Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/270

Cette page n’a pas encore été corrigée
521
526
MÉLÈCE D’ANTIOCHE


Rome, passera au service des adversaires de Mélèce. S’il est vrai qu’Athanase ne manifesta jamais une animosité spéciale à l’endroit de l’évêque d’Antioche, son successeur Pierre, élu en 373, ne manquera aucune occasion de présenter au pape Damase Mélèce et ses amis comme des hérétiques.

Or rien n’était plus inexact. Tout l’effort de Mélèce, au contraire, depuis 363, tendait à regrouper les orthodoxes, à leur adjoindre ceux qui, dans les années précédentes, étaient tombés par faiblesse ou par préjugé, à former, en définitive, ce parti nouveau qui, acceptant les décisions de Nicée, les expliquant par certaines précisions devenues nécessaires, devait finalement triompher de toutes les tendances arianisantes. Cette œuvre commençait à un concile réuni à Antioche à l’automne de 363, au moment même où Athanase, qui malheureusement n’y put prendre paît, était encore dans la ville. On y vit figurer, aux côtés de Mélèce, Acace et plusieurs de ses amis. Socrates, III, xxv ; Sozomène, VI, iv. P. G., t. lxvii, col. 452 B ; col. 1302 C. Mélèce leur fit signer une confession de foi confirmant celle de N’icée, acceptant l’homoousios, en tant qu’expliqué par l’homoiousios, et faisant des trois hypostases le complément utile, nécessaire même, de la formule nicéenne. Il convient d’ajouter que de vieux orthodoxes trouvèrent fort mauvaises ces explications ; un pamphlet anonyme ne tarda pas à circuler sous ce titre : Réfutation de l’hypocrisie des amis de Mélèce et d’Eusèbe de Samosale sur l’homoousios, s/îy/oç ttjç û— oy.pîaewç xàv uspl MeXÉTiov xal E’jctéoiov tôv Sap.oaaTsa xaxà toO ôp.oouaLou ; il figure parmi les œuvres d’Athanase, P. G., t. xxviii, col. 85-88.

On sait comment ce regroupement des forces orthodoxes aboutit en 366 à la réconciliation avec le pape Libère d’une bonne partie de l’épiscopat oriental. "Voir art. Libère, t. ix, col. 636 au bas. Il est remarquable néanmoins que le nom de Mélèce ne figure pas dans la liste des évêques, qui avaient député à Rome Eustathede Sébaste et ses deux collègues, et auxquels le pape accorda la communion romaine. Jafîé, Regesta, n. 228. F. Loofs, art. cit., en tire la conclusion que la défiance des homéousiens (ce sont des gens de cette nuance qui ont fait à Rome la démarche en question) persistait encore à l’endroit de Mélèce, toujours classé par eux parmi les homéens. Ce n’est pas impossible : ces questions d’amitiés et de groupements ont joué un grand rôle en toutes ces affaires. L’absence de Mélèce à Tyane et sur la liste des évêques avec qui Libère entra en communion peut néanmoins s’expliquer autrement. F. Cavallera estime, op. cit., p. 135, que, m Mélèce n’était pas à Tyane, c’est peut-être qu’il était encore exilé : il fait observer de plus qu’il s’y trouvait de ses amis, signataires du concile d’Antioche de 363. Voir la note H : Les adhérents de Mélèce, I). 209, 210. De fait, quand saint Basile, en 371, entreprendra de faire reconnaître Mélèce par Athanase, il tirera cette conclusion de la lettre apportée de Rome par Sylvain de Tarse, que les Occidentaux ont reconnu le bon droit de Mélèce. Epist., lxvii, dernières lignes, P. G., t. xxxii, col. 128 B. Avouons pourtant que cela aurait pu être plus explicite, et que l’on ne peut affirmer que cette reconnaissance était dans les intentions de Rome.

2° Basile et Mélèce. Les négociations avec Rome. — C’est si vrai, que, pendant près de dix ans, les démarches se multiplieront pour faire admettre par le pape le bon droit de Mélèce. Sans doute le remplacement de Libère par Damase (366-381) a pu changer les dispositions du Siège romain à l’endroit de l’évêque d’Antioche. Le fait aussi que Damase a été renseigné sur les affaires de l’Orient à peu près exclusivement par des adversaires de Mélèce, explique l’attitude plus que

réservée du pape à l’égard de celui-ci. Tout cela ne se comprendrait pas néanmoins si, dès 366, on avait à Rome considéré Mélèce comme un ferme représentant de l’orthodoxie, et comme le seul évêque légitime de l’Église antiochienne.

Mais cette cau : e va être prise en main par saint Basile lui-même, ordonné évêque de Césarée de Cappadoce en 370. Devant le renouveau de Ja persécution homéenne qui, après un premier essai en 365 (Mélèce avait été exilé de 365 à 367), reprenait plus active que jamais en 370 (Mélèce est de nouveau exilé en 371), Basile estime qu’il faut tout d’abord faire l’union de tous les orthodoxes. A cette condition seule l’Église d’Orient pourra obtenir l’appui de l’Occident et l’intervention de Valentinien auprès de son frère Valens. Et dans la capitale de l’Orient, l’union ne peut se faire qu’autour de Mélèce ; pas un seul instant Basile n’envisage la possibilité de la reconnaissance de Paulin. Et si l’on songe aux susceptibilités de l’orthodoxie de Basile, il faut bien conclure qu’il a reconnu en Mélèce, quoi qu’il en fût de ses antécédents, un ferme soutien de la foi nicéenne. D’ailleurs les exils successifs de l’évêque d’Antioche, en 360, en 365, en 371, exils auxquels il est condamné par Constance et par Valens, n’étaient-ils pas une garantie de la pureté de son orthodoxie ? Si, jadis, il avait été l’ami d’Acace, la communauté des souffrances le rapprochait maintenant des néo-nicéens.

Cette confiance de Basile ne se démentira jamais. Elle l’engage, dès 371, dans une première négociation avec Alexandrie pour la reconnaissance de Mélèce. Epist., lxvi, lxvii, lxix, P. G., t. xxxii, col. 424 sq. Athanase répond à cette démarche en envoyant un prêtre de son Église pour s’entendre avec Basile. Celui-ci décide alors de dépêcher à Rome même, un diacre de Mélèce, Dorothée. Il supplierait le pape d’envoyer sur place des personnages qui ramèneraient à l’unité les Églises et « feraient connaître très exactement au pape ceux qui étaient la cause du trouble afin qu’il sût avec qui, à l’avenir, il conviendrait d’entrer en communion ». Epist., lxx, col. 433-436. Cette demande sera inlassablement répétée par Basile au cours des années suivantes : que Rome se renseigne plus exactement sur l’état des choses en Orient, qu’elle n’accorde sa communion qu’à bon escient. LIne enquête faite sur place par des personnages qualifiés ne pourra que démontrer le bon droit de Mélèce, les torts réels de Paulin, les graves suspicions qui pèsent sur l’orthodoxie de ce dernier, quand seront révélées certaines de ses amitiés. Toutes ces idées se retrouvent dans une lettre rédigée par Mélèce en 372, et qu’il proposa, avant de l’envoyer à Rome, à la signature d’un grand nombre de ses collègues. Elle figure parmi les lettres de saint Basile, Epist., xen, col. 477-484.

Il s’en faut que Basile ait d’abord obtenu gain de cause. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des longues et difficiles tractations qui lassèrent à plusieurs reprises la patience de l’évêque de Césarée, et lui arrachèrent sur l’attitude du pape Damase des appréciations plus que sévères. Cf. surtout Epist., ccxv, col. 792. A Rome, en effet, on ne semblait pas se rendre un compte exact de la situation ; de plus en plus, on considérait Mélèce et son groupe comme des gens plus ou moins suspects, qui seraient trop heureux de se réunir à l’Église en souscrivant des formulaires et en renonçant à leurs prétentions. C’est ce qui transparaît clairement dans plusieurs documents romains dont Ed. Schwartz nous paraît avoir donné la véritable exégèse, loc. cit., p. 365 sq. Le premier est une synodique d’un concile romain, probablement de 372, qui répond à la première démarche de Basile, et paraît bien lui opposer une fin de non-recevoir.