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MARONITE (ÉGLISE), DOMINATION DES MAMLOUKS


églises souvent monumentales, ensuite les forteresses qui couvrent le pays. » H. Lammens, La Syrie, t. I, p. 2.Ï1-262. Les maronites ne restèrent pas étrangers à cette activité artistique. « j.es églises de Ilattoun, Meïphouq, Ilelta, Scheptïn, Toula, Bliadidat, Ma’ad, Khoura, Semar-Jebaïl appartiennent à un art syrien, issu du byzantin, et elles offriront un curieux sujet de recherches à celui qui entreprendra l’étude de l’archéologie syrienne médiévale du Liban. Hattoun et Meïphouq possèdent, en outre, des inscriptions syriaques dont une nous donne la date de la construction de Notre-Dame de Meïphouq, où elle se trouve, et qui fut terminée en 1276. L’église de Ma’ad, ainsi que celles île Bliadidat, de Kafar Schleiman et de Naous renferment des peintures syriennes bien conservées, et d’un grand intérêt, car, de leur étude résultera, dit M. R’enan, un complément important à l’histoire de l’art byzantin. » Rey, Les colonies jranqu.es de Sijrie, p. 79 ; cf. Renan, op. cit., p. 240, 252-253 ; H. Lammens, Le Liban, t. i, p. 81-99. L’église de Bliadidat, dit Renan, « est digne d’attention. Elle est ancienne, et les peintures dont elle est ornée à l’intérieur peuvent passer pour un des spécimens les plus précieux de l’art syrien. On y distingue surtout des chérubins portant le trisagion en beau caractère estranghélo. » Op. cit., p. 236.

— Ajoutons encore à ces églises celles de Reschkida, de’Abdelleh, de Schàmàt, d’Eddé et de Saint-Georges d’Ehden. Lammens, Le Liban, t. i, p. 84, 85, 87, 89, 90, 91 ; Renan, p. 227, 229, 234.

Ces indications suffisent pour montrer l’importance de l’évolution à laquelle donna lieu le contact des Croisés.

La chute de Jérusalem (1244) détermina l’entrée en scène de saint Louis, roi de France. La figure de Louis IX reste très populaire parmi les maronites, et le souvenir de son passage en Syrie est entouré, maintenant encore, de touchantes et prestigieuses légendes. Ristelhueber, op. cit., p. 73-76. En 1254, saint Louis se décida à rentrer en France. Les principautés chrétiennes se trouvaient alors dans un état fort précaire : son départ marqua le début de leur rapide disparition. Les Francs formaient déjà au Liban u.i groupe très nombreux ; leurs compatriotes que refoulait l’invasion ennemie vinrent les y rejoindre. Ils accouraient vers les montagnes, persuadés qu’ils trouveraient un cordial accueil auprès des maronites. De fait, ceux-ci ne manquèrent pas de répondre à leur confiance ; ils leur offrirent la plus large hospitalité. Alexandre IV rend témoignage au dévouement des maronites en cette occasion. (Cité par Benoît XIV dans l’allocution conslstoriale du 13 juillet 1744.) Les Francs, ayant organisé au Liban un centre de défense, essayèrent d’y tenir. Mais leur résistance ne put se prolonger longtemps. La colère du sultan d’Egypte, Baïbars, sévit contre les montagnards. En 1267, le Haut-Liban fut désolé par les incursions de ses troupes. « Les troupes, raconte Makrizi (historien arabe, 1364-1442), forcèrent plusieurs cavernes et vinrent présenter au sultan les prisonniers et le butin. Ce prince commanda de décapiter les captifs, de couper les arbres, de démolir les églises. » Cité par le P. Goudard, La sainte Vierge au Liban, p. 302.

Devant la poussée sarrasine, les Francs furent obligés d’abandonner peu à peu les derniers vestiges de leur domination. Les châteaux tombèrent les uns après les autres. En 1277, « seules les places de Margat, Tripoli, Sagette et Acre résistaient encore. Ce ne devait plus être pour bien longtemps. A partir de 1288, chaque année marqua la chute d’une nouvelle ville. Dernier rempart de la conquête latine, Saint.lean-d’Acre succomba peu après Baruth (1291). » Ristelhueber, op. cit., p. 78. Les maronites groupés autour de leur patriarche, établirent à Hadelh (Liban

nord) le centre de leur résistance. Mais le patriarche lui-même fut bientôt capturé et l’envahisseur considéra cette prise comme « une conquête plus importante que celle d’une forteresse considérable. Ms arabe de Paris 1704, fin du xine siècle, fol. 94 r°-95 r°.

La perte des seigneuries latines lit tourner les regards des vaincus vers l’île de Chypre, acquise aux environs de 1192 par Guy de Lusignan. Ce dernier ouvrit les portes de l’île non seulement aux Francs chassés de leurs domaines, mais aux chrétiens de Syrie, qui, molestés par le vainqueur, cherchaient ailleurs un refuge. Beaucoup de maronites suivirent le mouvement d’émigration vers Chypre. Ces derniers « ne se mêlèrent pas aux habitants de l’île. Le séjour des villes, dont ils n’avaient pas l’habitude, les effrayait. Ils préférèrent se rendre sur les hauteurs au nord de Nicosie, et là, dans un cadre qui leur rappelait leurs montagnes du Liban, ils vécurent entre eux, se livrant à la culture et gardant leurs mœurs simples et familiales. Encouragée par les rois de Chypre, leur colonie ne tarda pas à devenir prospère et relativement nombreuse : elle aurait compté jusqu’à soixante-douze villages. » Ristelhueber, op. cit., p. 72-73 ; voir encore, p. 309. Cf. aussi Assémani, Bibl. or., t. iv, p. 433 ; Le Quien, Oriens christianus, t. iii, col. 83-84 ; Rôhricht-Meisner, Deutsche Pilgerreisen nach den Heiligen Lande, Berlin, 1880, p. 52 ; Lammens, Le Liban, i. ii, p. 56 ; La Syrie, t. ii, p. 1 ; De Mas-Latrie, Histoire de l’île de Chypre sous le règne des princes de la maison de Lusignan, t. i, Paris, 1861, p. 109-110. Au rapport d’Etienne de Lusignan, ils formaient dans l’île, après les grecs, la communauté la plus nombreuse. C.horografia e brève historia universale dell’isola de Cipro, Bologne, 1573, p. 34, cité par A. Palmieri dans l’art. Chypre {Église de), t. ii, col. 2462. Aussi fut-il nécessaire de leur donner un évêque de leur rit. En eiïet, nous savons qu’en 1340 il existait en Chypre un évêque maronite. Le Quien, loc. cit., col. 1208. L’émigration de ce peuple vers Chypre ne s’arrêta pas avec la perte de l’île par les Lusignan. Sous les Vénitiens, ils y allaient encore de toutes les parties du Liban, Douaïhi, Annales, fol. 74 v°-75 r°, Chebli, Biographie de Douai hi, p. 38-39, jusqu’à l’invasion des Turcs (1507-1571), qui réduisit considérablement leur colonie, comme nous le verrons plus loin.

L’émigration maronite se porta aussi vers l’île de Rhodes. Ce fut probablement lorsque, après les croisades, les Hospitaliers allèrent y établir leur centre d’action. Lammens, Le Liban, t. ir, p. 56 : J. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre sainte et à Chypre, Paris, 1904, p. 272-284.

III. La domination des Mamlouks.

L’année 1291 marqua la perte définitive des derniers débris du royaume latin. Désormais, la Syrie sera sous la domination des Mamlouks jusqu’à la conquête ottomane (1516).

Une fois de plus, le pays des maronites se trouve séparé de l’Occident. Les nouveaux maîtres, obsédés par la silhouette des navires francs, qui ne cessaient de croiser en vue des côtes, et redoutant continuellement quelque nouvelle descente des Latins, surveillaient d’un œil jaloux les relations de leurs sujets chrétiens avec les pays étrangers. Toute tentative de rapprochement avec les anciens seigneurs de la Syrie eût été considérée par un maître ombrageux comme une trahison impardonnable, un complot contre la sûreté de l’État. Quiconque eût éveillé un tel soupçon pouvait craindre d’attirer sur lui un redoublement de rigueur et d’en payer cher les conséquence. Voir Histoire des sultans mamlouks de l’Egypte, écrite en arabe par Taki-Eddin-Ahmed-Makrizi (1364-1142), traduite en français par M. Quatremère, t. ii, Paris, 1845, p. 63-64 ; Chebli, Le patriarcat maronite d’Antioche, loc. cit.,