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MELANCHTHON. RAPPORTS AVEC LUTHER


Luther (huis sa traduction, et i ! se réjouissait grandement de ce travail. C. R., t. xi, col. 710, 729 (15 10). On comprend aussi qu’il ait été le père de la théologie historique et de l’histoire vies dogmes ; il aimait à considérer les dogmes moins dans leur côté révélé que dans les différentes manières dont l’intelligence humaine les avait saisis.

Comme l’Église de Luther, celle de Mélanchthon est SOUS la dépendance de l’État ; le prince est custos non solum secundæ tabulse sed etiam prîmse. C. R., t. xxi, col. 553 (1535) ; de même, t. xvi, col. 91 (1538). Princeps est custos utriusque tabula : legis : cette formule demeurera célèbre dans le luthéranisme ; le prince peut et doit s’occuper, non seulement des sept derniers commandements, qui regardent nos relations avec nos semblables, mais aussi des trois premiers, qui regardent nos relations avec Dieu. En 1539 apparaîtront les consistoires ;  ;  ! côté d’ecclésiastiques, ils compteront des laïques. Les meilleurs des laïques auront même à décider de la doctrine. C. R., t. iv, col. 548, De abusibus Ecclesiarum emendandis (1511). Dès lors, que peut signifier l’article 28 de la Confession d’Augsbourg : Non commiscendæ sunt potestates ecclesiastica et ciuilis, R. 38, Miiller-Koide, Die symbolischen Bûcher, 11e édit., 1912, p. C3. En pratique, ce sera une belle formule livresque.

Mélanchthon et Luther.

Déjà, dans les pages qui

précèdent, il a souvent été question de Luther ; il est impossible d’écrire une page sur Mélanchthon sans que le souvenir de Luther apparaisse. Toutefois, il est utile de présenter un résumé de leurs relations.

Chez Mélanchthon. ces relations allèrent de l’enthousiasme à une sombre résignation. Le 17 avril 1520, il écrivait : « J’aimerais mieux mourir que de me séparer d’un tel homme. » C. R., 1. 1, col. 160. Et vers la fin de la même année : < Martin est plus admirable que je ne le saurais dire. » C. R., t. i, col : 264. De son côté, Luther estimait Mélanchton « un homme admirable, ou plutôt un être à peine retenu dans les liens de l’humanité ». E. L. Enders, Luther’s Briejwechsel, 1. 1, p. 322 (14 déc. 1518). Dans les premières années de son séjour à Wittenberg, Mélanchthon se tint donc étroitement aux côtés de Luther et dans sa dépendance. Ainsi, c’étaient deux jeunes gens qui dirigeaient la Réforme allemande ; en 1520, Luther avait trente-sept ans, et Mélanchthon, vingt-trois.

Mais peu à peu les divergences apparurent. D’abord, une différence de nature. Pendant le séjour de Luther à la Wartbourg (mai 1521-mars 1522), Mélanchthon commença à montrer sa tendance à l’indécision et à l’anxiété. Puis, vers 1523-1524, des divergences de pensées et d’inclination.

En 1525, Mélanchthon regrette vivement le mariage de Luther. « C’est un homme très léger, écrit-il alors à Camérarius ; avec une grande habileté, les religieuses [qu’il a fait sortir de leur couvent] l’ont entouré de leurs filets, et elles l’y ont fait tomber. » (10 juin 1525). Dans Denifle-Paquier, Luther et le Luthéranisme, 1914, i. ii, p. 119. La même année, dans la lutte entre Érasme et Luther sur le iibre arbitre, Mélanchthon resta plutôt spectateur ; il était déjà moins porté vers le serf arbitre, dont Luther avait surtout trouvé la preuve dans ses violentes impulsions intimes.

De plus en plus, comme on l’a vii, Mélanchthon pencha vers le Synergisme, c’est-à-dire vers la collaboration de l’homme avec Dieu dans l’œuvre du salut (col. 507). A côté du libre arbitre et de l’utiiité des œuvres pour le salut, un autre point devait peut-être séparer davantage encore Luther et Mélanchthon : c’est la question de la présence réelle de Jésus-Christ dans i le Sacrement », autrement dit dans l’eucharistie. Avec des restrictions, Luther était pour la présence réelle ; Zwingle la niait, et son opinion rappelait à

Luther le nom abhorré de Carl.stadl, qui avait soutenu la même négation. En 1529, luthériens et sacramentaires, Luther, Mélanchthon, Zwingle, Œcolampade, Bucer se rencontrèrent à Marbourg (1-1 octobre). Dans ce premier colloque, Mélanchthon se tint complètement du côté de Luther. Mais, peu après la diète d’Augsbourg, des raisons politiques et doctrinales le firent changer d’avis, et se ranger plutôt du côté des sacramentaires. C’est en ce sens qu’il inclina à Casse], en 1534, dans son colloque avec Bucer ; en 1536, dans les discussions qui précédèrent la Concorde de Wittenberg. C. R., t. iii, col. 75 sq. En 1537, de nombreuses lettres à Camérarius, à Veit DieLich et autres sont remplies de plaintes et de tristes pressentiments. A ce moment, c’était à la fois sur les œuvres et sur la Cène que portait le désaccord. En 1544, à propos de la Cène et de son contenu, Luther en vint à exprimer hautement son mécontentement, et Mélanchthon à se demander s’il n’allait pas être obligé de quitter Wittenberg : Hic quamdiu esse possum ignoro. (, ’. R., t. v, col. 478 (8 sept. 1544).

Dans le même sens enfin, nous avons la terrible lettre à Carlowitz, du 28 avril 1548. Wittenberg et son université étaient tombées sous la domination de Maurice de Saxe, alors allié de l’empereur. Dans cette situation si nouvelle, comment Mélanchthon pourrait-il continuer d’enseigner ? Oh ! répond mélancoliquement le professeur, je sauvai garder le silence ; ce ne me sera pas difficile : Tuli etiam antea seruitulem pxiie deformem, cum sœpe Lutherus magis suæ naturw, in qua 91Xovsi.x[a erat non exigua, quam vel personæ suæ vel utilitati communi seruiret. C. R., t. v, col. 880. Il y avait plus de deux ans que Luther était mort ; dans le cœur de Mélanchthon quel souvenir affreux I Et que l’on se souvienne que nous avons devant nous un lettré discret, pour qui un mot à l’emporte-piècc est un coup d’État :

En apparence, toutefois, l’accord avait subsisté, s’affirmant dans des circonstances importantes et dans les écrits publics. En 1539, Mélanchthon s’unit à Luther pour permettre à Philippe, landgrave de Hesse, d’avoir deux femmes légitimes à la fois ; à Rothenbourg, le 4 mars 1540, il assista même à la cérémonie du second mariage. Quelques mois après, l’affaire s’ébruita. Alors, mais fait digne de remarque, alors seulement Mélanchthon tomba malade ; à lui aussi, comme à Luther (Luther, t. ix, col. 1178), l’autorisation elle-même avait donc laissé la conscience fort tranquille.

En 1545, Luther écrivait une préface pour la collection de ses œuvres latines ; il y célèbre encore les Lieux conmiuns de Mélanchthon, quelques changements qu’ils eussent subis. Opéra latinaimrii argumenli, 1865, 1. 1, p. 15. De son côté, le 19 février, le lendemain de la mort de Luther, Mélanchthon disait à ses élèves : Obiil auriga et currus Israël, qui rexit Ecclesiam iit hac ultima senecta mundi. C. R., t. vi, col. 59. Quelques jours après (22 février), il prononçait son oraison funèbre. C. R., t. xi, col. 726-734. Ce discours, il est vrai, est sans grande chaleur ; mais enfin les confidences privées avaient beau être amères ; de part et d’autre les éloges publics avaient persisté. En outre, quelques mois après la mort de Luther, en tête du t. ii de ses œuvres latines, Mélanchthon publiait la biographie du Réformateur.

D’ailleurs, le désaccord avait-il été total et pre «  fond ? Il avait peut-être attaqué les nerfs et la sensibilité plus que l’intelligence et le cœur. Si Mélanchthon était resté à Wittenberg, à côté de Luther, était-ce uniquement à cause dis liens de famille, d’une certaine accoutumance, et de la crainte de l’inconnu ? Au contraire, les panégyristes ajoutent : « Mélanchthon était dominé, fasciné par Luther. Sous des dissenti-