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MARONITE (ÉGLISE), DOMINATION DES MAMLOUKS


de Civezza, loc. cit., p. 209-217 ; Quaresimus, Historien, theologica et moralis Terræ Sanctæ elucidatio, t. i, Venise, 1880, p. 71 et 326-328 ; Wadding, Annales minorum, an. 1475, n. 18-24, t. xiv, 1735, p. 128132.

La mission dont le souvenir fut le plus profondément gravé dans la mémoire des maronites est celle de Fr. Gryphon. Flamand de haute intelligence, d’un çsprit large et mesuré, d’une culture raffinée et d’une activité dévorante, Gryphon se sentait attiré par les missions de Terre sainte. Vers la fin de 1442, il fut envoyé en Palestine. Après avoir visité les sanctuaires de cette région, il se fixa à Jérusalem, au couvent du Mont-Sion. Il se mit à étudier l’arabe, devenu l’idiome du pays, et le syriaque, langue liturgique de plusieurs Églises. En’1450, ayant été attaché à la mission du Mont-Liban, il quitta Jérusalem pour Beyrouth, accompagné de Fr. François de Barcelone. Avec celui-ci le missionnaire flamand poursuivit ensuite sa route vers la Montagne et s’établit au milieu des maronites. Il fit bâtir de nouvelles églises et adopter diverses réformes disciplinaires. Les auteurs disent : errores ablegavit, ce qui a poussé quelques-uns à crier immédiatement à l’hérésie. Le P. Lammens a raison de traduire errores par abus. « Il ne peut évidemment pas, dit-il, être question d’erreurs doctrinales. Les adversaires les plus décidés de la perpétuelle orthodoxie des maronites doivent convenir que, depuis le concile de Florence, leurs croyances ont été absolument irréprochables. Il s’agit donc sans doute de points de discipline, n’intéressant en rien la foi, d’abus qui peuvent se glisser, hélas ! dans les milieux les plus fortement imbus de principes catholiques. Il y avait, en outre, au Liban, plusieurs localités habitées par des jacobites… Peut-être Gryphon eut-il à sévir contre des livres et des opinions que les voisins jacobites s’efforçaient de répandre au milieu de ce peuple fidèle ! A la faveur d’une langue et d’une liturgie communes, les points de contact n’étaient que trop nombreux et, de l’aveu des écrivains maronites, elles furent en plus d’une occurence nuisibles à la pureté de la foi. Quoi qu’il en soit, abus disciplinaires ou erreurs jacobites, les efforts de Gryphon pour les extirper furent couronnés de succès. Il fut aisé de rendre son premier éclat à la religion chez un peuple ayant toujours joint un grand fond de piété à un sincère attachement à la foi catholique. » Frère Gryphon, p. 87-88. Cf. aussi Marcellin de Civezza, op. cit., t. m a, p. 208. Du reste, cette interprétation du P. Lammens se trouve pleinement justifiée par une lettre de Gryphon lui même aux maronites. Voir ci-dessous. Toutefois, malgré sa vaste érudition, Gryphon qualifia d’abus certains usages disciplinaires qui ne pouvaient avoir rien de repréhensible sinon leur différence des pratiques occidentales. Aussi l’élaboration d’une réforme de ces « désordres » rencontra-t-elle une vive résistance de la part du clergé et des fidèles, fort attachés à leurs traditions ecclésiastiques. Mais, s’il faut en croire les chroniqueurs franciscains, Gryphon, à la suite d’un événement survenu le jour de l’Assomption, aurait fini par avoir raison de cette résistance. Marcellin de Civezza, loc. cit., p. 210-211 ; Lammens, ibid., p. 88-89.

Du Liban, Frère Gryphon se rendit deux fois à Rome pour affaires relatives aux maronites. Son premier voyage s’effectua sous Calliste III, par conséquent, entre 1455 et 1458. Le second, dont le but était de demander la confirmation du nouveau patriarche Ibn-Hassân, eut lieu en 1469. Les questions qu’il avait à traiter lui offrirent une belle occasion de porter témoignage en faveur des maronites.

Frères bien aimés ! …, écrivait-il de Rome à ces derniers, Notre-Seigneur Paul (II), pape de Rome, Vicaire du Messie et successeur de saint Pierre, me renvoie vers vous pour

vous attester la croyance de Pierre, comme je suis venu témoigner ici que la vôtre était conforme à la sienne, que vous étiez d’accord avec lui, soumis à son siège. De cela j’ai pu fournir plusieurs preuves : 1° Que votre patriarche, vos évoques, vos prêtres séculiers et réguliers, ainsi que les laïques interrogés par moi à ce sujet m’ont donné la réponse précédente. J’en suis sur, ils n’ont en aucune manière usé de réticence et je ne serai pas accusé de mensonge près du pape de Rome. 2° Il y a de par le monde plusieurs sectes chrétiennes ou infidèles. Les Maronites, nous le savons, ne sont d’accord ni avec les infidèles, ni avec les Nestoriens, ni avec les Jacobites, ni avec les Grecs ; mais ils considèrent toutes ces sectes comme hétérodoxes. S’ils agissaient de même à l’égard de la croyance des Francs, il s’ensuivrait qu’il ne se trouve des savants, des saints, des livres et des témoignages irrécusables que chez les seuls Maronites ; conclusion évidemment inadmissible, vu le petit nombre de ces derniers. Mais par le fait de leur communion avec les Francs, ils le sont également avec une grande société ayant toujours produit des saints, des savants, des rois, etc. 3° De temps immémorial tous les Maronites font solennellement mention du pontife romain ; ce qu’ils ne font pour aucun autre personnage des autres confessions. Vos ancêtres n’ont établi cette coutume que parce qu’ils étaient d’accord avec le pape de Rome, unis dans la même croyance. 4° Dans les pays des Francs, à Rhodes, à Chypre, à Tripoli, à Reyrouth, à Jérusalem, les Maronites de toute antiquité fréquentent les églises des Francs et célèbrent sur leurs autels avec les mêmes ornements ; ils consacrent et font comme eux le signe de la croix ; ils se confessent et communient chez eux et reçoivent en présents des mitres, etc. En suite de cela, le patriarche Jérémie, ses prêtres et son peuple, il y a plus de deux cent cinquante ans, se sont unis de croyance avec les Francs ; en quoi ils ont été imités par plusieurs patriarches, et, à notre époque, par Jean Al-gâgî et, après lui, par le titulaire actuel, Pierre, demeurant au couvent de Qanoûbîn. Dieu veuille vous garder dans cette union et vérifier ainsi ce que j’ai attesté à notre saint Père le Pontife de Rome ! Traduction Lammens, ibid., p. 94-95. Le texte arabe de cette lettre se trouve dans Douaïhi, ms. 395, fol. 117 v°-118v°. Cf. la bulle Cimclarum orbis Ecclesiarum de Léon X, 23 juillet 1515, dans Anaïssi, Bull., p. 46.

Gryphon retourna au Liban revêtu des fonctions de représentant du Saint-Siège auprès des maronites et portant au patriarche le bref de confirmation. Voir la lettre Virtutum Deus de Paul II, 5 août 1469, dans Anàïssi, Bull., p. 22-25.

Le dernier patriarche du xiv° siècle, David qui prit le nom de Jean, dut mourir vers 1404. Douaïhi, Chronologie, p. 29 ; Ghabriel, loc. cit., p. 269-270. Il fut remplacé, on ne sait en quelle année, par Jean Al-jàjî ou Al-gâgî. En tout cas, celui-ci était patriarche lorsque Eugène IV lança les lettres de convocation pour le concile de l’Union. Douaïhi, Annales, an. 1438, fol. 67v n 68. Il y envoya, nous l’avons vii, Fr. Jean, supérieur des franciscains de Beyrouth, et le chargea de demander la confirmation pontificale pour son élection au siège d’Antioche. Eugène IV remit au mandataire patriarcal, avec la lettre de confirmation, le pallium, et quelques ornements d’église. Nous avons trouvé une traduction arabe de cette lettre qui est de 1439, parmi les mss. de la Vaticane, Vat. arab. 640, fol. 32-33. Frère Jean ne tarda pas à regagner la Syrie : au mois d’octobre 1439, il débarquait à Tripoli. La nouvelle de son arrivée se répandit aussitôt dans le pays, si bien qu’un grand nombre de maronites se portèrent à sa rencontre. Cette manifestation inspira quelques soupçons au nâïb. Il crut, en effet, que l’assemblée de Florence avait pour but de reconquérir la Terre sainte. Il fit arrêter Frère Jean et ses compagnons. Informé de cette aventure, le patriarche, qui résidait à Meïphouq, dépêcha à Tripoli quelques notables de la nation. Ces derniers, munis d’argent, purent convaincre le nâïb que les missionnaires ne nourrissaient aucune arrière-pensée politique. Il les mit en liberté, à charge, pour eux, de se présenter à toute réquisition : mais il subordonna cette liberté à un cautionnement. Frère