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MENSONGE

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Ratio mendacii sumitur a formait falsilate, ex hoc scilicet quod aliquis habet volantalem falsum emmtiandi ; mute et mendacium nominatur ex eo quod contra mentent dicitnr. II*-H", q. ex, a. 1. Le P. Sertillanges a fort clairement souligné la différence un peu subtile qui existe entre la définition donnée par saint Thomas et celle qu’admet saint Augustin : « Trouvant sur son chemin la définition d’Augustin : Enuntiatio falsi eum noluntate ad fallendum prolata. il la commente par une traduction bienveillante que la tradition n’a pas toujours maintenue. Il traduit : Le mensonge est une inondation fausse avec une volonté qui se porte à falsifier et non pas qui se porte <t tromper. Que si l’on trouvait cette traduction un peu forcée, saint Thomas l’abandonnerait sans trop de peine ; mais alors il dirait : la définition d’Augustin est extensive, non formelle : on y introduit l’effet propre du mensonge qui est de tromper en effet, au lieu de s’en tenir à son essence. » La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris. 1910, p. 301.

Espèces.

1. Saint Augustin énumère huit

espèces de mensonges, qui sont plutôt des degrés de culpabilité du mensonge d’après l’effet voulu par le menteur. De mendacio, 25, P. L., t. xl, col. 505.

Le plus grave, celui auquel nulle excuse ne saurait être apportée, est celui qui est fait in doctrina reliqionis, terme assez vague en lui-même ; ce serait tout mensonge qui pourrait entraîner le prochain dans l’erreur religieuse, non seulement de la part de ceux qui sont officiellement docteurs en religion, mais aussi dans les relations ordinaires de la vie ; c’est probablement aussi cette sorte de mensonge que saint Augustin visera dans le Contra mendacium, le mensonge du catholique qui se ferait passer pour hérétique, afin de pénétrer les secrets de la secte ou pour toute autre raison. Vient ensuite le mensonge qui nuit à quelqu’un sans que ce mal soit compensé par une utilité correspondante, ut et niilli prosit et obsit alicui. En troisième lieu, le mensonge nuisible à quelqu’un, mais utile à un autre, ita prodest alteri ut obsit alteri. Puis le mensonge que l’on commet sans autre intention que de mentir, pour le seul plaisir de tromper : c’est le mensonge dans sa nudité, quod merunt mendacium est. En cinquième lieu, le mensonge fait pour plaire, pour amuser, pour intéresser, placendi cupiditale de suaviloquio. Viennent ensuite les mensonges qui pourraient paraître excusables parce que, sans nuire à personne, ils ont un but d’utilité, soit pour éviter à autrui une perte d’argent, soit pour lui sauver la vie, soit pour préserver son honneur. « Cela fait huit espèces de mensonges, dont la malice va décroissant depuis le mensonge nuisible à Dieu jusqu’au mensonge utile spirituellement, sans que jamais cette malice s’éteigne. Sertillanges, op. cit., p. 305. Saint Thomas mentionne et accepte cette division du mensonge ; mais il en ajoute deux autres. II a —II æ, q. ex, a. 2.

2.. Il y a, dit-il, une division qui considère le mensonge dans son essence, qui est de dire le contraire de sa pensée. Certains mensonges exa’gèrent, d’autres diminuent ce que l’on croit la vérité. Aux premiers, il donne le nom de jactance, qui consiste en ce que homo verbis se extollal, ibid., et q. exil, a. 1 : aux seconds, celui d’ironie, per quant aliquis de se ftnqil minora, lbtd., et q. cxiii, a. 1.

3. Lue autre division qui est devenue plus classique, bien qu’elle se rapporte aux intentions du menteur plus qu’au mensonge lui-même, distingue le mensonge pernicieux qui se propose de nuire à autrui, le mensonge joyeux qui a une certaine excuse dans le désir d’intéresser, le mensonge officieux qui a une excuse plus sérieuse dans l’utilité que l’on recherche pour soi-même ou pour le prochain, i Cette division traditionnelle n’est pas, on le voit, une division du men songe en tant que mensonge, mais du mensonge en tant que péché, c’est-à dire qu’elle note des degrés de malice. A moins qu’on ne préfère dire : c’est une classification selon les causes, les causes qui font mentir. > Sertillanges, op. cit., p. 304.

II. m alice d u MEmON an.

1° Ce que dit l’Écriture — Dans l’Ancien Testament, le mensonge est souvent dénoncé comme un des caractères de l’impie, par exemple : Ps., Lvn(Vulg.Lvrni, 13 ; Dieu hait le menteur, Prov., vi, 17 ; il l’a en horreur, Prov., xii, 22 ; il le fera périr, Ps., v, 7 : Prov., xix, 5, 9. Les honnêtes gens se gardent de mentir : Job se vante de ne pas mentir et de même Éliu, Job, xxvii, 4 et xxxvi, 4. Et c’est prudence en même temps qu honnêteté, car le mensonge ne reste pas impuni, Eccli., vii, 13 ; sa punition dernière, c’est la mort de l’âme : Os quod mentitur, occidit animam, Sap., i, 11

Le Nouveau Testament ne procède plus autant par menaces contre le menteur, mais plutôt par exhortations à la parfaite sincérité. La morale chrétienne abhorre la duplicité et la déloyauté ; l’esprit du Christ est un esprit de droiture et de vérité. Il faudrait que les disciples de Jésus fussent tellement amis de la sincérité qu’une seule de leurs affirmations valût tous les serments. Matth., v, 37. Le mensonge vient du diable ; c’est lui qui, menteur dès le commencement, est le père du mensonge, Joa., viii, 44. Jésus, lui, dit la vérité ; il s’en fait gloire, Joa., viii, 40, et ses ennemis le reconnaissent, Matth., xxii, 10. Il n’est donc pas étonnant que saint Paul exige chez les disciples la parfaite droiture du Maître ; et c’est pourquoi il les met en garde contre le mensonge : « Renonçant au mensonge, parlez selon la vérité, chacun dans ses rapports avec le prochain, car nous sommes membres les uns des autres. » Eph., iv, 25. « N’usez point de mensonge les uns envers les autres, puisque vous avez dépouillé le vieil homme avec ses œuvres et revêtu l’homme nouveau. » Col., ni, 9. L’Apocalypse enfin, dépeint la gloire des sincères et maudit les menteurs : au ciel, ceux qui forment le cortège de l’Agneau sont ceux « dans la bouche desquels ne s’est pas trouvé le mensonge », xiv, 4 ; et, par contre les menteurs sont compris dans la malédiction qui atteint les grands pécheurs : « Dehors les chiens, les magiciens, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres et quiconque aime le mensonge et s’y adonne. » xxii, 15.

Ce que disent les Pères.

Des paroles si formelles

de l’Écriture devaient trouver leur écho dans la tradition chrétienne ; Jésus et les Apôtres ont trop nettement exigé l’esprit de droiture pour que les Pères aient pu ne pas condamner le mensonge.

On croit toutefois trouver chez eux une double tendance. Il y a les irréductibles, ceux qui considèrent le mensonge comme tellement blâmable en lui-même qu’on ne doit jamais se permettre de mentir, même de la manière la plus bénigne, même pour procurer le plus grand bien. Et il y a les modérés, ceux qui, tout en condamnant le mensonge et en réclamant la loyauté, admettent cependant certains mensonges que les circonstances semblent autoriser, que la vie sociale rend presque inévitables.

1. La tendance sévère est, à dire vrai, celle de la presque unanimité des Pères. Le représentant le plus autorisé est saint Augustin. Non pas qu’il affirme avec pleine certitude et sans hésitation que tout mensonge est condamnable. Il sait que la question est loin d’être claire. Il l’avoue au début de son livre De mendacio : Lalebrosa est enim nimis (quæstio) et quibusdam quasi cavernosis anfractibus sœpe intentionem quærentiseludil, ut modo velut elabalure manibus quod inoentunt erat, modo rursus apparent et rursus absorbeatur. P. I., t. xi., col. 187. Il répète la même constatation dans YEnchiridion : Hic difficillima et latebrosissima gignilur