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MÉRITE, DOCTRINE DU JUDAÏSME


pas absolument étranger aux Écritures. Non désuni lestimonia sacra ? Seriplura ; répond Rellarmin, ubi ejusmodi nomen vel aperte contineatur vel uruie facili negotio deducatur. De justificatione, I. V : De meritis operum, c. n. dans Opéra, Paris, 1873. t. vi, p. 344. Comme preuve directe, il cite surtout Eccli., xvi, 15, d’après la Vulgat, en s’elTorçant de prouver que le grec xa-rà ëpya est bien rendu en latin par secundum meritum operum. Mais l’intérêt ne serait-il pas précisément d’expliquer pourquoi la nuance précise de la traduction manque dans l’original ? Il se réclame encore de Hebr., xiii, 16 : Talibus hostiis promeretur Deus, en reconnaissant d’ailleurs que ce verbe est synonyme d’apaiser : ce qui, dès lors, enlève à ce texte t’ut droit de figurer au dossier littéraire de la question. A plus juste titre il relève les passages comme II Thess., i, 5 ; Apoc, ni, 4 et xvi, 6, où se trouve le nomen dignitatis. Car, observe-t-il, quod nos dicimus mereri, dicunt Gr&ci àEioCo0ai, id est dignum esse, et meritum vocant dcîtoev. Mais il reste que, pour voisines qu’elles soient, ces deux idées ne sont pourtant pas de tous points identiques et qu’ici encore le terme propre de mérite n’est pas employé. Aussi l’auteur de le chercher, en définitive, sous l’idée de récompense, où il se trouve équivalemment contenu. En réalité, cette question de mots n’a qu’un mince intérêt, s’il est vrai que l’Écriture exprime véritablement la chose. Or c’est ce qui ne souffre pas la moindre difficulté, quand on prend le mérite, ainsi que le demande la logique, au sens d’une valeur morale dont le droit à la sanction est tout à la fois le signe et la conséquence. Merces et meritum relativa sunt, note avec raison Bellarmin, ibid., p. 345. De même, saint Thomas d’Aquin avait déjà dit : Meritum et merces ad idem rejeruntur. Sum. theol., I a —II æ, q. exiv, a. 1. C’est d’après c tle mé ; l o<e qu’il faut chircher ks fondements bibliques de la d< ctrine du mérite.

Dès lors, ce n’est plus d’un ou de quelques textes isolés que la preuve dépend ; car il en est peu ou pas qui aient, en cette matière, un relief spécial. Il s’agit plutôt d’un vaste courant à capter, partout diflus dans l’Écriture, où se définit en traits multiples et convergents la relation des œuvres humaines aux réc. mpenses divines. De sorte que la preuve gagne ici en complexité ce qu’elle perd en précision. Ne s’agit-il pas, en somme, de marquer le rôle respectif de Dieu et de l’homme par rapport au salut ? Pour les protestants, la question doit se résoudre par l’affirmation exclusive de l’action divine. « L’Écriture tout entière, Ancien et Nouveau Testament, écrit. Aug. Grétillat, est une protestation contre la prétention de l’homme… d’instituer en face de la justice divine des rapports autres que ceux que la grâce divine elle-même a librement créés et consentis. » Exposé de théologie systématique, Paris, 1890, t. iv, p. 385. Au contraire, l’Église catholique estime avec raison rester fidèle à l’Écriture en affirmant que cette initiative divine n’exclut pas la collaboration du lfbre arbitre humain et la valeur normale des œuvres qu’il produit. Sur une matière qui touche au point le plus profond de la vie religieuse, il faut évidemment s’attendre à rencontrer des nuances différentes suivant les époques et les milieux. D’une manière générale, un progrès incontestable se manifeste, à cet égard, du judaïsme au christianisme, progrès qui coïncide avec la marche même de la révélation. Cependant, sous le bénéfice préalable de la grâce de Dieu qui ne perd jamais ses droits et dont la prépondérance est mise progressivement en lumière, il n’est pas trop malaisé d’apercevoir que la valeur des œuvres humaines, dont la claire affirmation caiaclérise, d’un commun accord, l’Ancien Testament, se confirme en s’épurant dans le Nouveau.

— I. Données de l’Ancien Testament. II. Enseigne DICT. DE THÉOL. CATHOL.

ment de Jésus (col.. r, 93). III. Doctrine des Apôtres (col. 602).

I. Données de l’ancien Testament. — Une parabole célèbre, Luc, xviii, 9-14, met en contraste la superbe du pharisien fier de ses œuvres et l’humilité du publicain repentant. D’autre part, pressé parle besoin de revendiquer l’indépendance de l’Évangile, saint Paul souligne en traits énergiques l’opposition de la foi et de la Loi. Sur ces bases la dogmatique protestante aime construire une philosophie de l’histoire religieuse aux contours tranchés, qui se ramène à l’antithèse de l’Ancien et du Nouveau Testament. En regard de celui-ci, celui-là est la période sacrifiée, où régnerait la « propre justice des Juifs », qui devait être « combattue par Jésus et saint Paul ». A. Grétillat, op. cit., p. 370.

Bien qu’elle puisse favoriser jusqu’à un certain point la tâche de la théologie catholique, cette synthèse est trop superficielle pour être admise comme de tous points exacte. On en retiendra que le protestantisme renonce pour sa conception de l’Évangile à l’appui de la religion juive. Mais un pareil hiatus dans le développement de la révélation divine n’est-il pas bien peu vraisemblable a priori ? En réalité, si la part de l’homme est particulièrement accentuée dans l’Ancien Testament, il s’en faut que celle de Dieu en soit absente. La véritable imperfection de la religion judaïque lui vient plutôt de ce qu’elle est encore peu ouverte à la recherche des biens éternels et qu’elle envisage moins la destinée des individus que celle de la collectivité. Mais la loi qui règle le sort de celle-ci vaut aussi pour chacun de ses membres et ne tarde pas, du reste, à leur être formellement appliquée. Ainsi les relations entre Jahvé et son peuple esquissent, au moins dans ses grandes lignes, une doctrine générale du mérite. Et si les horizons de l’Ancien Testament sont dominés par la perspective des sanctions terrestres, comme celles-ci sont déjà des rémunérations divines, tout ce que nous savons de son rôle préparatoire invite à penser que les principes qu’il pose à cet égard régneront également dans la sphère supérieure des intérêts éternels, aussitôt que les âmes seront capables d’en faire le principal de leurs préoccupations.

Avec saint Paul, Gal., iii, 24, il reste bien vrai de dire que, pour fixer les rapports religieux du Créateur et de la créature, la Loi n’est que le « pédagogue » et non pas le maître définitif ; mais encore est-il qu’à ce titre inférieur ses leçons ne seront point perdues, parce que Dieu même en était déjà l’auteur. Elles se développent sur un double terrain : celui des doctrines et celui des résultats, qui correspond au double aspect, objectif et subjectif, sous lequel le mérite humain peut être envisagé.

Doctrine du judaïsme.

Quoique la Bible tout

entière ait pour trait distinctif d’être surtout une littérature d’action sortie de la vie religieuse et destinée à réagir sur elle, certains de ses livres présentent un caractère plutôt didactique, sinon spéculatif, et reflètent davantage ce qu’on peut appeler le côté doctrinal du judaïsme. Les enseignements qu’ils renferment et les faits qu’ils rapportent contribuent également à traduire un certain esprit que l’histoire y retrouve et qu’ils eurent pour but d’inculquer à leurs premiers lecteurs.

1. Principes généraux de la révélation judaïque. — En réunissant les souvenirs que la Genèse a retenus de la période patriarcale et les données déjà plus explicites que les autres parties du Pentateuque nous fournissent au sujet de la Loi, c’est-à-dire ce que la tradition juive a de plus ancien et de plus fondamental, on voit se dessiner une philosophie religieuse où Dieu et l’homme ont chacun leur rôle à jouer.

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