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MELCHITE (EGLISE’MELECE D’ANTIOCHE


prochement des esprits. Le P. Queyrot, jésuite, eut bientôt la confiance de l’archevêque, dont l’archidiacre, Michel Baja, enseignait l’arabe aux missionnaires latins. L’idée de l’unicn lit par ces moyens de rapides progrès, à tel point qu’en 1631 le patriarche Ignace III Atyyé, qui se reconnaissait coupable de la mort de son compétiteur Cyrille IV Dabbâs, pria les capucins d’intervenir à Rome pour obtenir l’absolution de son crime et aussi des secours pécuniaires pour son Église. Le 5 juillet 1631, la Propagande répondit qu’il fallait d’abord accepter l’union. Mélèce Karmi devint patriarche en 1634 sous le nom d’Euthyme II. Il emmena avec lui à Damas le P. Queyrot et lui laissa liberté complète de prêcher dans les églises. Il envoya ensuite à Rome le prêtre Pacôme pour demander l’union. Pacôme revint avec une profession de foi que lui avait remise la Propagande, mais Euthyme II, ne pouvant payer une forte somme que lui réclamait le pacha de Damas, avait dû se retirer à Alep et donner sa démission. Il mourut d’ailleurs au début de 1635. Pacôme, chargé par la Propagande de négocier avec Euthyme III le Chiote, n’obtint probablement aucun résultat. Les efforts du P. Queyrot († 1653) avaient gagné à la cause de l’union plusieurs milliers de melchites. Le patriarche Macaire III (1647-1672) s’intéressa à ce mouvement et envoya sa profession de foi à Rome en 1664, mais sans oser la rendre publique. Il avait de trop bonnes relations avec les chefs de l’orthodoxie et avec la cour de Moscou pour s’exposer à les perdre. Sa succession amena des troubles parla compétition de plusieurs prélats. Athanase III, élu en 1685, crut fortifier sa position en faisant profession de foi catholique. Il y réussit et, le 16 juin 1687, la Propagande confirma son élection. Cet acte ne mit pas lin à ses démêlés avec Cyrille V. En octobre 1694, il se retira devant son compétiteur et obtint en retour le siège d’Alep. Innocent XII annula la convention passée entre les deux prélats et demanda à Athanase de reprendre le trône patriarcal. Par ailleurs, l’archevêque d’Alep, qu’il aurait fallu déposer’pour donner son siège à Athanase, envoya sa profession de foi à Rome, en même temps que Macaire de Tripoli, converti parles capucins de cette ville (1698).

La cause de l’union faisait de rapides progrès, particulièrement à Damas et à Alep, qui étaient les deux centres principaux d’apostolat. En 1701, elle gagna Baalbek et Beyrouth, dont les évêques, Parthénios et Sylvestre, faisaient leur profession de foi. Le neveu d’Euthyme II Karmi, Euthyme Saïfi, qui avait été l’élève du P. Queyrot, s’était rallié à Rome en 1684, un an après être devenu archevêque de Tyr. La plupart des adhésions épiscopales restaient secrètes et aucune rupture n’existait entre le patriarche et ses suffragants unionistes. C’était l’effet de la méthode adoptée par les jésuites d’obtenir le plus grand nombre possible d’adhésions secrètes pour créer un mouvement sérieux au moment opportun. Cependant Cyrille V voyait d’un mauvais œil les tentatives d’union et frappait de suspense les prêtres qui faisaient profession de foi romaine. Ce n’est qu’au début du xviiie siècle que des tentatives furent faites pour donner aux catholiques une organisation particulière. Le 6 décembre 1701, l’archevêque de Tyr, Euthyme Saïfi, obtint de la Propagande un rescrit qui le nommait administrateur de tous les melchites unis de Syrie qui étaient gouvernés par des prélats orthodoxes. Il se préoccupa immédiatement de trouver des prêtres capables d’accroître le mouvement qui portait les populations vers Rome. En 1697, neuf religieux du monastère de Balamand, près de Tripoli, avaient fondé au village de Chouéir, dans le Liban, la Congrégation basilienne chouérite. Euthyme Saïfi jeta, en 1708, les fondements du monastère de Saint-Sauveur »

près de Sidon, berceau de la Congrégation de ce nom. De son côté, Rome travaillait à préparer des prêtres instruits dans son collège grec de la Propagande. Le plus célèbre de ceux qui y étudièrent à cette époque fut Séraphin Tânâs, neveu d’Euthyme Saïfi, moine de Saint-Sauveur, qui se fit l’apôtre de l’union dans le diocèse d’Acre. Euthyme Saïfi développait le mouvement dans toutes les régions du patriarcat. Le consul de France à Sidon, Poullard, profita des bonnes relations qu’il avait avec Cyrille V pour l’amener à l’union. Il y réussit en 1716. La voie avait du reste été préparée par l’influence du P. Lorenzo Cozza, custode de Terre sainte. P. Livarrio Oliger, O. F. M., Vita e diarii dcl curd. Lorenzo Cozza, Quaracchi, 1925, p. 56-57. Une difficulté sérieuse faillit compromettre cette soumission. La Propagande avait confirmé, en 1687, l’élection d’Athanase III et celui-ci était toujours en vie. Bien que son catholicisme fût très douteux, il semblait difficile de le déposséder de son titre. En 1717, la Propagande lui demanda d’y renoncer, mais il se garda bien de le faire. Elle se décida, le 9 mai 1718, à reconnaître Cyrille V, qui mourut le 16 janvier 1720. — La suite de l’histoire de l’Église melchite a été donné à l’art. Antioche, t. i, col, 1417. Pour plus de détails voir l’art, cité ci-dessous de C. Karalevskij.

A. d’Avril, Les Grecs Melkiles, dans la Rcmie de l’Orient chrétien, t. iii, 1890, p. 1-10 ; C. Charon, L’Église grecque mclkile catholique, dans les Échos d’Orient, t. iv, 1900-1901, p. 208-275, 325-333 ; L’origine ethnographique des melkiles, ibidem, t. xi, 1908, p. 82-91 ; A. Fortescue, The uniate easlcrn Churches, Londies, 1923, p. 183-194 ; C. Karalevskij, article Antioche, dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. iii, col. 585-646.

R. Janin.

    1. MÉLÈCE D’ANTIOCHE##


1. MÉLÈCE D’ANTIOCHE, ainsi nommé de la ville dont il fut évêque de361à381 (les anciens textes donnent les deux graphies Ms^stioç et MsXîtioç ; cette dernière semble avoir pour elle les témoignages les plus sûrs). — Le nom de Mélèce rappelle surtout à l’historien la situation troublée qui se perpétua durant toute la seconde moitié du iv° siècle dans la capitale de l’Orient, et qu’on est convenu d’appeler, très improprement d’ailleurs, le schisme mélétien d’Antioche. Un bref résumé de cet épisode a été donné à l’art. Antioche, 1. 1, col. 1403. Mais le schisme mélétien eut de telles répercussions dans le domaine théologique, il a été exploité en des sens si divers, qu’il convient de l’étudier ici avec un peu plus de détails. I. La situation à Antioche en 360. II. L’élection de Mélèce et celle de Paulin. III. Les efforts pour réduire le schisme. IV. Flavien et l’extinction définitive du schisme antiochien.

I. La situation a Antioche en 360. — L’Église d’Antioche avait été la première troublée par la réaction antinicéenne, menée par Eusèbe de Nicomédie et les amis d’Arius. Voir Arianisme, t. i, col. 1802 sq. Dès 330, l’évêque saint Eustathe, vigoureux adversaire de l’arianisme, avait été déposé, sous divers prétextes, et exilé en Thrace, où il ne tarda pas à mourir (probablement avant 337). A sa place la coterie eusébienne installait successivement des prélats qu’elle. pouvait croire dévoués à ses idées, sans que toutefois leur hétérodoxie fût sensiblement plus accentuée que celle de nombreux évêques de la région.

Les fidèles d’Antioche s’étaient de très bonne heure divisés sur la question de l’attitude à prendre par rapport aux évêques qui leur furent ainsi imposés. Ne parlons pas des neutres ou des tièdes, prêts à toutes les compromissions. Mais les orthodoxes mêmes n’étaient pas unanimes. La plus grande partie, s’appuyant à ce qu’il paraît, sur une consigne donnée par Eustathe, accepta, tout suspects qu’ils fussent, les pasteurs eusé-