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MÉLÈCE D’ANTIOCHE

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biens, quitte à maintenir vigoureusement contre eux l’orthodoxie nicéenne. Par ailleurs un petit groupe de fidèles se sépara, avec quelque fracas, de l’ensemble de la communauté. Fidèles" au souvenir d’Eustathe, ils furent désignés sous le nom d’eustathiens et formèrent dès lors une petite Église, Église encore incomplète, il est vrai, puisqu’elle était dirigée par un simple prêtre, nommé Paulin. L’intransigeance la plus absolue y fut bientôt à l’ordre du jour ; on affectait d’y englober sous le même anathème tous ceux, quels que fussent leurs sentiments intimes, qui se rangeaient sous la houlette des pasteurs suspects.

Pourtant les catholiques unis (nous appelons ainsi avec F. Cavallera, ceux qui reconnaissaient la hiérarchie établie) ne laissaient pas de s’inquiéter de la pénétration à Antioche des idées antinicéennes. L’évêque Léonce (344-358) surtout marquait à l’égard de l’arianisme à peine larvé de son disciple Aétius, voir, t. i, col. 516. une complaisance qui devenait complicité. Nous ignorons si le parti catholique comptait un certain nombre de dignitaires ecclésiastiques. En tout cas la direction effective lui était donnée par deux laïques, faisant depuis longtemps déjà profession d’ascétisme, appelés l’un et l’autre à de hautes destinées : Diodore, qui sera un jour évêque de Tarse et Flavien qui montera sur le siège même d’Antioche. Pour le moment, en ces dernières années du règne de Constance, où il semblait que la foi de Nicée, en Orient, eut partout le dessous ; ils maintenaient, autant que faire se pouvait, dans le troupeau catholique les principes mêmes de l’orthodoxie, et leurs efforts contribuèrent, à coup sûr, à préserver Antioche d’une submersion totale par la vague antinicéenne.

Telle était donc la situation à Antioche vers 360. Sous des prélats hostiles à la foi de Nicée se rangeaient aussi bien des fidèles qui partageaient leur défiance à l’endroit du consubstantiel que des orthodoxes demeurés fidèles au concile de 325. A leur gauche, des ariens exaltés, qui n’allaient pas tarder à connaître ou avaient déjà connu les rigueurs impériales. A leur droite, des nicéens intransigeants, serrés autour de Paulin, opposés à toute collusion avec qui n’était pas de leur bord. Il faut ajouter que cette chapelle dissidente pouvait se vanter d’un semblant de reconnaissance officielle par l’Église. Quand, en 346, saint Athanase rappelé de son second exil était passé à Antioche, c’était chez les eustathiens qu’il avait célébré la synaxe liturgique, pour eux, qu’il avait, sans succès d’ailleurs, demandé à l’empereur la concession d’un lieu de culte. Rufin, H. E., i, xix, P. L., t. xxi, col. 492, résumé par Théodoret, II, ix et complété par Sozomène, III, xx. P. G., t.Lxxxii, col.l021 ; t.Lxvii, col. 1001.

IL L’ÉLECTION DE MÉLÈCE ET CELLE DE PAULIN.

— Les années 360 à 363 allaient compliquer encore cette situation. Trois Églises se constitueraient à Antioche, ayant chacune à leur tête un évêque.

1° Élection de Mélèce. — Antioche, comme nombre d autres sièges, avait subi le contre-coup des multiples revirements qui avaient successivement donné la faveur impériale aux anoméens, aux homéousiens, finalement aux homéens. Cf. Arianisme, t. i, col. 1821 sq. L’évêque Eudoxe, un homéen qui, en 358, avait réussi à se faire transférer de Germanicie sur le siège d’Antioche, avait été victime de la réaction homéousienne déclenchée par Basile d’Ancyre. Exilé en Arménie, déposé à Séleucie en 359, il avait été remplacé par Annianos. Mais, peu de temps après, l’homéisme triomphait à Séleucie, où Annianos, à peine élu, était déposé, puisa Constantinople, en 360. Tandis que les homéousiens étaient décimés, les homéens s’installaient au pouvoir. Le 27 janvier 360, Eudoxe remplaçait sur le siège de Constantinople Macédonius exilé. De ce chef Antioche demeurait sans évêque.

Elle n’était pas seule dans ce cas, et le parti homéen fut obligé de pourvoir aux nombreux sièges vacants. S’il fallait prendre au mot l’historien anoméen Philostorge, H.E., V, i, édit. Bidez, p. 66, il aurait procédé de telle sorte que, presque partout, aux homéousiens exilés auraient succédé des prélats défenseurs du consubstantiel. Exagération d’homme de parti 1 Ce qu’il faudrait dire plutôt, c’est que bien des choix de cette année 360 furent influencés moins par des questions de doctrine que par des considérations de personne ; et il se trouva finalement, résultat assez inattendu, que plusieurs des évêques promus par les homéens étaient plus rapprochés de l’orthodoxie nicéenne que les gens auxquels ils succédaient. Ce fut le cas à Antioche. Acace de Césarée, le grand chef du tiers parti fit élire un certain Mélèce.

On n’est pas très au clair sur les antécédents du personnage. Originaire de Mélitène, dans la Petite Arménie, il n’apparaît guère dans l’histoire avant 358. Saint Épiphane le considère comme un homéen, à la remorque d’Acace de Césarée, Hæres., lxxiii, 23, P. G., t. xlii, col. 445 A, opposé à des homéousiens comme Basile d’Ancyre, Georges de Laodicée, Eustathe de Sébaste. Ce dernier ayant été déposé, peut-être à Mélitène en 358, Mélèce fut élu comme son successeur. Les difficultés qu’il rencontra à Sébaste l’amenèrent à se retirer à Bérée (Alep). Théodoret, H. E., II, xxvii, P. G., t. lxxxii, col. 1080 D. Figura-t-il au concile de Séleucie, et signa-t-il le formulaire homéen ? Épiphane insinue qu’il l’a fait, Hæres., lxxiii, 23, comparer col. 445 A et col. 448 B ; Socrates et Philostorge l’indiquent expressément. H. E., II, xliv, P. G., t. lxvii, col. 356 ; H. E., V, i, édit. Bidez, p. 67. Mais les témoignages de ces deux derniers sont viciés par de graves erreurs chronologiques ; et quant à l’auteur du Panarion, il est bien curieux qu’il ne donne pas le nom de Mélèce dans sa liste des signataires de Séleucie ; ibid., n. 26, col. 452-453. La question reste donc au moins douteuse ; il peut se faire que, pour une raison ou pour l’autre, Mélèce n’ait pas été convoqué au concile. S’il ne faisait plus fonction d’évêque en 360, on comprend aussi qu’il n’ait pas eu l’occasion de signer la formule élaborée à Niké, et promulguée à Constantinople. De la sorte on s’explique qu’il ait été considéré par Acace comme étant de son parti, sans pourtant qu’il ait donné des gages précis à la coterie homéenne. Sur cette question très difficile, voir les appréciations divergentes de F. Loofs, art. Meletius, dans Protest. Realenc., t. xii, p. 553, et de F. Cavallera, Le schisme d’Antioche, note D, Antécédents de Mélèce, p. 94-97.

Il nous semble, pour notre compte, que l’élévation de Mélèce au siège d’Antioche doit être attribuée au grand désir de paix religieuse que l’on avait un peu partout, après les révolutions successives des années précédentes. On voulait voir à l’œuvre des hommes nouveaux, moins compromis, moins nettement embrigadés dans les partis anciens. Mélèce devait être dans le cas. Alep, où il s’était retiré, n’est pas éloignée d’Antioche, et dans la capitale de l’Orient l’ancien évêque de Sébaste était connu comme un homme pacifique, modéré. Il fut reçu avec enthousiasme par la majorité de la population chrétienne ; seuls les eustathiens lui firent grise mine et continuèrent leurs réunions séparées.

2° Premier exil de Mélèce et formation du groupe mélélien. — Mais il était inévitable que des mécontentements n’éclatassent un jour ou l’autre dans le troupeau quelque peu bigarré qui se rangeait sous la houlette du nouvel évêque. Certaines mesures administratives, se rapportant de près ou de loin à la question religieuse, indisposèrent la partie arianisante de la communauté ; surtout un célèbre discours où le