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MÉLÈCE DE LYCOPOLIS


mont la persécution, dont Pierre avait espéré qu’elle allait s’adoucir, reprend avec plus de violence. C’est alors que sont incarcérés l’évoque Philéas et ses compagnons qui ne tarderont pas à être exécutés. Mélèce circule en Egypte, ordonnant à divers endroits des gens de son bord, sans doute rigoristes comme lui. Si dans Alexandrie même il ose se permettre d’excommunier les vicaires de Pierre, lequel pour lors était caché, c’est qu’il a déjà rompu la communion avec l’archevêque. Bref il nous apparaît dès ce moment comme l’organisateur d’une Église schismatique, qui se faufile partout où elle peut trouver place libre.

Au rapport du garant d’Épiphane, Mélèce, à quelque temps de là, est arrêté lui aussi et finalement envoyé aux mines de Phæno. Nous savons que c’est à partir d’avril 307 que la peine des travaux forcés remplaça, pour les chrétiens, la peine de mort. C’est vraisemblablement alors que Mélèce aurait procédé aux ordinations, dont se plaint la lettre de l’archevêque Pierre. La notice d’Épiphane renferme, sur les discussions auxquelles donna lieu, parmi les malheureux forçats, l’agitation de Mélèce, des détails révélateurs. Ibid., n. 3 à la fin, col. 188-189. En 311, tout ce monde était relâché ; incapables de s’entendre dans les misères communes, on pense si les confesseurs étaient prêts à se réconcilier après leur libération. Un peu partout il se forma en Egypte, en regard de la hiérarchie dépendant de Pierre d’Alexandrie, une hiérarchie qui reconnaissait.Mélèce pour auteur et pour chef. Sur ces entrefaites Pierre qui avait déposé celui-ci en synode, cf. Socrates, I, vi, P. G., t. lxvii, col. 53 A, et Athanase, Apol. conl. arian., 59, t. xxv, col. 356, fut enlevé par le sursaut de persécution de la fin de 311. Il fallut quelque temps pour élire à sa place Achillas, qui ne dura qu’un an et fut remplacé en 313 par Alexandre. Ces changements de personnes ne semblent pas avoir modifié l’attitude de Mélèce par rapport à l’Église établie. Il continua à se considérer comme l’archevêque de « l’Église des martyrs ». « Désignation singulière, fait observer L. Duchesne, car enfin Philéas et ses compagnons, et l’évêque Pierre lui-même, censés patrons des apostats, avaient donné leur vie pour la foi, tandis que Mélèce, revenu des mines, finit par mourir, dans son lit. » Hist. anc. de l’Église, t. ii, p. 100. Cette Église semble avoir eu quelque importance, et saint Athanase accusera plus tard les mélétiens d’avoir créé à ses prédécesseurs de graves difficultés.

II. Le concile de Xicée et les mélétiens. — Quand il vint à Alexandrie vers 324 pour tenter d’y rétablir la paix, Hosius de Cordoue se préoccupa non seulement des difficultés soulevées par Arius, mais encore de l’affaire mélétienne. Eusèbe, Vita ConsL, ii, 62-63 ; iii, 4, P. G., t. xx, col. 1036, 1057. Cela ne veut pas dire d’ailleurs que les deux partis eussent dès ce moment partie liée ; il paraît au contraire qu’il y avait plutôt antagonisme entre Arius et l’Église mélétienne. Au début, sans doute, voir col. 532, Arius encore laïque avait appuyé Mélèce ; mais il n’avait pas tardé à faire sa soumission à Pierre dont il avait plus tard reçu le diaconat. Toutefois il conservait assez le sens exact des réalités pour s’opposer à une mesure arbitraire que voulait prendre l’archevêque. Celui-ci avait déclaré nuls les baptêmes conférés par le clergé mélétien. L’opposition que fit Arius le brouilla avec Pierre, qui l’aurait excommunié ; sous Achillas, qui ne persévéra pas sans doute dans l’attitude de son prédécesseur, Arius revint en faveur et fut élevé à la prêtrise. Voir sur toute cette affaire Sozomènc, H. E., I. xv. P. G., t. lxvii, col. 905 A. Nous ignorons ce que fut. dans les années qui suivirent, l’attitude de l’Église mélétienne. Le garant d’Épiphane, Hærcs., lxviii, insiste à plusieurs reprises sur le scrupule qu’avait

Mélèce de garder l’orthodoxie ; à l’en croire, ce serait lui qui aurait surpris Arius en flagrant délit d’hérésie, et l’aurait dénoncé à Alexandre. Ibid., n. 4, cf. i.xix, 3, col. 189 B, 208 A. Mais, quelle que fût la pureté de la foi mélétienne, il y avait intérêt à étouffer un schisme qui partageait entre deux obédiences les catholiques d’Egypte. Hosius n’ayant pu arranger cette affaire dans sa visite à Alexandrie, elle revint devant le concile de Nicée en 325. L’assemblée fut d’accord pour juger fort sévèrement la conduite schismatique de Mélèce ; elle pensa néanmoins que, pour en finir avec la discussion, la douceur valait mieux que la violence ; peut-être aussi voulut-elle témoigner quelque gré à Mélèce de son attitude loyale au moment où avait éclaté l’affaire d’Arius. Toujours est-il que les mesures prises par le concile à l’égard de Mélèce et de son Église sont empreintes de la plus grande bienveillance.

Ces mesures sont édictées dans une lettre synodale adressée aux chrétiens d’Alexandrie et que Socrates nous a transmise. H. E., i, ix, P. G., t. lxvii, col. 77 sq. ; cf. Théodoret, H. E., i, viii, t. lxxxii, col. 932. On distinguait le cas personnel de Mélèce et celui de ses ressortissants. Après avoir déclaré que le premier n’était digne d’aucune pitié, on lui concédait néanmoins qu’il pourrait demeurer dans sa ville de Lycopolis avec le titre d’évêque, mais avec défense de faire aucune ordination, ni aucune élection, |i.ï]xe y eipoGeTeïv [xr)Te 7rpoxetpî^£CT0ai, soit à Lycopolis, soit en aucune ville ou bourgade. Quant à ceux élevés par lui aux divers ordres ecclésiastiques, moyennant une imposition des mains plus mystique, y.<jaziKC>-cépx xetporovta Pe6atco6Év-£ç, ils pourraient continuer à faire les fonctions de leur ordre (en communion avec les catholiques), mais dans le clergé ils prendraient rang après les clercs (de même ordre) de la hiérarchie régulière. (Ce n’est pas le lieu de discuter ici le sens, si vivement débattu de l’expression, [xuaTixcoTépa /siporovia ; voir l’art. Réordination.) Défense expresse leur était faite de procéder à une élection sans l’aveu de l’évêque catholique, en communion avec l’évêque d’Alexandrie. Ainsi il pourrait y avoir dans une même Église d’une part l’évêque et les clercs catholiques et un évêque et des clercs mélétiens « à la suite ». Au cas où l’évêque catholique ou tel clerc en situation viendrait à décéder avant l’évêque ou le clerc mélétien, ces derniers, pourraient être choisis à leur place, moyennant élection unanime du peuple et ratification^de l’évêque d’Alexandrie.

En même temps, par son canon 6, le concile confirmait le droit traditionnel de l’évêque d’Alexandrie sur toute l’Egypte, la Libye et la Pentapole (Cyrénaïque), sans qu’il eût à tenir compte des divisions civiles. Cette prescription semble bien viser directement le cas de Mélèce, lequel, suivant les indications d’Épiphane, prétendait se considérer comme l’archevêque de la Thébaïde, et, en cette qualité, avoir le second rang après le titulaire d’Alexandrie. Le canon 6 rappelle que la juridiction de ce dernier sur toute l’Egypte et les provinces avoisinantes est une juridiction immédiate. En somme, le plus clair résultat du schisme mélétien aurait été d’affermir la situation déjà si forte du « pape » d’Alexandrie.

III. Histoire ultérieure du schisme.

Comme les donatistes avec qui ils offrent plus d’un trait de ressemblance, les mélétiens ne s’inclinèrent pas sans protester devant la décision, pourtant si libérale, du concile. Us importunèrent Constantin de leurs réclamations, et celui-ci se prêta, comme dans le cas du donatisme, au rôle d’arbitre, convoqua les chefs de parti, et s’employa à les réconcilier. Cf. Eusèbe, Vila Conslantini, iii, 23, P. G., t. xx, col. 1084. C’est à ce moment sans doute que les mélétiens venus à la cour entrèrent en relation avec Eusèbe de Nicomédie,