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MEDINA

MEDISANCE

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Le 16 décembre 1567, Philippe II demandait au pape la permission de faire imprimer l’œuvre de Médina contre les Centuriateurs de Magdebourg. Il s’agit, pensons-nous, de l’ouvrage suivant : De sncrorum hominum continentia libri quinque, in quibus sacri et ecclesiastici cœlibatus, orign, progressifs et consummatio ex sacris Scripturis sanctorumque Palrum scriptis proponitur, staluitur et ab hæreticorum nostri temporis calumniis propugnutur et defenditur, in-fol., Venise, 1568. II écrit, flans sa préface, avoir composé cet ouvrage par ordre de François Gustnan, commissaire général ultramontain des mineurs observants, et sur la demande de plusieurs évêques réunis au synode de Tolède, en opposition aux instances, qui étaient adressées au Concile de Trente, pour obtenir, dans un but de pacification, qu’il fût permis aux prêtres d’Allemagne, qui auraient élé mariés avant leur entrée dans les ordres, de continuer à cohabiter avec leurs femmes, comme les membres du clergé oriental. Bellarmin et Petau lui ont reproché d’avoir ; t. I, c. v, attribué à saint Jérôme et à d’autres Pères, l’erreur d’Aérius, enseignant qu’il n’y avait de droit divin, aucune différence entre les évêques et les simples prêtres. Médina s’était appliqué dans ce livre à s’affranchir de la terminologie scolaslique, afin d’écrire dans une langueplus élégante, comme il convient au philosophe et au théologien, qui tient aux idées plus qu’aux mots. Au besoin il abandonnait le latin pour la langue vulgaire, suivant le public auquel il s’adressait, comme dans le Tratado de la christiana g verdadera humilidad, et VExercicio de la verdtdera y christiana humilidad, 2 in-8°, Tolède 1570. Wadding lui attribue encore un Traclatus depurgatorio, imprime à Venise ; quant aux deux autres, De salutari pœnitentia et..De reslitutione et contractibus, qu’il inscrivait sous son nom, ils appartiennent à Jean Médina, voir ci-dessus.

Nous avons omis de parler du premier ouvrage de notre auteur, celui qui sera cause des épreuves de la fin de sa vie, pour le faire plus en détail. En 1554 le célèbre Dominique Soto, O. P., publiait à Salamanque des Annotalioncs, dans lesquelles il censurait assez vivement, comme luthériennes, soixante-sept propositions du fameux franciscain, Jean Wild (Férus), mort cette même année, et qu’il avait relevées dans ses Enarraliones in Joannis euangelium et primant ejus epistolam, Mayence, 1550, Paris, 1552. Le P. Médina prit la défense de son confrère et écrivit non moins vivement une Apologia Joannis Feri, in qua LXVII loca Commentariorum in Joanncm quæ Dominicus Soto lutherana trad.xerat, ex sacra Scriplura sanctorumque docirina lesliiiiuntur, Alcala, 1558. Soto laissa passer cette Apologie sans même la lire, assuret-ii, préférant ne pas y répondre, ne bos longo jam jago decalvatus cum eleganli vitulo corrixari videretur. In IV libr. Sententiarum commentarii, Salamanque, 1560, à la dernière page. Deux ans après, Alcala, 15C2, Médina publiait un nouveau livre, dans lequel il corrigeait les Enarraliones in Joannis euangelium de Wild et aussi celles in Mallhœum, Lyon, 1559, que la Sorbonne avait jugées indigues de correction. C’est cet ouvrage qui devait quelques années plus tard être condamné par l’Inquisition de Tolède et faire jeter l’auteur en prison. Inscrite au catalogue de l’Index, l’Apologie en a été effacée lors de la révision du catalogue sous Léon XIII.

HurteivVoméficiator, 3’édit., t.n.col. 1189, Kirchenlexikon,

t.vm, 1893 ; Melchiorri, Annales minorum, t. xxi, ad an. 1578,

n.66-7.S ; Paslor, Gesch. der Pàpsle, t. vii, p. 306, n. 4 ; Wad ding-Sbaraglia.Scriptortsordmisminorurn.Rome, 1906-1921.

P. Edouard d’AIençon.

    1. MÉDISANCE##


MÉDISANCE. — I. Qu’est-ce que médire ? IL Façons de médire. III. Gravité de la médisance. IV. Péché de ceux qui l’écoutent. V. Réparation.

Le prochain a droit à sa renommée ; or on la lui dérobe par la détraction. C’est un vice malheureusement trop commun. Il y a des gens dont le palais est ainsi fait qu’il ne peut souffrir les douceurs, qu’il se plaît, au contraire, à savourer les amertumes et les acidités. Bien plus nombreux sont les esprits malveillants ou légers, pour qui la louange d’autrui, lt récit du bien sont chose insipide, insupportable, et qui, par l’effet d’un goût dépravé, aiment les chroniniques scandaleuses, les propos médisants, font leurs délices des conversations qui entament la réputation du prochain. Entretenez-les de sujets pourtant dignes d’intérêt, mais que vous n’aurez point relevés par quelque censure des défauts d’autrui, ils deviennent muets, ils s’endorment ; donnez à vos paroles un Ion dénigrant, quelque saveur médisante, aussitôt ils s’éveillent, ils s’animent, ils sont subitement éloquents.

I. Qu’est-ce que médire ? — La détraction se produit sous deux formes, la calomnie et la médisance. La calomnie a la spécialité des imputations fausses et mensongères. La médisance consiste à découvrir sans nécessité les fautes et les défauts du prochain.

1° Par fautes ou défauts, on entend surtout ici des fautes et des défauts d’ordre moral, de nature par conséquent à ruiner dans les autres l’estime à laquelle il a droit, une réputation justement acquise, ou qu’il n’a point mérité de perdre. Des défectuosités de nature, soit physiques, soit intellectuelles, où le libre arbitre n’entre pour rien, ne sont pas proprement matière à médisance car elles n’enlèvent rien à la bonne renommée de quelqu’un. Toutefois il convient de n’en parler, de ne les faire connaître qu’avec une extrême prudence. Manifestées, publiées sans discernement, elles ne font peut-être rien perdre à autrui de sa valeur morale, mais elles ne laissent pas, en général, de lui causer de la peine, ou même quelque autre préjudice. Ce sont là des distinctions délicates et sages dont une conscience droite, sérieuse et timorée, sait tenir pratiquement compte. A part donc cette réserve qu’il importe de ne point perdre de vue, une manifestation des fautes ou des défauts du prochain, telle qu’il en résulte pour lui une réelle diminution d’estime, ou une atteinte à sa bonne renommée, voilà ce qui donne vraiment à la médisance son fond de malice. /

La réputation est un de ces biens impalpables, immatériels qui n’ont de réalité que dans la pensée des hommes ; c’est de notre imagination ou de notre esprit seuls qu’iis tirent ce qu’ils ont d’effectif. Quoi qu’il en soit de leur consistance ou de leur solidité, on les évalue souvent un grand prix ; et pour ne parler que de la réputation, d’aucuns la préfèrent aux richesses, à la vie même « Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée », dit un proverbe d’une vulgaire, mais profonde sagesse. Quoi d’étonnant ? La réputation est une extension, un prolongement dans l’esprit des autres de notre personnalité ; par elle nous vivons en autrui d’une vie d’honneur et d’estime. Cette sorte de vie civile et sociale qu’on appelle la renommée, chacun trouve un plaisir naturel à la posséder, à la faire naître et grandir. Il y a plus, c’est presque toujours un instrument de prospérité matérielle, une condition d’influence, un élément nécessaire de succès, que tout le monde a intérêt de garder, que d’aucuns même ont le désir de conserver intacts. A quelle funeste erreur donc se laissent entraîner ceux qui médisent d’un cœur léger 1 Leurs paroles frappent l’air un instant, s’envolent et passent ; c’est à quoi ils font seulement attention ; mais une chose -à laquelle ils négligent trop de réfléchir, c’est que leurs paroles tiennent du vol et de l’homicide. Elles vont dévaster chez. les autres l’estime due au prochain et avec elle