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MÉLITON DE SARDES


du début de la 1° ; mais la fin de celle-ci est une amplification du thème développé au début ; quant à la 4 e, la façon dont elle compare le texte grec à l’hébreu et au syriaque ne convient guère à l’Asiate Méliton ; cette scolie est d’ailleurs attribuée en d’autres mss. à Eusèbe d’Émèse.

Supplément à la liste d’Eusèbe.

1. Nous avons

mentionné plus haut le Ilept. aapxwæcot ; Xpiatoù Sur l’incarnation du Christ, attribué par Anastase le Sinaïte à Méliton et qui pourrait bien n’être pas différent du II. ysvéaeco ; X. — 2. Le même Anastase, Hod, xii, P. G., t. lxxxix, col. 197 A, rassemblant les témoignages patristiques à opposer aux Gaianites, en cite un « de Méliton de Sardes, du sermon sur la passion, èx toù Xôyou toC £’. ; ~b Tràôoç. » Cette citation d’une ligne est importante pour l’histoire des doctrines : ’0 0sô ; — sttovŒv û-ô Ssv-âç’Iffpa^ÎTiSoç. Il doit s’agir d’un traité antignostique ou antimarcionite sur la réalité de la passion du Christ. Or un ms. syriaque, British Muséum, cod. nitr. 12 156, fol. 70, contient à la suite deux fragments attribués à Méliton, évêque de Sardes, le I e’ex tractatu de anima et corpore, le 2e ex sermone de cruce, puis, fol. 76, un 3e Melitonis episcopi de fide, enfin, fol. 77, un 4e Melitonis episcopi urbis Alticee, ex sermone de passione. Texte syriaque dans AV. Cureton, Spicilegium syriacum, frag. 1-3, p. 31-33 ; frag. 4, p. 49-50 ; trad. latine dans Otto. op. cit., p. 419-423. Ces fragments se retrouvent soit dans ce même ms., soit en d’autres attribués à divers auteurs, en particulier à Alexandre d’Alexandrie († 328). Bien que rapportés par le ms. à des ouvrages divers, ils ont bien l’air de faire partie d’un développement unique où l’orateur (car il s’agit à coup sûr d’un sermon), met en une vive opposition les attributs divins du Christ et les abaissements de sa passion. D’une étude attentive de la tradition manuscrite, G. Kriiger a conclu qu’ils faisaient partie d’un seul écrit de Méliton, intitulé rspi <iuyv)ç, xocl aiô^ocToç xai eîç to TziQoç, qu’Eusèbe a connu et qu’ont utilisé Hippolyte et Alexandre d’Alexandrie. Cf. Zeitsch. jùr wissensch. Théologie, 1888, t. xxxi, p. 434-448. Harnack s’est arrêté à cette conclusion.

3° Ouvrages faussement attribués à Méliton. — 1. L’apologie syriaque. — En 1855, W. Cureton, d’une part, et E. Renan, de l’autre, ont publié, le premier avec une traduction anglaise, le second avec une traduction latine, un texte syriaque, provenant du ms. Syr. addit. 14 652 du British Muséum, et qui se donne comme « le discours du philosophe Méliton prononcé devant Antonin César ». Il s’agit d’une courte apologie de la religion chrétienne, qui débute par une vive attaque contre les superstitions païennes, se poursuit par une pressante invitation à embrasser la foi au vrai Dieu, quels que puissent être les préjugés ou même les difficultés qui se rencontreront. Un souverain n’est-il pas maître d’imposer sa volonté ; quels services ne rendrait-il pas à sa dynastie en se convertissant ! — Le thème, on le voit, est très différent de celui que développent les autres apologies du iie siècle adressées aux empereurs. Il ne s’agit pas d’amener un souverain à laisser la liberté de conscience à ses sujets, mais bien de l’entraîner lui-même au christianisme, qu’il imposerait par la suite à son peuple.

Le premier mouvement des critiques, après la publication de ce texte, fut de le considérer comme l’apologie de Méliton mentionnée par Eusèbe. Mais une première objection se présentait : des trois fragments cités par l’Histoire ecclésiastique, aucun ne se retrouve dans le texte syriaque, qui pourtant semble bien ne présenter aucune lacune ; par ailleurs, l’apologie syriaque semble bien être non une traduction, mais un texte original : certaines allusions à des usages religieux se réfèrent à la Syrie du Nord et à la région

DICT. DE THÉOL. CATH.

euphratésienne. Tout cela empêche de considérer l’Asiate Méliton comme l’auteur de cette curieuse pièce. Sur ce point tous les critiques sont aujourd’hui d’accord. Quant à pouvoir découvrir l’auteur de cette apologie, c’est une autre affaire. Th. Ulbrich a dépensé beaucoup d’ingéniosité pour en faire le résumé d’une allocution de Bardesane au roi d’Édesse, Abgar IX, lequel effectivement se convertit au christianisme. Cette thèse nous paraît bien peu solide ; mieux vaut savoir ignorer.

2. La clef. — La liste d’Eusèbe contient un ouvrage intitulé La clef, t) xXeîç, sur la nature duquel on est réduit à des conjectures. Sur des indications de critiques du xviie siècle, Pitra, après de longues recherches, crut découvrir une traduction latine du texte en un ms. de là Bibliothèque de Strasbourg (détruit à l’incendie de 1870). Il publia cette version en 1855 dans le Spicilegium Solesmense, t. h. C’est un dictionnaire des sens allégoriques de l’Écriture, rangés non dans l’ordre alphabétique, mais d’après le sujet. Mais on eut vite fait de démontrer que ce texte latin était non une traduction, mais un original datant du Moyen Age, utilisant saint Augustin et saint Grégoire le Grand. Cette question, qui suscita d’assez vives polémiques, est aujourd’hui définitivement réglée.

3. De transitu B. Mariée. — Une des recensions latines de cet apocryphe dont il a été question, t. v, col. 1638, se donne comme de Melito servus Christi, episcopus ecclesise Sardicensis, qui, en sa qualité de disciple de Jean écrit aux « frères habitant Laodicée ». Texte dans Tischendorf, Apocalypses apocryphes, Leipzig, 1866, p. 124-136. Cette indication même semble, comme le prologue tout entier, être d’origine latine, et dater de l’époque où les récits apocryphes relatifs à l’assomption ont commencé à circuler en Occident. On sait que le Décret dit de Gélase proscrit le Liber qui appellatur transitas id est assumptio S. Mariée, mais sans parler de Méliton.

4. De passione S. Joannis evangelistee. — Le nom de Méliton évêque de Laodicée (sic) se lit également en tête d’une passion de saint Jean, qui a été publiée dès le xviie siècle, puis dans Fabricius, Cod. apocr : N. T., t. m b, p. 604-623 et, plus récemment, en 1875, dans la Bibliotheca Casinensis, t. n b, p. 66-72. Méliton expose, dans le prologue, la doctrine impie de Leucius, qui a écrit les actes des apôtres, Jean, Thomas et André : De virtutibus quidem plurima vera dixit, de doctrina vero mulla menlitus est ; ceci pour expliquer le travail auquel il s’est livré : expurger les Actes de Jean des fausses doctrines, tout en conservant leur récit. Th. Zahn a bien montré qu’il s’agissait ici d’un remaniement de l’histoire de Jean, racontée par les Acta Johannis de Leucius, Acta Joannis, Erlangen, 1880, p. xvii sq.

5. Catena in Apocalypsim. — Un ms. de la Bibliothèque universitaire d’Iéna, n. 142, contient une chaîne sur l’Apocalypse introduite par cette notice, Incipit liber Milolhonis super apokalypsim b. Ioannis apostoli, qui a été imprimée à Paris en 1512, mais sans le nom de Méliton. Cet écrit de date très tardive, prouve au moins, chose surprenante, que le nom du vieil évêque de Sardes n’était pas complètement inconnu à la fin du Moyen Age ; cette compilation daterait en effet des débuts du xive siècle.

Conclusion. — Débarrassée de toute cette végétation parasite, l’œuvre de Méliton se réduit donc pour nous à bien peu de choses, et il faut beaucoup d’ingéniosité pour se risquer à écrire une notice sur la théologie de Méliton. Le seul point qu’il convienne de relever, c’est la précision remarquable pour l’époque de sa doctrine christologique. Les fragments conservés par Anastase le Sinaïte, d’une part, les débris, assez importants du sermon sur la passion, d’autre part,

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