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MÉLÈCE D’ANTIOCHK — MÉLÈCE DE LYCOPOLIS


dans celle de Mélèce et à travailler de concert avec lui à la pacification religieuse de l’Orient. Seules des questions de personne ont empêché cette alliance de se réaliser. Mais le seul fait que l’évêque d’Alexandrie l’ait crue possible témoigne assez qu’il ne percevait aucune opposition foncière entre la pensée de Mélèce et la sienne.

. Et quant à la question des rapports de Mélèce avec Rome, il faut se garder d’en juger en les rapportant à nos conceptions actuelles de l’Église et de la hiérarchie des pouvoirs. L’autonomie très réelle dont jouissaient à cette époque les grands sièges épiscopaux n’excluait pas, tant s’en faut, la reconnaissance de la suprématie romaine. Tous les efforts de saint Basile pour amener Rome à exprimer clairement qu’elle est en communion avec Mélèce ne témoignent-ils pas de l’importance que —l’Orient attachait à cette communion ? Paralysé par les multiples difficultés intérieures où il se débattait, retardé par les renseignements incomplets ou même inexacts qu’il recevait, le pape Damase ne se pressait pas de faire la démarche si ardemment demandée par Basile. Mais il n’exprimait pas non plus qu’il retranchait Mélèce de sa communion ; finalement, et avant le concile de Constantinople, l’Occident et Rome signifiaient qu’ils acceptaient le fait accompli, la coexistence provisoire des deux évêques, avec l’espoir que cette situation anormale prendrait bientôt fin. Où voit-on que les questions de principe soient ici en cause ? et comment ne pas reconnaître ici, tout simplement, un de ces nombreux problèmes dont il faut attendre la solution du temps, et aussi de la bonne volonté et de la souplesse des hommes ?

Une bibliographie complète du schisme mélétien serait énorme, tant cette histoire a eu de ramifications. On en trouvera une esquisse dans F. Cavallera, Le schisme d’Antioche (IV’-V’siècle), Paris, 1905, p. xm-xix, et aussi p. 1031, essai de classification et de discussion des sources. A compléter par une courte étude d’Ed. Schwartz ; Zut Geschichle des Athanasius, ii, publiée dans les Nachrichlen non der k. Gesells. der Wissensch. de Gœttingue, 1901, p. 356-391, a laquelle nous avons cru devoir emprunter quelques suggestions. Postérieurement ont paru L’histoire ancienne de l’Église de L. Duchesne, Paris, 1907, t. ii, passim, et Le Siège apostolique, de P. Batifol, Paris, 1924 ; cf. p. 82-144 ; 267-281. Pour la question des rapports a. — ec Rome, le point de vue anglican est donné par F. W. Puller, The primitive Saints and the See o/ Rome, 1893, p. 163 sq.

É. Amann.
    1. MÉLÈCE DE LYCOPOLIS##


2. MÉLÈCE DE LYCOPOLIS, (iv siècle), ainsi nommé du nom de la ville de Haute-Egypte dont il était évêque, est connu comme l’auteur d’un schisme, appelé le schisme mélétien ou mélitien d’Egypte, qui eut de l’importance au cours du iv siècle.

I. Les origines du schisme. IL Le concile de Nicée et les mélétiens. III. Histoire ultérieure du schisme.

I. Les origines du schisme mélétien. — Le plus ancien document qui nous parle de Mélèce est une lettre écrite par quatre évêques égyptiens, Philéas, Hésychius, Pacôme et Théodore, incarcérés en 306 pendant la grande persécution. Dans leur prison ils ont appris que, prétextant la disparition des pasteurs réguliers, Mélèce s’est arrogé le droit d’ordonner des évêques et des prêtres. S’adressant à lui, ils le conjurent de cesser cette pratique, lui remontrent combien elle est contraire à la législation canonique, préjudiciable au vrai bien de l’Église, attentatoire aux droits de Pierre, l’archevêque d’Alexandrie.

Dans le ms. qui l’a conservée, cette lettre est suivie d’un bref résumé historique. Il indique que Mélèce, ayant reçu la missive, la jeta, et ne se soucia de faire visite ni à Pierre, ni aux signataires de la lettre, toujours en prison. Ces derniers d’ailleurs ne tardèrent pas à souffrir le martyre avec leurs prêtres et leurs

diacres. Peu après Mélèce arriva à Alexandrie, et s’y mit en rapport avec deux personnages assez intrigants, l’un nommé Isidore, l’autre Arius (selon toute vraisemblance il s’agit du futur hérésiarque), désireux de faire pièce à l’archevêque. Ils lui indiquèrent la retraite où se cachaient les deux vicaires que Pierre avait désignés pour le remplacer à Alexandrie ; Mélèce s’y transporta et les excommunia, puis (on ne dit pas après combien de temps) il ordonna pour les remplacer deux confesseurs, l’un qui était en prison, l’autre qui était aux mines. Texte dans P. G., t. x, col. 1565-1568 ; cf. un texte meilleur, malheureusement incomplet, donné par P. Batiffol, dans Byzaniinische Zeitschri/t, 1901, t. x, p. 131.

A cette nouvelle, continue le fragment historique, . Pierre publia une lettre dont le texte est donné. Considérant l’arrogance de Mélèce, l’archevêque prescrivait à tous les fidèles d’éviter la communion de celui-ci jusqu’à plus ample informé. Texte dans P. G., t. xvi, col. 509, et mieux dans Batiffol, loc. cit. —’Ainsi, d’après le document en question, durant que la persécution éloignait de leurs résidences nombre de pasteurs, l’évêque de Lycopolis, Mélèce, s’était mis en tête de remplacer les absents, sans aucun égard des droits ni de ceux-ci, ni du « pape » d’Alexandrie, lequel, suivant une coutume immémoriale, ordonnait tous les évêques d’Egypte. La lettre des pasteurs incarcérés est très claire à ce sujet. Le fragment historique qui la relie à l’encyclique de Pierre et qui parle des agissements de Mélèce à Alexandrie est plus obscur ; le texte en est d’ailleurs en fort mauvais état. On ne comprend pas bien, en particulier, comment pour remplacer les deux vicaires généraux de Pierre, jugés par lui inégaux à leur tâche, Mélèce ordonne deux confesseurs, l’un prisonnier, l’autre forçat. Cette qualité ne devait pas faciliter aux nouveaux élus l’accomplissement de leur mission. Aussi faut-il, croyons-nous, supposer avec Ed. Schwartz, que le fragment glisse sur un épisode qui s’est passé entre temps : l’arrestation de Mélèce et sa condamnation aux mines, que nous connaissons par ailleurs. C’est en ces conjonctures que Mélèce aurait créé les prêtres en question.

Aussi bien, à en croire le document à l’aide duquel saint Épiphane a construit sa notice relative aux mélétiens, Hæres., lxviii, P. G., t. xui, col. 184-201, une rivalité avait mis aux prises Pierre et Mélèce antérieurement aux événements dont témoigne la lettre des quatre évêques. Débarrassée des inexactitudes évidentes dont elle fourmille, la notice indique qu’une divergence de vues s’était produite en Egypte sur la réconciliation des lapsi. Tandis que Pierre inclinait vers l’indulgence, un parti groupé autour de Mélèce, et qui se réclamait de l’avis des « martyrs », protestait qu’il ne fallait procéder à aucune admission à la pénitence avant la fin de la tempête. Ibid., n. 2. L’indulgence précipitée était une prime à l’apostasie, et risquait d’entraîner à des lâchetés ceux des confesseurs qui attendaient leur comparution dernière devant les juges.

Or nous savons par ailleurs qu’à Pâques 306 Pierre avait publié en effet une encyclique où il réglait par le détail les diverses questions relatives aux lapsi. Texte dans P. G., t. xvi, col. 467-508. Comme cette lettre ne renferme pas la moindre allusion à des manœuvres schismatiques, il faut penser que l’agitation mélétienne n’avait pas encore commencée, mais qu’elle fut justement provoquée par la lettre même de Pierre. On en mettrait donc les débuts en 306, ce qui concorderait avec une indication donnée par saint Athanase, Encycl. ad ep. ^Egypti et Libyee, n. 22, P. G., t. xxv, col. 589, suivant laquelle les mélétiens ont été déclarés sclùsmatiques dix-neuf ans avant que les ariens fussent déclarés hérétiques à Nicée. A ce mo-