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MÉKHITAR — MEKHITARISTES


de la ville (8 septembre 1717). Ils n’y trouvèrent que des ruines et se mirent immédiatement à bâtir un couvent et une église, tout en se préparant à réaliser le but de leur fondateur qui était le relèvement intellectuel et moral du peuple arménien. Mékbitar ne se laissait pas absorber par les soucis matériels, et donnait à ions l’exemple du travail en consacrant ses loisirs à l’étude. Il fonda même une imprimerie dont les productions devaient porter en Turquie les lumières de la foi chrétienne. Il termina le monastère en 1710. Trois ans plus tard, il sentit les premières atteintes d’une grave maladie qui finit par l’emporter le 27 avril 1749, à l’âge de soixante-treize ans. En 18 1 1, le cardinal Moonnico fit le procès de l’Ordinaire pour introduire sa cause de béatification à Rome, mais les troubles politiques qui ne taillèrent pas à éclater dans la péninsule arrêtèrent les démarches. Mlles ont été reprises en 1901, sous les auspices du cardinal Sarto, patriarche de Venise, le futur Pie X. Mékhitar a laissé des œuvres assez nombreuses, parmi lesquelles il faut citer un Commentaire sur l’évangile de saint Matthieu (1737), un Commentaire sur l’Ecclésiastique, une Grammaire et un Dictionnaire arméniens (1744), un Catéchisme en arménien vulgaire, un Poème à la sainte Vierge, et une Bible arménienne H 733), considérée comme fort précieuse.

Vita detl’abbate ^lechitar, Venise, 1810 ; La vie du serviteur de Dieu Mcchitar, fondateur de l’ordre des moines arméniens ùléchilaristes de Venise, ainsi que la vie des abbés généraux et des moines les plus célèbres de la congrégation, Venise, 1901 ; P. Minas Nurikian, II servo di Dio Abbate Mechilar, fondatore dei PP. Mechitarisli (Padri Arment Benedictini) di Venezia, di Viena, Sua vita et suoi lempi, Rome, 1914 ; Notice sur le couvent arménien de Saint-Lazare de Venise, Venise, 1921.

R. Janin.

    1. MEKHITARISTES##


MEKHITARISTES, bénédictins arméniens, fondés par Mékhitar. — Il est difficile de déterminer la date exacte à laquelle fut constituée cette nouvelle congrégation, bien que l’on accepte habituellement celle du 8 septembre 1701. La Société se composa tout d’abord des disciples que Mékhitar avait groupés autour de lui à Constantinople et dont plusieurs étaient prêtres. Avant de fuir devant la persécution, il s’était mis avec eux sous la protection de la sainte Vierge et leur avait donné le double titre d’ « Enfants de Marie » et de « Docteurs de la Pénitence ». Ils se retrouvèrent tous à Modon, en Morée, où ils bâtirent bientôt une église et un monastère dédiés à saint Antoine, ermite. Le but de la société était et demeure encore la diffusion de la foi chrétienne parmi les Arméniens et leur formation à la fois religieuse, littéraire et scientifique. On n’y admet que des Arméniens. Au début, la règle était celle de saint Antoine, assez commune parmi les moines orientaux, encore qu’il ne faille pas donner à ce terme de règle le sens rigoureux qu’il a pris en Occident. Les mékhitaristes ont conservé dans leurs armes des traces de ces origines. Elles représentent en effet une croix contournée aux quatre cantons des emblèmes de saint Antoine : la flamme, la cloche, l’évangile et le bâton.

En 1711, Mékhitar envoya à Rome deux de ses religieux, les PP. Élie Mardyros et Jean Simon, pour oiïrir à Clément XI l’humble hommage du monastère de Saint-Antoine de Modon et de ses habitants. Ils devaient également solliciter l’approbation de la nouvelle société et de ses constitutions. Le pape accueillit favorablement cette demande et approuva la petite congrégation, mais en modifiant la règle. Jugeant que les coutumes du monachisme oriental, qui visent plus à la sanctification personnelle des religieux qu’à leur action sur les âmes, convenaient assez mal au but de l’institut, il demanda aux mékhitaristes de renoncer à la règle de saint Anloinc et de choisir entre celles

de saint Augustin, de saint Basile et de saint Benoît. En même temps, il nommait Mékhitar premier abbé du monastère (1712). Ce fut la règle de saint Benoît que l’on adopta. Mékhitar et ses religieux émirent de nouveaux voeux selon cette règle (1715). Le 4 décembre 1702, Clément XIII approuvait encore les constitutions.

En 1717, les mékhitaristes prenaient possession de l’île de Saint-Lazare à Venise et s’y construisaient un monastère et une église sur les ruines d’un lazaret. Tout était organisé en 1740. Les mékhitaristes n’avaient pas attendu ce moment pour travailler efficacement au relèvement de leur nation. L’imprimerie que Mékhitar avait installée dans le couvent envoyait en Turquie les ouvrages de science et de religion qu’ils composaient dans leur solitude, et des missionnaires allaient porter les lumières de la vraie foi en Asie Mineure. A la mort de Mékhitar (1749), la congrégation comptait 41 prêtres et 13 frères convers. Vingt-quatre ans plus tard, ils se séparèrent pour former deux branches différentes, qui existent encore aujourd’hui.

I. Mékhitaristes de Venise.

Mékhitar eut pour successeur Etienne Melkom ou Melkior, originaire de Constantinople. Le nouvel abbé voulut modifier les constitutions, ce qui amena de profondes dissensions, Le chapitre général de 1772 fut très agité et les opposants, sous la conduite du P. Babighian, se séparèrent rjour former une congrégation distincte. Nous en reparlerons plus loin (Mékhitaristes de Vienne).

Melkom mourut en 1800 et laissa le gouvernement de la congrégation à Aconce Kôver, né en Transylvanie, où se trouve encore aujourd’hui une forte colonie arménienne. Aconce prenait le pouvoir en des temps difficiles, à cause de la conquête de la Vénétie par les armées françaises. Pour éviter la dispersion des religieux et la vente des biens du monastère, il imagina de faire reconnaître Saint-Lazare comme une académie. La nationalité des mékhitaristes, les travaux littéraires et scientifiques auxquels ils se livraient depuis plus d’un demi-siècle, aplanirent les difficultés et Bonaparte leur accorda la reconnaissance désirée. Ils purent ainsi continuer en paix leurs travaux apostoliques. Aconce oblint de Rome le titre d’archevêque, attaché depuis cette époque à celui d’abbé de Saint-Lazare (18 mai 1804). — Sukias de Somal lui succéda en 1824 en cette double qualité. Ce fut lui qui donna la plus vive impulsion aux travaux littéraires et scientifiques. des religieux. Il prêchait d’ailleurs d’exemple, car il fut un écrivain distingué et publia de nombreux ouvrages. Il fonda les deux collèges nationaux de Venise et de Padoue. — A sa mort (1846), il fut remplacé par Georges Hurmuz, auteur de traductions arméniennes fort nombreuses de classiques anciens et modernes. — La congrégation de Venise fut gouvernée pendant près d’un demisiècle (1876-1921) par Mgr Ignace Ghiurékian, qui lui donna un plus grand développement. Il réorganisa l’imprimerie, qu’il dota de machines perfectionnées, restaura et agrandit, l’église du monastère et fonda plusieurs missions en Turquie, missions qu’il eut la douleur de voir à pfcu près toutes disparaître au cours de la guerre mondiale.

La congrégation de Venise reçut sous son gouvernement de nouvelles constitutions que Rome approuva pour six ans, le 6 août 1909. Elle est gouvernée par l’abbé-archevêque, assisté d’un Conseil de dix membres nommés par le chapitre général. Elle se recrute exclusivement parmi les Arméniens. En général, on préfère prendre de jeunes enfants de manière à faire toute leur éducation dans le monastère. Quand ils ont terminé leurs études classiques, c’est-à-dire vers la dix-septième année, ils entrent au noviciat et conti-