de pécheurs comme le furent les Corinthiens, ils doivent tout d’abord « se jeter aux pieds du Seigneur et le supplier avec larmes de nous pardonner, de nous réconcilier avec lui, de nous rétablir dans notre bonne et pure conduite d’autrefois ». xlviii, 1.

b) Secunda démentis. — En tête de l’ancienne homélie éditée sous le titre de deuxième lettre de saint Clément aux Corinthiens, s’affiche l’affirmation dogmatique que notre salut est un bienfait que nous devons au Christ Rédempteur. Mais tout aussitôt, i, 3, l’auteur de nous exhorter à le payer de retour. « Quelle rétribution lui donnerons-nous ou quel fruit digne de ce qu’il nous a donné ? » Ce « fruit » n’est autre que celui de nos œuvres saintes, qui nous vaudront d’être confessés par lui devant son Père, n, 2. Plus loin, il donne nettement la vie éternelle comme une récompense, viii, 4 et 6 ; cf. xx, 2-4. « Ainsi donc, mes frères, conclut-il, xi, 5-7, persévérons dans l’espérance pour obtenir notre salaire, ïvaxal tôv [juaOôv xo[xiaw[xs0a. Car il est fidèle celui qui a promis de rendre à chacun selon ses œuvres. Si donc nous faisons la justice devant Dieu, nous entrerons dans son royaume et nous recevrons les promesses. » Mais l’accomplissement de ces « promesses » est, comme on le voit, subordonné à notre « justice ». Ici encore la part de Dieu et de l’homme ne se séparent pas. — Comme œuvres plus profitables, l’auteur recommande spécialement le travail de la sanctification des autres et de nous-mêmes — « car, dit-il, c’est la rémunération que nous pouvons rendre au Dieu qui nous a créés », xv, 2 — et l’aumône. « Le jeûne, en elïet, est meilleur que la prière, et l’aumône l’emporte sur l’un et l’autre ». xvi, 4. « Fai ons donc la justice, poursuit-il, xix, 3, pour être sauvés au moment de la fin. »

3. Saint Ignace et saint Polycarpe. — Pasteurs d’âmes, saint Ignace d’Antioche et saint Polycarpe de Smyrne devaient tout naturellement accentuer plus que personne le côté moral du christianisme.

a) Saint Ignace. — De fait, saint Ignace ne veut pas qu’on soit seulement chrétien de nom, mais de vie. Magn., iv. Cf. Rom., iii, 2. Il s’agit de « glorifier Jésus-Christ qui nous a glorifiés », Eph., ii, 2, et c’est pour en donner les moyens que ses épîtres au mysticisme ardent s’achèvent toujours en conseils de morale. "Voir Ignace d’Antioche, t. vii, col. 709-710. « De deux choses l’une, écrit-il aux Éphésiens, xi,

I : ou craignons la colère à venir, ou aimons la grâce présente, pourvu que nous soyons trouvés dans le Christ Jésus pour la vie éternelle. » — Cette vie éternelle nous est proposée comme une récompense dont l’attrait doit nous inviter au bon combat. « Là où plus grande est la peine, [plus grand] est le profit. » Polyc, i, 3. Mais les moindres actions elles-mêmes ne sont pas perdues : c’est ainsi qu’Ignace prie Dieu de « rendre » aux Smyrniotes, ix, 2, les services qu’il en a reçus. Rien n’empêche d’ailleurs, comme le saint martyr en donne l’exemple, Trall., xii, 3 et Phil., vra, qu’il faille toujours compter sur la miséricorde de Dieu et la prière de nos frères pour être justifiés.

Eellarmin, De meritis operum, c. iv, p. 349, se contente de citer quelques lignes de Rom., iv, 1, où Ignace ferait allusion à son prochain martyre comme à un mérite aux yeux de Dieu. Mais J. Gerhard, op. cit., n. 124, p. 147, a eu beau jeu de relever contre lui que tout autre est le sens de cette parole : « Laissezmoi, s’écrie l’évêque d’Antioche, devenir la pâture des bêtes, par lesquelles il m’est donné d’aller à Dieu. »

II n’y a pas lieu d’insister sur ce lapsus et moins encore d’en tirer argument, alors que tant d’autres textes expriment nettement la pensée de saint Ignace sur les œuvres et leur valeur.

b) Saint Polycarpe. — Non moins ferme est la doctrine de son ami et correspondant saint Polycarpe. « Celui, dit-il, Phil., ii, 1, qui a ressuscité le Christ des morts nous ressuscitera aussi, si nous faisons sa volonté et marchons dans ses commandements. » Et encore, v, 2 : « Si nous lui sommes agréables dans la vie présente, nous recevrons [de lui] la vie future. Car il a promis de nous ressusciter et, si nous menons une conduite digne de lui, de nous associer à son règne. » La pensée des comptes à rendre doit donc nous inciter à « servir Dieu avec crainte et respect », vi, 3, sans oublier, viii, 1, que « le gage de notre justice c’est le Christ ».

Une valeur toute spéciale s’attache au martyre pour le nom chrétien : Ignace, Paul et les autres n’ont pas couru en vain et il ne faut pas douter qu’ils ne soient maintenant auprès du Seigneur dans le lieu qui leur est dû. Ibid., ix, 2.

4. Hermas.

De tous les Pères apostoliques, Hermas est communément donné comme le meilleur représentant du christianisme populaire, celui, par conséquent, « chez qui la piété chrétienne revêt un caractère entièrement légal ». F. Lichtenberger, art. Mérite, p. 89. Aussi bien peut-on dire que le Pasteur tout entier, en raison de son but moral et réformateur, est consacré à la doctrine des œuvres, qu’il s’agisse des charges morales qu’impose au chrétien la profession de son baptême ou des pénitences laborieuses auxquelles il est tenu pour obtenir, s’il y a lieu, le pardon de ses péchés. Voir Hermas, t. vi, col. 2282-2286.

Les œuvres normales sont constituées par la fidèle observation des commandements divins, qui assure la vie éternelle, Sim., x, et l’auteur, pour montrer qu’elle est possible, insiste sur le libre arbitre que nous avons reçu de Dieu. Mand., xii, 3, 5-5, 1. Elles valent à qui les accomplit la vie éternelle comme récompense : le Pasteur voit déjà Dieu qui vient « rendre à ses élus avec beaucoup de gloire et de joie la promesse qu’il leur a promise, s’ils observent ses lois ». Vis.,