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MERCORI — MERITE

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une paisible compétence dans le domaine de la morale spéculative. Amis et adversaires se sont complu à louer son esprit et son talent Ce qu’il pouvait garder de tutiorisme était tempéré de beaucoup d’optimisme

I bomiste, et il n’avait rien de la rigidité janséniste.

Aucune monographie n’a été jusqu’à présent consacrée à ce théologien qui fut pourtant justement réputé. Hurter, Nomenclator, 3e édit., t. iv, col. 288-289, ne fait que reproduire la trop courte notice de Quétit-Echard, Scriptores wrtlinis prædicatorum, t. ii, p. 629.

M. -M. GORCE.

    1. MERINERO Jean##


MERINERO Jean, naquit à Madrid en 1600.

II entra dans l’ordre franciscain à seize ans et, ses études achevées, enseigna la théologie au couvent de San-Diego d’Alcala, l’un des plus grands centres de la M-olastique espagnole au xvii c siècle. En 1629, il y publiait sou premier ouvrage : Commenturia in universant Aristotelis dialecticam juxla Duns Scoli, docloris sublitis, menton. Lecteur jubilé, il devint ensuite gardien du couvent de Madrid, puis provincial de Castille. Jean de Saint-Antoine. Bibliotheca universa franciscana, Madrid, 1732. t. n. p. 190. En 1639, au chapitre célébré à Rome, il fut élu ministre général et le pape Urbain VIII confirma son élection par le bref Cum sicut du 20 juillet. De Gubernatis, Orbis seraphicus, Rome, 1682, t. i, p. 257-8 : Charles Marie de Pérouse, Chronologia historico-legalis ord. seruph., 2e édit., Rome, 1752, t. m a, p. 6-50. Ce choix cependant ne plut pas à Philippe IV, roi d’Espagne, qui favorisait la nomination du P. Guerra. Mal informé par son représentant et le duc d’Olivarès, et croyant l’élection de Merinero irrégulière et anticanonique, le roi lui interdit tout séjour en Espagne ainsi qu’à ses électeurs. Mais ce malentendu fut bientôt dissipé et Philippe IV reçut à la cour le nouvel élu avec de grands honneurs. Merinero promulgua les statuts du chapitre de Rome par sa lettre In priveelsa. Pendant six ans, il gouverna l’ordre séraphique avec zèle, grandement favorisé par Urbain VIII et Innocent XI. Holzapfel, Manuale historiée ord. Fralrum minorum, Fribourg-en-B., 1909, p. 283-5. En 1645, il fut remplacé par Jean Mazzara de Naples, élu au chapitre général de Tolède. Merinero, de caractère humble et doux, n’aspirait qu’à rentrer dans l’ombre ; mais le roi d’Espagne, Philippe IV, le nomma à l’évèché de Ciudad Rodrigo et peu après au siège de Valladolid, 1646-1663. Gams, Séries episcoporum, p. 89 ; Gubernatis, loc. cit., p. 258. Merinero mourut en 1663, en renom de sainteté, plerisque episcopus sanctus appellatus.

Les ouvrages de Merinero sont considérables. Il publia un cours complet de philosophie scotiste très estimé : Cursus integer philosophiez juxta Doctoris subtilis Joannis Duns Scoti menlem quinque voluminibus Aristotelis logicam parvam et magnam, octo libros de physico auditu, duos libros de ortu et inleritu, 1res libros de anima copiose et accurate complens, Madrid, 1659. Un autre de ses écrits a pour objet la définibilité de l’immaculée conception : Traclatus de eoneeplione Deiparæ Yirginis seu de hujus articuli de/inibilitate, Valladodid, 1652. Pendant son généralat il écrivit les deux opuscules suivants : De reformatione ordinis seraphiei, Madrid, 1641 ; Commentarium in régula S. Clara :, Madrid, 1642. Après la mort de Merinero, des amis qui conservaient pieusement sa mémoire, éditèrent à Madrid en 1668 son Cursus theologicus juxla menlem Doctoris subtilis. Le t. I er traite de la science et de la volonté de Dieu, de la prédestination et de la Trinité, le t. ii, de la béatitude, des actes humains et du péché actuel. Les autres ouvrages de Merinero sur l’incarnation et la grâce, conservés manuscrits au couvent d’Alcala, n’ont pas été publiés. Il faut le regretter. « Merinero, dit le P. Dominique

de Caylus, O. M. C, mérite d’être compté parmi les meilleurs scolastiques espagnols. » Sa science et l’éclat de ses vertus honorent grandement l’école de Duns Scot.

Nicolas Antoine, Bibliotheca his/nina nova, 2° édit.. Madrid, 1783, t. i, p. 742 ; Van den Haute, Brevis historin ordinis Minorum, Rome, 1777, p..338 ; Othon de Pavie, L’Aquitaine séraphique, Tournai, 1907, t. IV, p. 80-96 ; De Caylus, Merveilleux épanouissement de l’École scoliste, dans Éludes franciscaines, Paris, 1911, t. xxt, p. 309-310 ; Lopez, Apnnles bibliograficos, dans Archivo Ibero-Americano, Madrid, 1917, t. iv, p. 106 ; Pou y Marti, Index regestorum familiie Ullramontana’, dans Archivum franciscanum historicum, Quaracchi, 1919, t. xii, p. 283-288, 544-548.

E. LONGPRÉ.

    1. MERITE##


MERITE. — Du latin merilum, le mot français mérite se rattache à la racine mereor, qui a donné aussi demereor et promereor. Ce dernier terme devait prendre plus tard, dans la langue théologique, la nuance d’un mérite plus complet : primitivement il semble à peu près synonyme des autres. Suivant le génie de la langue latine, ces verbes ont un sens actif et se disent, par conséquent, de la personne qui mérite ou des actes qu’elle produit. Mais le participe auto-’rise aussi le sens passif et désigne la chose méritée. Cette dualité d’acception a persisté dans les langues modernes.

Il n’est pas inutile d’observer que le grec ne dispose pas d’un terme proprement analogue. Le substantif à ; ia a bien une signification équivalente au latin meritum, et c’est ainsi que l’on trouve les expressions roxpà, xorrà ou 71poç àïîav = extra ou secundum merilum. Mais ce terme n’a déjà pas la même souplesse et le verbe correspondant fait défaut. Cette particularité du vocabulaire ne laisse pas d’avoir son importance pour l’histoire de la doctrine elle-même.

Avant de passer dans la langue religieuse, ces divers termes étaient courants dans le langage profane. Mereri était d’abord susceptible d’un sens large : suivi d’un nom de personne à l’accusatif, il signifiait : apaiser, fléchir quelqu’un, ou déterminer ses faveurs. Plus souvent il s’employait avec un nom de chose : mériter un honneur, un blâme, et c’est de ce sens précis que dérive le substantif meritum. Dans ce cas, il désigne proprement le rapport d’un acte moral à une sanction appropriée. Par extension, il arrive aussi à signifier la réalité même, c’est-à-dire l’acte qui est à la base de ce rapport.

En lui-même, ce terme était neutre, c’est-à-dire absolument indépendant de la qualité du résultat. Forcellini, Lexicon, t. iv, p. 107. Chez les auteurs profanes, on le trouve, en effet, employé dans les deux sens. Dit’inum et immortelle meritum, disait Cicéron en parlant des soldats morts pour la patrie, Phil., iii, 6. Et de même Suétone, Aug., 45 : Pro merito adstunlium quemque honoruvit. Mais Cicéron écrivait ailleurs, Sext.. 17 : Cœsar a me nullo merito alienus, où « mérite » se rapporte à une mauvaise action. Ainsi Ovide, /// Pont., iii, 70 : Nam grauior merito vindicis ira fuit. La même neutralité s’observe chez les Pères. C’est ainsi que saint Augustin parle encore dans la même phrase de meritum supplicii aussi bien que de meritum pnemii. De div. quæst. LXXXIII, q. lxviii, 5, P. L., t. xl, col. 73. Seule une épithète pouvait préciser de quel mérite il s’agissait : c’est ainsi que les expressions meritum bonum, meritum malum. sont courantes sous sa plume. Voir, par exemple, De gratia et lib. arbitrio, v, 12 et vi, 13-14, P. L., t. xliv, col. 888-890. Le concile de Trente ne craint pas encore de commettre un pléonasme en parlant de bona mérita, vi » session, can. 32, Denzinger-B., n. 842 ; cf. c. xvi, n. 809.

Cependant on devait arriver à distinguer ces deux réalités si différentes par des termes différents, « mérite » étant réservé aux œuvres bonnes et à leurs