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    1. MÉRITE##


MÉRITE, DOCTRINE DE SAINT JACQUES

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mort, saint Paul aime s’entretenir dans cette espérance, II Tim., iv, 7-8 : « J’ai combattu le bon combat, j’ai tel miné ma couise, j’ai conservé la loi. Il me reste à recevoir la couronne de justice que me décernera en ce jour-là le Seigneur, le juste juge, et non seulement à moi, mais à tous ceux qui ont aimé son avènement. » L’expiession « couronne de justice », 6 tyjç 81xaioaùv/jç aTscpavoç, est sans doute une tournure hébraïque pour dire que cette couronne est justement méritée. En tout cas, elle est associée à l’idée du « juste juge » et attendue comme une rétribution de sa part, ôv à7Tf.Sc>oei ii, oi… ô S.xcaoç xpifrçç.

Quand bien même l’Apôtre ne le dirait pas expressément, chaque croyant fidèle aux obligations de sa foi aurait le droit de professer une semblable assurance. De même que l’enseignement de saint Paul montre comment la notion du mérite humain entre sans la fausser dans l’économie dogmatique du christianisme, son exemple en autorise et règle l’usage dans la vie pratique du chrétien.

Saint Jacques.

Longtemps il fut à la mode,

chez les théologiens protestants, de mettre en opposition saint Paul et saint Jacques sur la place qui revient aux œuvres dans le système du salut. Cette antithèse classique est d’ailleurs de plus en plus abandonnée par les défenseurs de l’orthodoxie selon la Réforme, qui ne craignent plus aujourd’hui de reconnaître l’accord substantiel des deux Apôtres. Voir Justification, t. viii, col. 2204-2206. Aussi bien est-il évident que la différence indéniable de leur langage ne tient pas à une divergence de fond, mais à la diversité de leurs points de vue respectifs.

1. Rôle des œuvres. — Tandis que saint Paul est un spéculatif qui se penche volontiers sur le mystère des voies divines en matière de justification, un polémiste aussi qui veut rabattre les prétentions des juifs aussi bien que des Gentils, saint Jacques est un simple pasteur d’âmes, qui s’adresse en moraliste à des chrétiens pour leur apprendre ou rappeler leurs devoirs. Voir Jacques (Saint), t. viii, col. 269-270.

Ce point de vue moral s’accuse dès les premières lignes de l’épître et ne se dément pas un instant dans la suite. Il est d’ailleurs impossible de saisir le moindre essai d’ordre logique dans la succession de ses thèmes ; mais on ne peut pas se méprendre sur leur caractère exclusivement pratique. L’auteur expose tout d’abord la vertu bienfaisante de l’épreuve, i, 2-18, puis la nécessité de conformer sa vie à la parole entendue, 19-27. D’où il passe à la « loi royale » de la fraternité sans « acception de personnes », ii, 1-13, à l’obligation de réfréner sa langue, ni, 2-12, de pratiquer la concorde et la charité, iii, 13-iv, 7, aux devoirs spéciaux des riches, v, 1-11.

Dans la trame un peu lâche de cette parénèse, exactement entre le développement sur la fraternité chrétienne et celui qui roule sur le gouvernement de la langue, vient s’insérer le passage célèbre, ii, 14-20, sur la foi et les œuvres. La nécessité des œuvres ressortait déjà du chapitre premier, où l’auteur exhorte ses lecteurs à ne pas écouter seulement la parole de Dieu mais à la mettre en pratique, i, 22, et ramène la vraie religion à la pureté de la conscience et à la miséricorde envers les affligés, i, 27. Il y revient ici avec une plus grande insistance pour en marquer le rôle par rapport à la justification. « Que servirait —il, mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi sans avoir les œuvres ? La foi le pourra-t-elle sauver ? » Telle est la thèse fondamentale de l’Apôtre, ii, 14, qu’il établit d’abord sur la raison, ii, 15-19 : la foi sans les œuvres est une « foi morte », au lieu que la présence des œuvres traduit celle de la foi ; puis sur l’Écriture, n, 20-26 : Abraham ne fut justifié que pour avoir consenti au sacrifice d’Isaac et la courtisane

Rahab le fut aussi pour sa charité envers les messagers d’Israël.

La justification dont parle ici saint Jacques n’est pas la même dont traite saint Paul. Celui-ci se précoccupe de la genèse de la foi ; celui-là de son utilisation et des conditions nécessaires pour obtenir, à la fin de la vie, miséricorde devant Dieu. La différence manifeste de leur objectif interdit d’admettre entre les deux apôties la moindre contradiction. Voir Jacques, t. viii, col. 279-281, et Justification, col. 2075-2076. Tout ce qu’on peut raisonnablement conclure, c’est quesaint Jacques, conformément à son but pratique, insiste sur l’obligation de traduire sa foi en actes et, parmi les différents aspects du christianisme, s’attache de préférence à son aspect moraf.

2. Valeur des œuvres. — Déjà cette recommandation des œuvres morales en indique, en gros, la valeur. Elles donnent le moyen de « se sauver », ii, 14 : par elles on devient « ami de Dieu », ii, 23 ; comme Abraham et Rahab, on est « justifié ». ii, 21, 23-25. Ailleurs on voit que celui qui travaille à la conversion d’un pécheur couvrira par cet acte de miséricorde « la multitude de ses péchés ». v, 20.

Ces divers biens représentent dès maintenant une réalité : celui qui s’adonne aux œuvres trouve déjà son bonheur dans son action même, i, 25. Mais, par de la cette vie passagère, l’Apôtre porte aussi et surtout son regard sur l’avènement du Seigneur qui approche, v, 7-8. C’est évidemment en vue de ce jugement divin que les œuvres ont, à ses yeux, tellement d’importance. « Elles nous y vaudront la couronne de vie promise par Dieu à ceux qui l’aiment. » i, 12 ; cf. ii, 5.

Saint Jacques dit « couronne de vie », tôv aTéçavov ttjç Çaiîjç, exactement comme saint Paul disait « couronne de justice ». Voir plus haut, col. 607. Plus nettement que celui-ci, il précise que cette « couronne » est subordonnée à la promesse divine. Mais, pour l’un et l’autre, comment serait-elle une récompense s’il n’y avait pas de notre part quelque chose pour la mériter ?

3. Conditions des œuvres. — Non seulement saint Jacques recommande les œuvres, mais il indique çà et là en quelques mots les conditions qu’elles supposent. Ces traits fugitifs achèvent de fixer sa position par rapport au mérite humain.

Évidemment la part principale et déterminante revient ici à notre bonne volonté. Il n’est pas besoin d’insister sur ce pragmatisme moral de saint Jacques, puisqu’il constitue l’âme de tout son enseignement. A la suite du Maître, Matth., vii, 21, ce qu’il se préoccupe surtout d’obtenir, ce sont des réalisations, yiizcOs TcoirjTod Xoyou. i, 22. Mais cet effort spirituel ne va pas sans le secours de Dieu. Dès ie début, il invite ses lecteurs qui ont besoin de la sagesse à se tourner vers Dieu par la prière, i, 5. Car la vraie sagesse, comme il l’indique plus loin, iii, 17, « vient d’en haut ». D’une manière générale, c’est du Père des lumières que descend tout don parfait, i, 17. Et c’est ainsi que l’action dont saint Jacques se fait énergiquement le prédicateur est, en définitive, à base de grâce. Sans compter qu’il ne nous laisse pas le droit d’oublier l’abondance et la persistance de nos manquements, ni, 2.

De ces deux facteurs présents à son esprit il n’en est pas moins certain que l’Apôtre souligne plutôt le premier. « Approchez-vous de Dieu, s’écrie-t-il à la manière des anciens prophètes, et il s’approchera de vous. Purifiez vos mains, pécheurs… Humiliez-vous et il vous élèvera ». iv, 8-10. Ce qui ne veut pas dire qu’il attribue à l’homme l’initiative de son salut, mais uniquement qu’il insiste sur l’effort personnel qu’il s’agit d’obtenir. Ailleurs il apparaît suffisamment