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MELCHISÉDÉCIENS — MELCHITE ^ÉGLISE]

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homme, et, de la même manière, que le Christ est descendu en lui. » Avant d’avoir rédigé les Philosophoumena, Hippolyte avait déjà parlé de Théodote dans le Syntagma, d’où proviennent les notices de pseudo-Tertullien, Ado. omn. hæres., 8, P. L., t. ii, col. 72-74, de Filastrius, Hæres., lii, édit. Marx, Vienne et Leipzig, 1898, p. 27, et le début de celle de saint Épiphane. Le pseudo-Tertullien nous fait connaître les arguments scripturaires de Théodote, que reproduit également saint Épiphane, à savoir Ps., cix, 4 et Ilehr., vii, 1-6. Nous apprenons ainsi que Melchisédech, était, d’après le banquier, la grande puissance de Dieu et qu’il intercédait pour les anges et les vertus célestes, tout comme le Christ intercédait pour les hommes. Il ne semble pas que l’école théodotienne a’it longuement survé%u à ses fondateurs. Le traité Contre Arlémon, cité’par Eusèbe, H. E., v, 28, édit. Schwartz, Leipzig, 1903, p. 500 sq., signale les divisions de la secte et la conversion de son évêque Natalis, mais déjà Novatien, dans le De Trinltate, ne fait plus aucune allusion à Théodote et à ses rêveries touchant Melchisédech.

2° Au début du ive siècle, d’autres hérétiques, sans aucun lien avec les théodotiens de Rome, prétendent que Melchisédech est le Saint-Esprit. Tel est le cas de Hiéracas, que nous a déjà fait connaître la notice de saint Épiphane, Hæres., lv, 5, et sur lequel l’évêque de Salamine revient longuement, Hæres., lxvh. Pour soutenir son opinion, Hiéracas s’appuyait principalement sur Hebr., vii, 3 : du moment où Melchisédech est assimilé au Fils de Dieu, il ne peut être confondu avec lui ; il faut donc croire qu’il est l’Esprit-Saint, Hæres., lxvii, 3, P. G., t. xlii, col. 76. Il faisait aussi appel à V Ascension d’Isaïe et à d’autres apocryphes. Nous ne connaissons aucun disciple de Hiéracas, et il ne semble pas que ses opinions étranges aient donné naissance à une secte. Saint Épiphane lui-même lorsqu’il signale Hiéracas parmi les melchisédéciens ne va pas jusqu’à le prétendre.

III. Spéculations postérieures a Épiphane. — S’il n’est pas possible de trouver une secte de melchisédéciens, du moins est-il assuré que pendant longtemps on chercha à savoir quelle place il fallait donner au mystérieux roi de Salem et que beaucoup l’identifièrent à une personne divine.

1° Aux environs de 375, quelques exégètes romains essayaient de prouver que Melchisédech n’était autre que le Saint-Esprit. Telle est la thèse longuement démontrée par le pseudo-Augustin, dans la 109° des Quæstiones Veteris et Novi Testamenti, édit. Souter, Vienne et Leipzig, 1908, p. 257-268. Cette thèse, lorsqu’elle fut connue par saint Jérôme, quelques années plus tard, fut de sa part l’objet d’une réfutation vigoureuse, Epist., lxxiii, Ad Evangelum, édit. Hilberg, t. ii, p. 14-22. Elle fut également réfutée par l’auteur inconnu d’un sermon conservé sous le nom d’Origène, et qui peut provenir d’un monastère palestinien de la fin du iv° siècle, édit. Bæhrens, Ueberlieferung und Textgeschichte der lateinisch erhaltenen Homilien des Origenes, Leipzig, 1916, p. 243-252.

2° Vers la même époque et au début du ve siècle, un certain nombre de chrétiens d’Egypte exprimaient des opinions étranges sur Melchisédech. Plusieurs l’identifiaient au Saint-Esprit, cf. Cyrille d’Alexandrie, Glaphyra in Gènes., ii, P. G., t. lxix, col. 84 sq. ; d’autres, parmi les moines, disaient qu’il était le Fils de Dieu, Apophtegm. Patr., De abbate Daniele, 8, P. G., t. lxv, col. 160. Saint Cyrille les combattit les uns et les autres.

3° Un peu plus tard, semble-t-il, aux environs de 420, Marc l’Ermite connaissait en Galatie, et spécialement dans la région d’Ancyre, des sectaires qui voyaient en Melchisédech le Fils de Dieu, et il écrivit

un important ouvrage pour les réfuter, De Melchisédech, 1’. G., t. lxv, col. 1117-1140. Pour la première fois, semble-t-il, nous nous trouvons en face d’un groupe d’hérétiques déclarés, excommuniés par les évêques, et qui font de Melchisédech le centre de leurs spéculations. Il n’est pas impossible que ces hérétiques se rattachent par quelque lien aux raisonneurs dont parle saint Épiphane, Hæres., lv, 7, édit. Holl., t. ii, p. 333 ; cf. J. Kunze, Marcus Eremita, Ein neuer Zeuge jùr dus allkirchliche Taufbekenntnis, Leipzig, 1895, p. 82, 83, et ci-dessus, t. ix, col. 191

4° Dans la seconde moitié du vie siècle, existait, paraît-il, en Phrygie, une hérésie qui se réclamait de Melchisédech. Elle nous est connue par une notice de Timothée de Constantinople, De recept. hærel., P. G., t. lxxxvi a, col. 33 : « Il y a des melchisédéciens, ceux qu’on appelle maintenant Athinganes. Ils se glorifient de Melchisédech, de qui ils ont tiré leur nom. Ils habitent la Phrygie ; ils ne sont ni Hébreux ni païens ; car ils semblent garder le sabbat, mais ne pas circoncire leur chair. Ils ne permettent à aucun homme de les toucher… » Quelques renseignements complémentaires sur ces hérétiques sont fournis par un texte anonyme, De Melchisedecianis et Theodotianis et Atthinganis, contenu dans les mss. Paris, græc. 364, fol. 43, et Coislin. 39, fol. 270, de la Bibliothèque nationale de Paris. D’après ce texte, œuvre d’un érudit qui connaît les anciens hérésiologues, les hérétiques en question prétendent que Melchisédech est une grande puissance supérieure au Christ ; quelques-uns d’entre eux l’identifient même à Dieu le Père. Tous observent le sabbat, pratiquent la divination et la magie et invoquent les démons. Nous n’avons malheureusement aucune donnée historique qui nous permette de suivre les vicissitudes de la secte.

La notice sur les Athinganes est le dernier texte qui parle d’hérétiques melchisédéciens. Nous avons essayé de montrer ici combien ce nom servait à recouvrir de spéculations variées, et sans lien entre elles. Les spéculations sur Melchisédech sont d’ailleurs antérieures à Théodote, elles se sont longuement poursuivies après le vue siècle. Nous n’avions pas ici à faire leur histoire, mais seulement à nous demander leur influence Sur la constitution de systèmes hérétiques.

L. Borgesius, Hisloria crilica Melchisédech, Berne, 1706 ; Dom Calmet, Dissertation sur Melchisédech, dans le Commentaire latéral de tous les livres de l’A. et du N. T., Paris, 1726, t. vra, p. 636-642 ; M. Friedlânder, La secte de Melchisédech et l’Épitre aux Hébreux, dans Revue des Études juives, 1882, t. v, p. 1-26, 188-198, 1883, t. vi, p. 187-199 ; A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. I, 4e édit., Leipzig, 1909, p. 713, 745 ;.1. Tixeiont, La théologie anténicéenne, 9e édit., p. 351-352 ; G. Bardy, Melchisédech dans la tradition palrislique, dans Revue biblique, 1926, p. 496509 ; 1927, p. 25-45.

G. Bardy.

MELCHITE (Église) — Les chrétiens de Syrie qui restèrent fidèles à la doctrine de Chalcédoine reçurent par dérision, de leurs compatriotes monophysites, le surnom de malkânyia ou impérialistes (du syriaque malka, roi, empereur), parce qu’ils acceptaient les définitions dogmatiques en honneur à la cour de Constantinople. Plus tard, les auteurs arabes musulmans employèrent aussi la forme malkânyia, mais les chrétiens adoptèrent celle, plus arabe, de melkî, pluriel melktln, d’où l’on a tiré Melchite. A part une faible minorité d’origine grecque (marchands, colons, soldats ou fonctionnaires) les melchites étaient de race syrienne, comme les monophysites et les maronites. Les orthodoxes, c’est-à-direceux d’entre eux qui n’ont pas fait leur union avec Rome, s’intitulent aujourd’hui Roûm ou Romains, au sens byzantin du mot grec’PcofxaToi, . Les catholiques ont conservé le nom de melchites, qui leur est souvent donné à titre