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MENSING

MENSONGE

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C’était l’époque où Luther commençait à proclamer ses thèses novatrices. Mensing prit immédiatement parti contre lui. A Magdebourg, en 1522, il commença une campagne de prédication contre l’hérésie naissante. Il ne réussit d’ailleurs pas ; les luthériens étant devenus maîtres de la ville en 1524, il dut se retirer. Mensing avait alors pour protecteur le prince Georges d’Anhalt, encore catholique à cette date, et qui ménagea un refuge au fugitif dans le duché d’Anhalt à Dessau. Mensing y remplit les fonctions de prédicateur de la cour. C’est là qu’en 1526, il publia un ouvrage adressé à la noblesse de Saxe pour l’encourager à garder la foi catholique : Von dem Testament Christi unseres Herren und Seligmachers, s. I., 1526, in-4°, et un autre ouvrage directement contre Luther sur la messe : Von dem Opfjer Christi yn der Messe, s. 1., 1526. A la fin de cet ouvrage, Mensing prend à parti deux réformés, l’ancien franciscain Fritzhans et l’ancien prévôt d’Halberstadt, Ebenhard Weidensee. Cette polémique dura longtemps et Luther lui-même, qui y prit part, ne fut pas un des moins grossiers. Mélanchthon aussi l’attaqua. Mensing ne s’émut guère des colères qu’il soulevait et publia assez rapidement divers écrits assez considérables. Grundltiche unterrichte . Was eyn frommer Christen von der h. Kirchen, l’on der Vetern 1ère und h. schrift halten sol, ans gôtlichen Schrifften gezogen und beschweret, s. 1., 1528, in-4°. Bescheidl ob der Glaube alluijn on alte qute werke, dem mensehen genug sey zut seligkeyt, Leipzig, 1528, in-4°. Von der concomitantien und ob.I. Christus.. ym Særament seyns waren heyligen leibs und bluls volkommen sey, s. 1. (Francfort), 1520. Vormeldunge der unwahreneit lutherseher étage, die zu eyner beschônunge yres Ungehorsams : yre geivissen, Evange ! ium und Gottes wort… furivenden, mit antzeygunge, wie die Wellliche Oberkeit yn sachen die religion belangen, eyn au/ schn haben soll, Francfort, 1532, et enfin un ouvrage latin particulièrement’travaillé et dirigé contre Mélanchthon, V Antapologia, vers 1534.

Mensing a attaqué tous les points de la doctrine luthérienne, aussi bien les thèses sur la justification que celles sur la communion sous les deux espèces. Il a surtout porté son effort sur la théologie de l’Église et de la papauté. Il a compris que ce qui avait le plus besoin de réforme, c’était « les âmes des prêtres ». Il a reproché beaucoup au clergé de son époque de se complaire dans des historiettes miraculeuses ridicules et d’ignorer la théologie.

Pautermoneh, le moine de Paul, comme les luthériens appelaient Mensing par dérision, avait quitté la cour de Dessau en 1529 pour être professeur à l’université de Francfort. En 1534 il devint provincial des dominicains de Saxe et, en 1539, évêque auxiliaire d’Halberstadt. Il mourut vers 1540.

Paulus, Die deutschrn Dominikaner im Kampfe gegen Luther, Fribourg-en-B., 1903, p. 16-47 ; Hurter, Nomenclator, 3e edit., t. ii, col. 1426-1427 ; Mortier, Histoire des Maîtres généraux de l’ordre des frères prêcheurs, t. v, p. 471-473 ; Quétif-Echard, Scripiores ordinis prædicalorum, t. ii, p. 84, 85.

M.-M. Gorce.

    1. MENSONGE##


MENSONGE.-— On exposera d’abord la doctrine traditionnelle sur le mensonge ; on envisagera ensuite certains cas dans lesquels il est difficile d’appliquer intégralement la doctrine traditionnelle et qui ont porté des théologiens à la modifier de diverses manières.

I. Doctrine traditionnelle.

I. NOTION et espèces. — 1° Notion. On donne communément du mensonge la définition suivante : mentir, c’est parler contre sa pensée avec intention de tromper.

C’est parler ou employer d’autres moyens équivalents pour affirmer quelque choses, écrire, faire des

signes de tête ou autres. Le sens moral commun va même plus loin et appliquerait volontiers l’épithète de menteur à quiconque déguise sa pensée, manque de franchise, ne se montre pas ce qu’il est : l’hypocrisie, la dissimulation, la fourberie sont des formes larvées du mensonge.

Parler contre sa pensée, et non simplement contre la vérité : une affirmation objectivement fausse ne sera pas mensonge si celui qui affirme croit dire la vérité, non fallil ipse, sed fallitur, dit saint Augustin, Enchiridion, c. xviii, P L., t. xl, col. 240 ; et inversement on peut mentir tout en disant la vérité sans le savoir. Mais d’autre part, il s’agit d’une parole contraire à ce que l’on pense. Autre chose est parler contre sa pensée, et autre chose ne pas livrer toute sa pensée. La franchise défend à l’honnête homme d’affirmer ce qu’il croit faux ; elle ne lui ordonne pas d’étaler à la curiosité d’indifférents ou d’hostiles ses pensées intimes, ses sentiments ou ses projets ; il y a dans l’âme une portion réservée où tout le monde ne pénètre pas ; se confier à tous sans discernement ne serait plus de la franchise, mais une sotte et puérile naïveté.

Avec intention de tromper. C’est un des éléments qui font la malice du mensonge d’après le sens moral commun. On déteste le mensonge, parce qu’il trompe ceux qui le croient ; on perd confiance dans le menteur parce qu’il a abusé de cette confiance pour tromper. Et partout où cette intention de tromper fait défaut, le sens commun ne voit pas de mensonge. Des récils légendaires, des fables, des romans, des plaisanteries, des affirmations paradoxales ne sont pas des mensonges, parce que personne ne peut s’y tromper et que leur auteur veut, non induire ses auditeurs en erreur, mais les amuser, les intéresser ou les instruire. Le peuple ne verrait pas de mensonge dans la plaisanterie de « l’âne volant » qui scandalisait saint Thomas. Il ne voit pas davantage de mensonge dans certaines formules communément reçues et employées pour éviter poliment des visites importunes, pour écarter sans éclat des emprunteurs indiscrets ou pour se dégager de questions gênantes. Ce n’est pas mentir que.de répondre : je ne sais pas, à l’indiscret qui vous ennuie ; ou : je n’ai pas d’argent, au solliciteur qui vous obsède ; pas plus que de faire dire à un visiteur que Monsieur est sorti, ou d’assurer de son dévouement un correspondant qui vous est indifférent. On ne se trompe pas à de pareilles formules ; elles ne sont qu’une manière polie de se défendre contre des indiscrétions.

Cette notion commune du mensonge est traditionnelle chez les Pères et chez les théologiens. Il suffit de citer saint Augustin et saint Thomas.

Saint Augustin en donne diverses définitions qui. sous des formes variées, ont un sens identique, llle mentitur qui aliud habet in animo et aliud verbis vcl quibuslibcl siynificationibus enuntiat. De mendacio, 3. P. L., t. xl, col. 488. Nemo dubital mentiri eum qui volens falsum enuntiat causa jallendi ; quapropler enuntiutionem fedsam cum voluntate ad fallendum prolatam mani/estum est esse mendacium., Ibid., 5, col. 491. Mendacium est falsa significatio cum voluntate fallendi. Contra mendacium, 26, ibid., col. 537. Omnis qui mentitur contra id quod animo sentit loquitur cum voluntate fallendi. Enchirid., c. xxii, ibid., col. 243.

Saint Thomas ne s’écarte pas de cette définition, tout en analysant davantage le concept de mensonge. Il y a, dit-il, dans le mensonge trois éléments : une fausseté matérielle, qui est l’opposition entre la parole et la pensée ; une fausseté formelle, à savoir la volonté de dire autre chose que ce que l’on pense : une fausseté effective, l’intention de tromper. Ce dernier élément n’est pas essentiel au mensonge. pertinet ad perfectionem mendacii, non autem ad speciem efus. De sorte que le mensonge se définirait ainsi :