Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée
303
504
MÉLANCHTHON, VIE


t. i, col. 108 sq. Sous l’impulsion de Luther, il s’adonnait dès lors de plus en plus à la théologie. Il goûta peu la théologie du xv siècle, avec ses subtilités et ses arguties ; ses goûts le portèrent plutôt vers l’étude de la Bible et des Pères. Lel9 septembre 1519, il avait acquis le grade de bachelier en théologie : dès lors il appartint à la faculté de théologie. Mais il ne voulut jamais conquérir le grade de docteur en cette matière. C. R., t. iv, col. 811. Le 25 novembre 1520, sur le conseil de Luther, il se maria avec Catherine Krapp, fille du maire de YViltenbcrg. Ainsi Luther l’attachait pour toujours à cette ville. Catherine devait mourir en 1557 ; le ménage eut quatre enfants. Au mois de décembre 1521, Mélanchthon fit paraître son fameux’manuel de théologie, les Loci communes rerum theologicarum, seu Hypotijposes theologicse. Ce manuel eut un très grand succès. Porr le contenu, voir ci-après, col. 508 sq.

En 1525, les paysans du Palatinat prirent Mélanchthon comme arbitre entre leur prince-électeur et eux. Tout en conseillant au prince la douceur et la clémence, il fut très dur pour les paysans : « Leur demande d’être affranchis du servage n’a aucune raison valable. Au contraire, brutaux et indisciplinés comme ils le sont, les Allemands ont déjà trop de liberté. Avec leur violence et leur soif de sang, il faudrait les mener beaucoup plus durement encore. » Widcr die Artikel der Bauerschaft, C. R., t. xx, col. 655, 657.

En 1528, Mélanchthon publia l’Instruction pour la visite des Églises. En 1529, il parut à la diète de Spire, et se joignit à ceux qui protestèrent contre lerecès de cette diète. En 1530, se tint la fameuse difte d’Augsbourg. Toujours sous le coup de la condamnation portée contre lui à la diète de Wôrms (1521), Luther ne put y paraître ; il s’en tint le plus près qu’il put, dans la forteresse de Cobourg, qui appartenait à l’électeur de Saxe. Ce fut donc Mélanchthon qui rédigea la fameuse Confession d’Augsbourg ; le 25 juin, il la lut devant les États. La théorie de la justification par la foi en était l’âme ; aussi, sur le fond de cette Confzssion, Luther donna son assentiment. Mais « sur le purgatoire, sur le culte des saints, et surtout sur l’Antéchrist de pape », il la trouvait trop peu catégorique. Enders, Luthers Briejwcehsel, t. ix, p. 133 ; 21 juillet 1530.

Dans la suite des négociations., Mélanchthon fléchit davantage encore, et tout particulièrement dans une lettre au légat Campeggio (6 juillet 1530). C. R., t. ii, col. 168 sq. Cette lettre est pleine de formules de soumission ; pour les désaccords doctrinaux, ils n’existaient qu’en apparence : Dogma nullum habemus diversum ab Ecclesia Romana ( !) col. 170. Les semaines suivantes, il engagea son parti à n’insister que sur deux points : la communion sous les deux espèces et le mariage des prêtres. Puis il se ressaisit et écrivit VApologie de la Confession d’Ausgbourg (1530-1531) ; il y est plus catégorique que dans la Confession elle-même. Il est vrai que, quand il la retoucha et y mit la dernière main, c’était déjà plusieurs mois après la diète.

Tous ceux qui avaient vécu les négociations d’Augsbourg emportaient de Mélanchthon la même impression,

ses hésitations doctrinales étaient peu dignes

de l’auteur d’une profession de foi, et ses habiletés étaient inconciliables avec la loyauté. Dans la Confession et l’Apologie de la Confession, lorsqu’il parle de la justification par la foi, il se recommande hautement de saint Augustin. C’était un mensonge formel ; dès cette époque, il savait fort bien que saint Augustin n’était pas pour cette théorie (ci-dessus, article Luther, t. ix, col. 1256).

Après la diète d’Augsbourg, il put s’adonner à

loisir à ses fonctions de professeur. En 1532, il publia son Commentaire sur l’Èpitre aux Romains ; il y distinguait nettement la justification, sentence extérieure de Dieu sur nous, et la sanctification ou changement intérieur. A cette— époque, il reçut des ofl’res réitérées de venir en Pologne, en France et en Angleterre. Il aurait sans doute accepté de se rendre dans l’un ou l’autre de ces deux derniers pays ; mais son électeur s’y opposa.

En 1529, à Marbourg, puis en 1534 à Casse), il se rencontra avec les sacramentaircs Zwingle et P.ucer ; il finit par pencher de plus en plus du côté des sacrament aires (ci-après Rctations avec Luther).

Les années suivantes, en dehors de ses relations avec Luther (ci-après), il y a peu de points saillants à noter dans sa vie. Il songea à la réunion d’un concile avec les catholiques, projet auquel il fut tantôt favorable et tantôt opposé, à la tenue de synodes entre protestants, auxquels il était plus favorable que Luther.

Après la mort de Luther (nuit du 17 au 18 février 1546), Mélanchthon resta comme le chef du luthéranisme, mais chef souvent contesté et harcelé. Plusieurs de ses coreligionnaires ne cessèrent de s’élever contre ce qu’ils qualifiaient d’apostasies : concessions aux catholiques ou plutôt au bon sens dans la théorie de la justification ; concessions sur des points de culte, etc.

De plus en plus, Mélanchthon avait incliné vers l’utilité religieuse des œuvres. Dans l’Intérim d’Augsbourg (1548), revisé par lui à Leipzig, on les déclarait nécessaires au salut. De là, les protestations de Nicolas d’Amsdorf, de Mathias Flacius Illyricus, de Nicolaus Gallus, Schnepf, Stolz, Aurifaber et autres.

Dans l’Intérim, Mélanchthon avait aussi concédé beaucoup de points du culte catholique : l’usage des vases et des ornements sacrés, des cierges, du latin, le bréviaire et les jeûnes, les sacrements de la confirmation et de l’extrême-onction, celui de la pénitence, quoique non dans le sens catholique, la messe, mais sans la croyance à la transsubstantiation, le culte des saints et des images. Il regardait ces points comme indifférents : adiaphora. « La vraie doctrine évangélique », se disait-il, suffirait à renseigner le peuple sur ce que ces rites avaient de fâcheux. Flacius, Gallus et autres protestèrent vivement contre cette prétendue indifférence. En 1552, Mélanchthon abandonnait l’Intérim. Toutefois, la lutte ne finit vraiment qu’avec la Formule de concorde de 1577 : Solida declaratio, art. 10 : chaque Église recevait le droit de se servir de ces rites et objets selon sa convenance.

En même temps se poursuivait la lutte sacramentaire. Finalement, là encore, Mélanchthon essaya de garder une position intermédiaire entre Calvin et les luthériens, et naturellement ne parvint à contenter personne. Sous des formes diverses, cette lutte, comme les précédentes, se continua jusqu’à sa mort. Aux disciples de Mélanchthon on donna le nom de Philippistes. A l’origine, ce nom leur vint de Flacius et autres adversaires, et comportait un seiis satirique. Il devint quelque peu synoinmede cryptocalviniste.

En 1551, il pensa aller au concile de Trente. A cette fin, il écrivit la Confession saxonne, sorte de reproduction adoucie de la Confession d’Augsbcurg. Il se rendit jusqu’à Nuremberg : mais au mois de mars 1552, il était de retour à Wittenberg.

De plus en plus, les infirmités étaient devenues crucifiantes. La mort de sa femme (1557) et de plusieurs amis avait accru ses tristesses. Souvent, dans ses dernières années, il soupirait après l’union dans son Église ; il répétait le mot du Sauveur dans saint Jean : < Qu’ils soient un comme nous sommes un. » C’était vouloir la quadrature du cercle. Enfin ; le