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MÉDECINS (DIVERSES OBLIGATIONS DES)

MEDINA

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mettre sans une faute plus ou inoins grave. A n’en pas douter, il pécherait mortellement s’il donnait aux malades des conseils directement contraires au précepte de la chasteté.

Un médecin traitant est tenu au secret professionnel vis-à-vis de ceux ijni le consultent, sur tout ce qu’il apprend ou découvre de leurs maladies.

Un médecin sérieux, chrétien surtout, n’omettra pas d’avertir un malade ou son entourage du danger assez proche qu’il court, afin qu’il ne meure pas sans avoir reçu les sacrements et mis ordre à ses affaires. Il le fera par acquit de conscience, pour obéir au précepte de la charité chrétienne ou tout au moins par un sentiment d’honnêteté naturelle. A défaut d’autres qui n’oseraient faire au mourant la pénible communication, ou par un respect trop grand ou par crainte de ne pouvoir le persuader, le médecin ferait bien de l’avertir en personne. Il n’est dispensé de ce devoir que s’il est certain moralement que son malade est en règle avec sa conscience et qu’il a rangé ses affaires, ou, malheureusement, qu’il est tout à fait résolu à repousser les secours de la religion.

4° De l’obligation pour le médecin de ne pas exagérer ses prix, ni d’occasionner à ses clients des dépenses exorbitantes. — Les médecins ont le devoir d’épargner à leurs malades les frais inutiles. Ils pécheraient donc si, dans une pensée de lucre et sans utilité aucune, ils multipliaient leurs visites, s’ils exigeaient pour chacune un honoraire excessif, s’ils faisaient durer outre mesure leur médication, ou encore s’ils prescrivaient des médicaments superflus, d’un prix trorj élevé. Il y a’un prix communément reçu, déterminé par l’usage et auquel s’attend le maiade-qui fait appeler le médecin. L’honoraire est en rapport avec la difficulté, par exemple d’une opération chirurgicale, l’expérience tt le renom du praticien, sa clientèle nombreuse, son déplacement, ou encore la condition des personnes qui le consultent. Ce sont là autant d’éléments dont un docteur peut légitimement tenir compte. Cependant il ne majorera pas ses prix au point de dépasser considérablement ce que les médecins les plus réputés demandent à des gens qui ont de la fortune et pour des services ordinaires.

On ne pourrait taxer d’injustice un médecin qui prescrirait à un malade perdu sans ressource, des médicaments inoflensifs, mais parfaitement inutiles. C’est chose permise, en raison du consentement présumé du malade, si d’ailleurs la famille est dûment avisée et si les frais occasionnés ne sont pas considérables. Dans l’espèce on ne peut dire que les remèdes sont absolument inutiles ; ils sont pour cet infortuné un adoucissement au moins moral ! Ils l’empêchent de concevoir un vif chagrin, de se désespérer comme quelqu’un qui se verrait abandonné et perdu.

Saint Thomas, Summa Iheologica, II l -II æ, q. lxiv, a. 8 ; q. lxv, a. 1 ; q. lxxi, a. 1, a. 3, ad 1° : " ; Lehmkuhl, Theologia moralis, Fribourg-cn-Brisgau, 1890, t. i, p. 993-995 ; Noldin, Summa theologiæ moralis, Inspruck, 1911, n. De prœeeplis, 713-746 ; Sebastiani, Summarium Iheologiæ moralis, Turin, 1918, n° 385. Enfin d’une manière générale les cours de Déontologie médicale.

A. Thouvenin.

1. MED SNA (Barthélémy de), frère prêcheur espagnol (1528-1580 ;. — Né à Médina del Rio Sicco dans la pro ir.ee de Léon, Médina entra dans l’ordre de saint Dominique à Salamanque. Il occupa d’abord dans l’université la chaire de théologie consacrée en principe à l’enseignement des doctrines de Durand de Saint-Pourçain, et qui était une des originalités de Salamanque. Médina occupa ensuite la première chaire de théologie, depuis 1576 jusqu’à sa mort qui advint le 30 décembre 1580. Dans cette chaire célèbre, il se fit le commentateur à la fois zélé et très personnel

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

de saint Thomas d’Aquin. A ce double titre, il jouit de son vivant même d’une grande réputation, et ce fut le maître général de son Ordre qui lui enjoignit de publier ses commentaires. - - Outre l’explication des soixante premières questions de la III a pars de la Somme théologique, In III iim parlem, Salamanque, 1578 ; Venise, 1582 et 1602 ; Salamanque 1584 et 1596, Cologne, 1618, Médina publia un commentaire de la Ia-IIæ, maintes fois imprimé. C’est sans fondement qu’on a assigné à la première édition de ce dernier commentaire la date llottanle de 1571 ou 1572. La première édition, et qui se donne comme telle, est de 1577, Salamanque. D’autres suivirent en 1582, Bergame, en 1586, Côme, en 1587, Saragosse, en 1588, Salamanque, en 1590 et 1602, Venise, en 1602, Barcelone, en 1619, Cologne. On a également de Médina une Brève instruction en espagnol sur la manière d’administrer le sacrement de pénitence, Salamanque, 1580 et maintes rééditions, traduites en latin, Venise, 1601, et en italien Venise, 1582, Ferrare, 1584.

Médina intéresse surtout l’histoire de la théologie pour avoir, selon une opinion commune, formulé pour la première fois la théorie du probabilisme qui devait entraîner dans les siècles suivant une si profonde scission entre les moralistes. Afin d’étudier ce point particulier il convient dî procéder ainsi : 1. Le probabilisme avant Médina ; 2. La thèse de Mcdina ; 3. L’inteiprétation largement probabiliste de la thèse de Médina et sa destinée historique ; 4. L’interprétation stricte de la thèse de Médina.

Le probabilisme avant Médina.

Avant Médina,

certains auteurs ecclésiastiques anciens ont bien pu recommander la modération.et la prudence en matière de morale. Mais faut-il voir à l’école dominicaine de Saiamanque, dont Médina fut d’abord l’élève avant d’être l’un des maîtres, se dessiner avant notre théologien les premiers linéaments du probabilisme ? Non. Dans une partie originale d’un article du Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. iv, coi. 316, le P. de Blic mentionne seulement chez un des initiateurs de l’école de Salamanque, Vittoria († 1546), une thèse delà liberté en cas de doute : Vir literatus si repulct duas opinioncs probabiles, tune quam.cum.que opinionem sequatur non peccat. In I àm -II æ, q. xv, a. 5, commcii taire manuscrit de la Bibl. valicane, n. 1630. Melchior Cano (î 1560) admet qu’au confessional on peut céder à une conscience mieux éclairée que la sienne propre, en matière de probabilité du meilleur. Les autres thomistes de Salamanque, tel Dominique Soto († 1560) admettent, hors le cas in dubiis libcrlas, que le juge, le médecin, le théologien doivent suivre le plus probable dans leurs décisions professionnelles. Ainsi, même à Salamanque, on ne peut vraiment pas dire que Médina ait trouvé le probabilisme tout l’ait ou même en formation.

2° La thèse de Médina. — Ce que l’on considère comme la charte du probabilisme est une dissertation concise et nette, insérée par Médina dans son commentaire de la I a -IF°, comme explication de l’article 6 de la question xix : Utrum volunlas concordons rationi erranti sit bona ? Médina réduit préalablement le texte de saint Thomas à trois propositions, selon lesquelles la volonté vaut ce que vaut la raison qui la commande. Si la raison se trompe, on ne doit pas faire le contraire de ce qui paraîl à tort raisonnable, car s’écarter de l’apparence même de la raison, c’est déjà pécher. Médina amplifie ces données en expliquant que, pour saint Thomas, la conscience est un acte de la raison particulière en matière particulière. La conscience faussée oblige <le par la loi divine qui veut quel’on agisse selon sa conscience, et il y a toujours péché à agir contre sa conscience. Des lors, si l’on ne se sent pas coupable d’avoir

X.

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