Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée

33

    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), ÉPOQUE DES CROISADES

solliciter l’intervention de leur patriarche auprès des autorités civiles.

Toutefois, ce ne pouvait être qu’un palliatif. Il i allait trouver d’autres garanties pour la sauvegarde de la foi. Et alors, les maronites prirent le parti d’abandonner les riches plaines de la Syrie pour se réfugier au Liban, de quitter les rives de l’Oronte, où pouvaient -épanouir les cultures les plus variées, pour des arides montagnes aux terres informes et sauvages. H. Laminens. Le Liban, t. 11, p. 29, 51-52.

L’émigration maronite ne se fit pas tout d’un coup. Commencée dès la fin du viie siècle, elle continua progressivement. Les maronites s’établirent d’abord dans la région du Nord, notamment au pied du massif montagneux des Cèdres ; plus tard, ils poussèrent vers le centre et le sud ; et ainsi, peu à peu, le Liban se couvrait de cette population active et laborieuse. Cependant, la partie septentrionale demeura comme le centre de leur groupement. Lammens, ibid, p. 51-53.

Le peuple maronite avait désormais sa patrie définitive. C’est à la faveur de ces montagnes qu’il vécut et qu’il vit toujours de cette vie simple, austère et laborieuse. Cf. Ristelhueber, op. cit., p. 15, 38-39.

Arrivés au Liban, les maronites eurent pour premier souci d’organiser le culte. Au milieu du viii e siècle, on trouve déjà des églises maronites, telle, par exemple, celle de Mar-Mâmâ (saint Mammas) à Ebden, bâtie en 749. Douaïhi, Manârat El-aqdâs ^lampe du sanctuaire), t. i, Beyrouth, 1895, édit. Chartoùnî, p. 103. Les nouveaux venus se trouvèrent en contact avec les populations indigènes aussi bien qu’avec certains éléments étrangers comme les Djarâdjima ; ils lesabsorbèrent pour ne plus faire qu’une seule nation. Lammens, Le Liban, t. ii, p. 53-54 ; La Syrie, t. i, p. 81-82.

La destruction du monastère de Saint-Maron et le transfert de la résidence patriarcale au Liban activèrent encore davantage le mouvement d’immigration. Les maronites, se répandant dans le pays des cèdres, y plantèrent la croix et firent de ce massif un autel chrétien.

Néanmoins, une partie d’entre eux s’établit ailleurs. En effet, les documents de la première moitié du xiie siècle nous révèlent l’existence de monastères maronites dans l’île de Chypre. Voir dans J.-S. Asscmani, Bibl. orient., t. i, p. 307, et dans Ét.-Év. Assémani, op. cit., p. xxviii-xxix, 18, la reproduction de notes écrites, en 1121, 1141 et 1154, sur des mss. conservés à la Vaticane et à la Laurentienne de Florence ; cf. aussi Chebli, Biographie de Douai hi, p. 37. A quelle époque remonte la fondation de ces monastères ? Probablement au ixe siècle, à la suite de la persécution générale qui eut lieu, sous Al-Mamoun (813-B 33), en Syrie et en Palestine. Bon nombre de chrétiens et d’ecclésiastiques se réfugièrent alors à Chypre, située à quelque cent kilomètres de la côte libanaise. Karalevskij, loc. cit., col. 599.

Au xi c siècle, on trouve une communauté maronite établie dans la région d’Alep et gouvernée par un évêque, Thomas de Kaphartab (voir ci-dessus, col. 15), et nous savons qu’en 1140 un chef maronite, Simon, prit Aïntâb qui se trouve au Nord d’Alep. Rôhricht, Geschchite des Kônigreichs Jérusalem (11001201), Inspruck, 1898, p. 220, n. 6 ; voir aussi Lammens, Le Liban, t. ii, p. 55.

Ces indications suffisent à montrer l’expansion des maronites en Syrie et ailleurs. Toutefois, ce fut au Liban que la grande majorité se fixa ; c’est là que s’établit le centre de la vie nationale et ecclésiastique. Les maronites avaient espéré pouvoir trouver à la faveur de la montagne une paix religieuse complète. Mais cette paix ne fut qu’intermittente et relative.

DICT. DE THÉOL. CATHOL, « Arrivés dans le Liban septentrional, peu avant les Mardaïtes, au viir siècle, ils y avaient mené une existence précaire, persécutés, décimés par les’Abbasides (750-1098), jusqu’à l’arrivée des Croisés, cependant que leurs communautés, demeurées dans les plaines et les cités riveraines de l’Oronte, achèvent lentement de se dissoudre » Lammens, La Syrie, t. n. p. 16.

IL L’époque des croisades. — « La Syrie, dit .M. Ristelhueber, fut pendant plusieurs siècles transformée en un vaste champ clos. Centre de l’empire arabe et du monde musulman sous les Oméyades, elle ne fut plus, sous les Abbassides, par suite du transfert de leur capitale de Damas à Bagdad, qu’une simple province livrée par son éloignement à toutes les intrigues et à toutes les agitations. Elle devint une proie que, dans une mêlée terrible et extraordinairement confuse, les Bédouins, les empereurs byzantins reprenant l’offensive, les Turcs Seldjoucides et les Croisés disputèrent tour à tour aux Khalifes Fatimites du Caire. Sans cesse prise et reprise, la Syrie fut, pendant trois longs siècles, mise à feu et à sang. A travers des vicissitudes dont l’histoire offre peu d’exemples, et qu’elle devait à sa situation de « carrefour des nations », tantôt morcelée, tantôt unie, elle changea plusieurs fois de maîtres, mais toujours ses conquérants éphémères s’y installaient en guerriers et non en colons. En présence de ces luttes continuelles, les maronites renforcèrent leur organisation militaire afin de maintenir leur autonomie relative. Et c’est ainsi que les grands propriétaires du Liban furent amenés à prendre de plus en plus le caractère de chefs qui combattaient à la tête de leurs paysans, devenus leurs soldats : l’aristocratie terrienne se transforma en l’aristocratie militaire des Émirs et des Cheiks. Cette évolution ne fut, en définitive, qu’une adaptation des mœurs féodales et patriarcales aux impérieuses exigences de ces temps singulièrement troublés. Obligés de lutter pour sauvegarder ce qui leur restait d’indépendance, les chrétiens du Liban sentirent la nécessité d’unir plus intimement leurs efforts en se groupant davantage et de se choisir parfois un chef unique afin de mieux coordonner leur défense. Tandis que la Syrie retentissait du fracas des armes, la plupart des événements qui se déroulaient autour d’eux ne parvinrent guère à modifier sensiblement la situation des montagnards maronites. L’un cependant produisit parmi eux une répercussion considérable : ce fut l’arrivée des Croisés. » Op. cit., p. 19-20.

Les maronites, nous l’avons démontré, allèrent dès la première heure au devant des Croisés. On devine l’immense joie qui les saisit à la vue de leurs frères d’Occident, vers lesquels ils avaient toujours tourné leurs regards et leurs pensées. Guides dévoués, courageux et expérimentés, archers habiles, ils furent pour les Croisés des auxiliaires particulièrement utiles. « Entre maronites et Francs, dit le P. Lammens, régna toujours la plus grande cordialité. » La Syrie, t. î, p. 248. Cette cordialité s’explique aisément quand on pense que les maronites se considéraient comme en parfaite communion de foi avec l’Église latine : Thomas de Kaphartab l’affirmait à la veille des Croisades (voir plus haut, col. 16). On trouve encore une nouvelle preuve de cette conviction des maronites dans la facilité avec laquelle ils se prêtaient à l’adoption de certains usages latins comme le port de l’anneau, de la mitre et de la crosse par les prélats, alors que les autres chrétiens d’Orient n’en voulaient rien entendre. Jacques de Vitry, c. lxxvii, dans Bongars, t. i, p. 1094.

Cette identité de loi amena de, bonne heure les maronites à fréquenter les églises latines et a y célébrer sur les autels et avec les ornements du clergé

N. — 2