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M E D I N A


du début de sa fameuse dissertation. Mais, même au sens traditionnel du mot probable que garde Médina, si certain qu’on soit en matière probable, on n’a pas la démonstration apodictique de la certitude qu’on possède, d’où une crainte de se tromper qui l’ait qu’une proposition probable, sans être le moins du monde douteuse, ne détermine pas la volonté et laisse le champ libre à l’élection. Dès lors le dernier jugement pratique, celui qui impère l’action, pourra, sous la vertu de prudence, déclarer que pour nous, subjectivement, c’est telle ou telle conduite qui est la meilleure, dans un ensemble de conduites honorables possibles, quelle que soit la hiérarchie qu’objectivement ces conduites puissent soutenir entre elles. A l’imprudence nul n’est tenu. Au conseil même, et même évangélique, nul n’est tenu, on n’est tenu qu’au précepte. Il ne s’agit pas chez Médina de conflit entre plusieurs obligations morales contradictoires et où l’on aurait le droit de choisir la moindre. Bien au contraire, sur ce point-là Médina est formel, presque tutioriste. Il s’agit seulement chez Médina de conduites honnêtes, libres, en conflit possible : il est bien, comme il le dit, de se marier et il est mieux d’être chaste. Médina permet à tel homme particulier, selon sa prudence, de se marier. On ne peut donc pas dire qu’il tombe dans un tutiorisme outrancier. Il reste cependant que sa doctrine est ni plus ni moins celle du bon sens chrétien, auquel tout le monde se rallie.

La confusion, il faut le dire, était d’autant plus permise pour les moralistes qui suivirent Médina, que celui-ci y prêtait parun vocabulaire impropre. Puisqu’il admet, au sens ancien du mot probable, que le probable est ce qui peut être fermement considéré comme certain en matière d’action contingente, il n’a pas le droit d’opposer des opinions plus ou moins probables les unes que les autres, ce qui fait croire qu’il donne au mot probable son sens moderne, selon lequel il est possible de distinguer dans le probable des degrés allant du doute à la certitude. Aux exemples qu’il donne, on voit que Médina parle de gradation dans la certitude de jugements de valeur, tandis qu’il pense en réalité à la gradation des valeurs jugées, telles que la chasteté ou le mariage. En fait, le chrétien sait avec la même certitude morale que le mariage, de soi, est un bien et que la chasteté, de soi, est un très grand bien.

Par l’incompréhension de certains casuites, Médina est devenu historiquement, mais bien malgré lui, le père du probabilisme absolu. Néanmoins, on ne peut mettre sous le prétendu probabilisme de Médina qu’une doctrine trop sage et trop générale pour être compromise dans des querelles d’écoles.

Pour une question aus-i débattue, il est difficile de donner une bibliographie complète. Voici quelques indications : Quétit-Échard, Scriplores ordinis preedicatorum, t. ii, p. 256-257 ; Mandonnet, Le décret d’Innocent XI contre le probabilisme, p. 81-88 ; Mortier, Histoire SË8 maitres généraux de l’ordre des frères prêcheurs, t. vii, p. 178-180 ; Hurter, Nomenclator, 3e édit., t. iii, col. 144 ; Concilia, Delta sloria del probabilismo, 1743, t. ii, p. 18-20.

M.-M. Gorce.

    1. MEDINA Jean##


2. MEDINA Jean, né à Alcala de Hénarès vers 1490, enseigna pendant vingt ans la théologie à l’uniiié de cette ville ; il mourut, épuisé de travail, en lô 10. Fort estimé de ses contemporains, il avait acquis une véritable renommée comme professeur ; ses remarquables qualités pédagogiques attirèrent autour de sa chaire un grand nombre d’étudiants. Il n’a rien imprimé lui-même, mais on fit paraître après sa mort deux volumes représentant une partie de son enseignement moral : 1. De reslitutione et contractibus tructatus sive codex, nempe de rerum dominio alque earum restilutione et de aliquibus contractibus, de usura, de

cambiis, de censibus. 2. In tilulum de pmnilentia

e jusque parti bus commentarius, se. de pœnitentia cordis, de con/i’ssione, de satisfactione, de jejunio, de eleemosyna, de oratione, 2 vol. in-fol-, Salamanque, 1550 ; réédités à Ingolstadt, 1581 ; Brixen, 1589, 1606 ; Cologne, 1607. — F. Ehrle a attiré l’attention sur deux mss. du Vatican : VOitob. 1044 qui contient, fol. 162-231, et fol. 231 v°-261, une rédaction du cours de Médina par un de ses élèves ; elle porte sur le Liber l us Sent., et sur un partie du 7/ us Sent., et VOtlob 714, qui contient aussi quelques fragments de cours. Le texte du Lombard est expliqué selon G. Biel. Médina occupait en effet la Caledra de los nominales. Il y aurait intérêt, pour l’histoire de la théologie, à étudier de près les particularités de l’enseignement de Jean Médina, soit d’après les traités imprimés (particulièrement celui de la pénitence), soit d’après les textes inédits.

N. Antonio, Bibliotheca hispana nova, 2e édit., Madrid, 1783, t. i, p. 740-741 ; art. de Morgott, dans Wetzer et Welt, Kirchenlexikon, 2e édit., t. viii, 1893, col. 1162 ; Hurter, Nomenclator, 3e édit., t. ii, col. 1559 ; F. Ehrle, Die vatieanischen Hss. der Salmanticcnser Theologen des XVI Jahrhunderts, dans Der Kalholik, 1885, 1. 1, p. 512-514.

É. Ahann.

    1. MEDINA Michel##


3. MEDINA Michel, frère mineur de l’observance, de la province de Castille (1489-1578) originaire de Belalcazar, au diocèse de Cordoue, appartenait à la famille noble des Médina. Il l’abandonnait à l’âge de vingt ans pour entrer en religion. Après ses vœux, ses supérieurs l’envoyèrent suivre les cours de la célèbre université d’Alcala, où il perfectionna une première éducation très soignée, s’appliquant surtout à l’étude de l’Écriture sainte et des langues grecque et hébraïque. En 1550 il était nommé lecteur d’Écriture sainte à cette même université, et i ! s’acquit une telle renommée que le roi Philippe II le choisissait pour être un des théologiens qu’il envoyait représenter l’Espagne au Concile de Trente. Le P. Michel était également considéré dans sa famille religieuse ; le chapitre général de 1571 le nommait définiteur général, et il était sur les rangs pour, la première dignité de l’ordre. Il devait toutefois achever sa vie dans l’épreuve : un de ses ouvrages attira sur lui les rigueurs de l’Inquisition de Tolède ; cité à comparaître devant son tribunal, malgré son grand âge, Médina était condamné à la prison et il n’en sortit qu’au bout de cinq ans et demi, car ses forces épuisées commandaient cet élargissement tardif. Le 29 avril 1578, on le transportait en litière au couvent de Saint-Jean-des-Rois, dont il avait été gardien. C’était pour y mourir deux jours après.

Le P. Médina avait publié plusieurs ouvrages dont voici les principaux : Enarralio tiium locorum ex cap. il Deuteronomii, cathedree sacrarurn Scripturarum Académies Complutensi assignalorum et in publico theatro explanalorum, in-4°, Alcala, 1560 ; Clirisliana parsenesis sii>e de recta in Deum fide libri scplem in-fol., Venise, 1564. Ce volume n’est qu’une partie de l’ouvrage qu’il se proposait de faire paraître, dans laquelle il traite des principes de la foi, des motifs de crédibilité, du caractère surnaturel de la foi, de sa nécessité, des livres canoniques et de la nécessité d’un interprète autorisé pour leur explication. Ses contemporains louèrent fort cet ouvrage ; ils comparaient l’auteur aux anciens coryphées de la doctrine catholique et l’un d’eux, Eysengrein, Calalogus teslium veritatis, saluait en lui un nouvel Hercule de la théologie. Disputatio de indulgentiis adversus nostri temporis hæreticos, ibid., 1564, dédié aux Pères du concile de Trente. Expositio in quartum Symboli uposlolici articulum, qui parut avec le précédent et faisait partie des travaux préparatoires à la rédaction du catéchisme romain.