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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), DOMINATION DES MAMLOUKS

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Jean et ses confrères se rendirent incontinent chez le patriarche, et, de la, après la cérémonie de la remise du pallium. à Beyrouth. Plus tard, ayant inutilement décerné contre t ux un mandat de comparution, le ndib s’irrita et convertit son ordre en mandat d’amener contre ceux qui s’étaient portés garants de leur conduite et contre le patriarche lui-même. La soldatesque entra alors en action, incendiant et pillant tout sur son passage. Mais c’est surtout sur le couvent de Meïphouq qu’elle exerça sa rage. Douaïhi, ms. 395, to. 105v°-106r° ; Annales, an. 1-139, fol. 68 r°. A la suite de ces douloureux événemens, Jean Al-jàjî transféra, en 1440, la résidence patriarcale au monastère de Qannoùbîn, situé dans la vallée profonde dite Wadi Qadîcha (Vallée sainte), au pied du massif montagneux des cèdres. Douaïhi, Annales, an. 1440, fol. 68r°et v° ; Chronologie, p. 30. A Qannoùbîn, le patriarche pouvait être protégé par les précipices de la vallée. L’n voyageur de 1589, le seigneur de Villamont, a laissé une description pittoresque de ce vieux monastère, devenu le centre de la vie maronite. Les voyages du Seigneur de Villamont, Lyon, 1609, p. 359. Un siècle plus tard, en 1689, un autre voyageur, M. de la Roque, complète cette description de Qannoùbîn. C’est, dit-il « un assés grand bâtiment, mais fort irrégulier, qui se trouve quasi tout construit dans le rocher : l’église dédiée à la Vierge… en est toute prise.. Le reste du bâtiment consiste en l’appartement du patriarche, qui n’a rien de fort distingué, en plusieurs chambres de religieux… le tout assés pauvre… Ses dehors ne laissent pas d’être fort unis et ses environs fort rians. » Voyage de Syrie et du Mont-Liban, 1. 1, Paris, 1722, p. 50-52.

Le monastère de Qannoùbîn existe encore ; il est gardé comme une relique par tous les patriarches. C’est là que les chefs de l’Église maronite vécurent pendant plus de deux siècles, continuant d’entretenir, à l’ombre de leur cloître, la flamme de la foi et le souvenir des Francs, leur frères d’Occident. De Qannoùbîn, Jean Al-jàjî écrivit au pape pour renouveler son adhésion a x définitions conciliaires de Florence, le remercier de ses libéralités et lui faire part des malheurs qui venaient de s’abattre sur son peuple. La lettre patriarcale fut portée à Rome par Frère Pierre de Ferrare. Eugène IV y répondit le 16 décembre 1441, rendant hommage à la foi et à la vertu du patriarche, Le Bullarium maronilarum d’Anaïssi ne donne que la fin de la lettre pontificale, p. 13. Nous en avons rencontré le texte entier traduit en arabe par Ibn-Al-Qela’î dans le ms. Vat. arab. 640. On le trouve aussi en arabe dans Douaïhi, ms. 395, fol. 106v°-107.

Al-jâjî mourut à Qannoùbîn, en 1445. Il eut pour successeur Jacob de Hadeth ou Hadath qui sortait de l’ermitage de Saint-Serge. Le nouvel élu reçut d’Eugène IV, avec le pallium, la confirmation de son élection. Douaïhi, Annales, an. 1445, fol. 69 r° ; ms. 395, fol. 114v°. Une lettre de Calliste III, 14 juin 1455, loue sa foi et son dévouement aux intérêts de l’Église. Anaïssi, Bull., p. 18, Cf. Douaïhi, ms. 395, fol. 121v°.

Les Annales de Douaïhi, fol. 69v°, ainsi que sa Chronologie, p. 32, placent en 1458 la mort de Jacob de Hadeth. Mais Le Quien qui a pourtant emprunté ce renseignement à la Chronologie de Douaïhi, traduite en latin par un prêtre maronite, Joseph Ascari, donne la date de 1468. Oriens ehristianus, t. iii, col. 64. La leçon de la traduction est plus exacte ; car Jacob vivait encore en 1462, comme il appert de deux notes écrites sur un évangéliaire conservé à la Laurentienne de Florence. Ét.-Év. Assémani, op. cit., p. 19 et 20. Neuf jours après la mort de Jacob (8 février 1468), on élut à sa place Pierre, surnommé Ibn-Hassân. Douaïhi, Annales, an. 1458, fol. 69 v° ; ms. —19 5, fol. 117 ; Chronologie, p. 32. D’une piété profonde et d’une inté grité remarquable, le nouveau chef des.maronites, suivant l’exemple de ses devanciers, mit en tête de son programme la fidélité au Siège de Rome. Voir la relation envoyée au pape, en 1475, par son commissaire auprès des maronites, Fr. Alexandre d’Arioste, dans Marcellin de Civezza, loc. cit., p. 215. Aussitôt installé, il songea à demander la confirmation pontificale. A cet effet, il réunit les principaux du clergé et de la nation, écrivit avec eux les lettres d’obédience, et Frère Gryphon, accompagné de deux autres franciscains, les porta à Rome. Voir plus haut, col. 43, la suite de cette mission ; Douaïhi, ms. 395, fol. 121v°122.

A Pierre, décédé en 1492, succéda son neveu Simon ou Siméon Ibn-Hassân de Hadeth. Mais il se passa plusieurs années avant qu’il pût être confirmé. Au début, il y eut certainement négligence de sa part à notifier au pape son élection. Nous le savons par les deux lettres que lui adressèrent en 1494 Ibn-Al-Qela’î et Fr. Francesco Suriano, supérieur des franciscains de Terre sainte et vicaire apostolique pour l’Orient. Douaïhi, ms. 395, fol. 92 r" etv° ; 127r°-128r°. Mais il écrivit ensuite coup sur coup, et la réponse n’arrivait pas. Douaïhi, ibid., fol. 132 r°. En effet, les troubles politiques qui désolaient à cette époque l’Italie et la Syrie rendaient singulièrement malaisées les communications. D’autre part, les difficultés au milieu desquelles se débattait la papauté absorbaient trop le Saint-Siège pour qu’il prêtât l’oreille aux affaires d’Orient. C’était le pontificat d’Alexandre VI avec tout son cortège de désordres ; et la lourde succession que ce pape laissa à Pie III et Jules II ne leur permit guère de songer à un patriarche d’un pays si lointain. Il fallut attendre l’avènement de Léon X pour avoir la bulle de confirmation. Lettre Cunctarum orbis, 23 juillet (et non pas août) 1515. Nous avons vu plus haut, col. 29, dans quelles circonstances cette confirmation fut accordée.

Douaïhi représente le pays des maronites comme jouissant d’une certaine tranquillité durant la seconde moitié du xve siècle, et cela grâce à l’activité et à l’intelligence des mouqaddamin. Aussi bien, les chrétiens s’y réfugiaient en grand nombre. Au.seul village deHadschit, il y avait vingt prêtres. Dans les églises de Bécharrî, la ville des cèdres, on comptait autant d’autels que de jours dans l’année. La paix, quoique relative, attira la prospérité. Celle-ci eut pour conséquence un développement de forces intellectuelles et morales. On multiplia les écoles ; on augmenta le nombre des églises. Douaïhi, examinant les manuscrits, trouva qu’il y avait, à cette époque, plus de cent dix copistes parmi ses compatriotes. Le catholicisme lui-même s’étendit et les conversions se multiplièrent sous le patriarcat de Pierre Ibn-Hassân. Relation de Fr. Alexandre d’Arioste, écrite à Qannoùbîn en 1475, dans Marcellin de Civezza, loc. cit., p. 215-216 ; Douaïhi, Annales, an. 1470, fol. 70 v ».

Il est vrai, un mouqaddam de Bécharrî, ’Abd-Al-Mon’em Ayoub II, apporta, pendant quelque temps, des éléments de trouble dans le’sein même de l’Église maronite. Imbu, dès son jeune âge, de principes monophysites, il se déclara pour les jacobites et leur fit construire une église près de sa maison. Ceux-ci ne manquèrent pas d’exploiter en faveur de leur secte la bienveillance du mouqaddam. Ayant recruté des adeptes parmi les maronites, ils voulurent étendre leur sphère d’influence. Le patriarche Pierre Ibn-Hassân s’alarma et prit des mesures pour enrayer le danger et ramener les égarés. Mais son action rencontra des obstacles dressés par’Abd-Al-Mon’em. A bout de patience, les habitants d’Fhden, réputés pour leur bravoure, recoururent à la force : à la suite d’un combat provoqué par’Abd-Al-Mon’em lui-même, ils