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MÉLÈCE D’ANTIOCHE


nouvel évoque exposa, en faisant l’exégèse du texte de Prov., xiii, 22, sa doctrine sur la génération du Verbe, montra clairement que, si condescendant qu’eût été jadis Mélèce à l’endroit des hautes personnalités homéennes, il ne laissait pas de professer une foi où les nicéens pouvaient se reconnaître. Ce discours a été conservé par Épiphane, Hssres., lxxiii, 29-33, P. G., t. xlii, col. 457-465 ; on a beaucoup discuté l’étiquette théologique qu’il convient de lui accoler ; F. Loofs, loc. cit., et E. Schwartz, Zur Gesch. des Athanasius, p. 361, n. 2, déclarent, sans ambages, le discours homéen ; F. Cavallera, op. cit., p. 84 sq., le tient pour orthodoxe, et ces appréciations contradictoires ne font que refléter des divergences bien plus anciennes. Il nous paraît qu’étant données toutes les circonstances’de temps et de lieu, le discours est une manifestation voulue en faveur de la foi traditionnelle. S’il n’emploie aucune des formules autour desquelles se disputaient les théologiens, il affirme tout ce qu’affirmait le Credo de Nicée, il répudie toutes les interprétations ambiguës, qui, de près ou de loin, frisaient l’arianisme. D’ailleurs F. Loofs lui-même est bien forcé de convenir que l’arrivée de Mélèce àAntioche avait été le point de départ d’un mouvement en faveur de.la foi nicéenne. Le discours en question s’harmonise de tous points avec cette constatation.

L’empereur Constance, qui séjournait pour lors à Antioche, avait assisté à ce sermon. On comprend de reste qu’il ait fait entendre que Mélèce était désormais impossible. L’évêque fut exilé à Mélitène sa patrie et remplacé tout aussitôt par un arien de la première heure, Euzoius, jadis condamné par Alexandre d’Alexandrie avec les premiers adeptes d’Arius. Cette fois les orthodoxes d’Antioche ne pouvaient plus hésiter ; ils rompirent définitivement avec les arianisants de toutes nuances. Sous la conduite de Diodore et de Flavien, ils formèrent un groupe compact : ce furent les fidèles de Mélèce, les mélétiens, comme on s’habitua à dire. Il semblait tout naturel que ces orthodoxes se réunissent tout aussitôt aux vieux eust athiens, que gouvernait Paulin. Leur antipathie commune à l’endroit des ariens, leur commune adhésion à la même foi traditionnelle auraient dû rapprocher les deux groupes. Les mélétiens, paraît-il, proposèrent la fusion ; leurs propositions furent repoussées avec hauteur par les eustathiens, qui se jugeaient seuls orthodoxes, seuls purs de toute compromission. Il arrivera donc que, pendant de longues années, les catholiques d’Antioche vont se trouver divisés en deux factions rivales, bientôt fort animées l’une contre l’autre. Le schisme, si improprement dit mélétien, était commencé.

3° Élection de Paulin et affermissement du schisme.

— Ce schisme allait bientôt se constituer de façon définitive.

L’avènement de Julien avait amené le rappel de tous les évêques exilés par Constance. De la lointaine Arménie, Mélèce au printemps de 362 se mettait en chemin pour venir reprendre la direction de son troupeau. A Alexandrie, Athanase était rentré beaucoup plus vite, et le concile rassemblé par ses soins, en mars 362, prenait les mesures propres à ramener la paix religieuse, en précisant certains points de doctrine, en réglant aussi les questions de personnes. On y reconnaissait entre autres que les deux formules, en apparence opposées, de l’unique hijpostase (hypostase étant synonyme d’ousie) et des trois hyposlases (hypostase étant synonyme de personne) étaient susceptibles l’une et l’autre d’une explication orthodoxe, et que chacun était libre de garder sa terminologie tout en s’en tenant aux expressions nicéennes. Ceci avait son application directe à Antioche, où les eustathiens se réclamaient de la vieille formule de l’unique hypo stase, tandis que les mélétiens, pour éviter tout soupçon de sabellianisme préféraient user de l’expression trois hypostases. Non moins sage avait été à Alexandrie le règlement des questions personnelles. Au lieu d’exclure impitoyablement de leur communion tous les évêques ayant signé quelque profession douteuse, les orthodoxes déclaraient que tous les évêques de foi correcte à qui on aurait extorqué des signatures pourraient, en les répudiant, être maintenus dans leurs fonctions. Pour Antioche, où cette question de signature ne semblait pas se poser, le concile insistait vivement sur la nécessité de rétablir l’union entre eustathiens et mélétiens. Sans mettre les deux groupes exactement sur le même pied (il était plutôt question pour les eustathiens de recevoir les mélétiens), on engageait les premiers à ne pas exiger pour l’union des conditions excessives et déraisonnables ; mais on ne considérait pas, à coup sûr, les mélétiens comme des hérétiques revenant à résipiscence. Ces diverses stipulations sont conservées dans la pièce inexactement nommée Tomus ad Antiochenos, parmi les œuvres d’Athanase, P. G., t. xxv, col. 796-809 ; cette pièce renferme bien plutôt les instructions données aux deux délégués que le concile envoyait à Antioche. Sur place, ces personnages, à savoir Eusèbe de Verceil et Astérius de Pétra, prendraient toutes mesures convenables pour faire l’union des catholiques.

Or, quand ils arrivèrent à Antioche, l’irréparable était consommé. L’intransigeant évêque de Cagliari, Lucifer, voir ici t. ix, col. 1032 sq., les avait précédés. Après quelques efforts pour rétablir la paix entre les deux groupes orthodoxes, il avait cru mettre un terme aux discussions en consacrant évêque, au mépris de tous les canons, le prêtre Paulin, qui dirigeait la communauté eustathienne ; celle-ci était de ce chef promue à la dignité d’Église. Oui, mais d’Église dissidente, car, serrés plus que jamais autour de Mélèce, qui juste à ce moment rentrait d’exil, les mélétiens déclaraient ne reconnaître d’autre chef que lui. Eusèbe de Verceil ne put que constater l’imbroglio, et partit pour l’Occident, sans- être entré en communion ni avec l’un ni avec l’autre des partis. On a dit ailleurs ce qu’il était advenu de Lucifer.

III. Les efforts pour réduire le schisme. — Cette situation anormale de la capitale de l’Orient ne pouvait laisser indifférents les amis de l’orthodoxie. Une fois passée la rapide tourmente du règne de Julien l’Apostat, des efforts vont être faits, de divers côtés, pour réunir en un seul corps les catholiques d’Antioche et les opposer aux ariens dont la fortune allait durer encore jusqu’en 378. Nous allons brièvement esquisser ces tentatives, qui d’ailleurs n’aboutirent pas.

1° Athanase et Mélèce. Le concile d’Antioche de 363.

— - L’empereur Jovien, au retour de l’expédition de Perse où il avait remplacé Julien, avait convoqué Athanase à Antioche, en septembre-octobre 363. Orthodoxe lui-même, il témoignait par ailleurs une grande révérence à l’endroit de Mélèce. L’occasion était bonne d’amener un rapprochement entre les deux évêques. Athanase fit connaître à Mélèce son désir d’entrer en communion avec lui. Saint Basile, de qui nous dirons tout à l’heure la grande amitié pour Mélèce, n’hésite pas à reconnaître que, dans la circonstance, l’évêque d’Antioche, mal conseillé, repoussa la main qui se tendait. S. Basile, Epist., lxxxix, 2, P. G., t. xxxii, col. 472 A. Ce fut une lourde faute, car Athanase se tourna vers Paulin, et le reçut à sa communion moyennant signature du Tomus ad Antiochenos. Désormais l’Église d’Alexandrie aura partie liée avec la communauté schismatique de Paulin. L’influence dont Alexandrie jouissait en Occident et spécialement à