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MAXIME I." II AT. HIORITi :. DIT LE GREC


slaves des livres liturgiques fourmillaient de fautes et d’incorrections, Maxime, en entreprit la réforme, et corrigea successivement le Triodion, YHorologc, les Menées des jetés et l’Apôtre’.

Maxime ne se borna pas à ce rôle scientifique. Il se posa aussi en réformateur de toute la société moscovite, alors en pleine décadence morale. Il s’en prit aussi bien aux vices des grands qu’aux défauts des clercs et des moines et aux superstitions populaires. Les moitiés étaient alors divisés en deux factions rivales : il y avait les Zavolgskii slarisi, partisans de la pauvreté évangélique et de la vie intérieure, et les Iossi/lianes, du nom de leur chef Joseph Volotskii, qui aimaient pour leurs monastères les grandes propriétés et les revenus opulents, et pour leurs églises les riches icônes et tout ce qui favorisait les splendeurs du culte extérieur. Maxime se rangea du côté des Zavolgskii. Il mécontenta le métropolite Daniel, qui avait succédé à Varlaam en 1521, en refusant de faire la traduction de l’Histoire ecclésiastique de Théodoret ; et, en 1524, il perdit les bonnes grâces du Kniaze. dont il désapprouva le divorce. Il fit si bien qu’il eut bientôt contre lui tout le monde à Moscou. Pour le perdre, ses ennemis les plus acharnés l’accusèrent de correspondre secrètement avec les Turcs et, en particulier, avec l’ambassadeur de la Porte, Skinder. Dans les premiers mois de 1525, son procès fut instruit en plusieurs synodes, et il fut finalement condamné comme hérétique. I.a grande hérésie dont il s’était rendu coupable, c’était d’avoir osé prétendre qu’il y avait des fautes dans les anciens livres liturgiques slavons, et d’avoir opéré lui-même des corrections dans ces livres. Certaines de ces corrections étaient, en effet, fautives, et s’expliquaient par la connaissance insuffisante que Maxime avait du slave et du russe. L’une d’entre elles se rapportait à la sessio Filii ad dexteram Patris. Par le verbe qu’il avait employé en traduisant un passage du Triodion, Maxime avait enseigné que le Fils n’était assis à la droite du l’ère que dans le temps, et non de toute éternité. Il avait eu aussi le tort de mettre en doute l’autocéphalie de l’Église russe. Enfermé d’abord dans la prison du monastère Volokolamskii « pour conversion, amendement et pénitence » et avec défense d’écrire et de composer, il eut beaucoup à souffrir physiquement et moralement. Traduit de nouveau en jugement au concile de Moscou de 1531, après la mort de Skinder, il se vit accusé de toutes sortes de délits religieux, politiques et scientifiques. Il eut beau s’humilier, reconnaître qu’il lui avait échappé des incorrections et des inexactitudes dans ses traductions, il n’arriva pas à désarmer la haine du métropolite Daniel, qui l’envoya dans la prison du monastère d’Ostrotch, au diocèse de Tver. Il passa là plus de douze ans, privé de la communion. C’est en vain que les patriarches orientaux, les moines de l’Athos et Maxime lui-même par plusieurs suppliques s’adres-Bërent à Ivan IV le Terrible, qui avait succédé à Vassili en 1533, pour obtenir que le prisonnier fût rendu à sa patrie. Ce ne fut que dans les dernières années de sa vie qu’on adoucit un peu son sort, et qu’on lui permit d’assister aux offices et de communier. En 155 :  !, il fut transféré à la laure de la Trinité prés de Moscou, où Ivan IX le visita un jour. Convoqué au concile de Moscou de 1554, qui s’occupa de l’hérésie de Bachkine, il refusa de s’y rendre, craignant qu’on ne le mêlât encore à cette affaire. Il mourut en 1556.

Persécuté de son vivant par les Russes, Maxime s’est vu auréolé par eux, après sa mort. Les historiens ecclésiastiques et profanes de la Russie saluent en lui un saint et un grand homme, un précurseur des réformes nécessaires de Nicon, un martyr de la civilisation, un des éducateurs du peuple russe. Lui qui

passa une grande partie de sa vie dans les prisons monastiques pour crime d’hérésie est regardé maintenant comme un grand défenseur de l’Orthodoxie, et il figure dans la liste des saints russes, au 21 janvier.

IL Ouvrages. — On a quelque peine à comprendre ces éloges dithyrambiques, quand on considère la médiocrité de son héritage littéraire, spécialement dans le domaine théologique, qui fut cependant pour lui le principal.

Mis à part ses travaux de traduction et de grammaire, cet héritage est constitué par une série d’opuscules de polémique religieuse roulant sur des sujets de dogme, de morale ou de liturgie. Maxime s’attaque aux latins, aux luthériens, aux mafiométans, à la secte rationaliste des judaïsants, qui avait fait son apparition en Russie sur la fin du xve siècle. Il s’en prend à l’astrologie, qui faisait alors fureur en Moscovie. Dans la querelle de l’Alleluia — il s’agissait de savoir s’il fallait chanter un double ou un triple Alléluia, à la messe — il prend parti pour le double Alléluia, « que les anges incorporels apprirent, un jour, à Ignace le Théophore ».

Parmi ces opuscules, les principaux sont les suivants : 1. Discours contre l’écrit mensonger de Nicolas Niemtchine, qui avait prétendu qu’entre la foi latine et la foi grecque il n’y avait pas de différence. 2. Éloge des saints Apôtres Pierre et Paul, où l’on attaque les trois innovations latines des azymes, du purgatoire et de la procession du Saint-Esprit. 3. Deux autres opuscules contre les latins, dont l’un, relatif à la procession du Saint-Esprit et à l’addition au symbole, fut traduit en latin par Georges Krijanitch († 1678), et a été publié par A. Palmieri, dans le Bessaricne, série III, 1912, t. ix, p. 54-79, 379-384. Il est dirigé contre le même Nicolas Niemtchine (il s’agit de Nicolas Boulev, premier médecin du Kniaze Vassili Ivanovitch), qui avait écrit une lettre sur la procession du Saint-Esprit au boiar Théodore Karpov. On peut, en parcourant cet opuscule, se faire une idée de la manière de Maxime : citations scripturaires et patristiques, accompagnées de commentaires empruntés pour la plupart aux polémistes byzantins, et de violentes diatribes contre les Latins. 4. L’ouvragé intitulé Loulsidarious, qui est à la fois une réfutation et une imitation du traité d’Honorius d’Autun, intitulé Elucidarium sive dialogus de summa totius christianse theologiæ. Le Grec, tout en attaquant çà et là le Latin, le pille sans vergogne ; il s’inspire aussi de l’ouvrage du même intitulé Imago mundi. Le Loutsidarious fut publié à Moscou en 1859 par Tikhonravov dans les Annales (Lietopis) de littérature russe et d’antiquités, 1859, t.i.

Malgré le peu de valeur intrinsèque de ces productions, Maxime exerça une réelle influence sur les Russes, qu’il dépassait de beaucoup par sa culture. Tout en le condamnant et en le persécutant, ces derniers lui empruntèrent plus d’une idée. On s’en aperçoit en parcourant la collection canonique du Stoglav ou des Cent chapitres, promulguée au concile de Moscou de 1551. On peut regretter que ce Grec, qui connaissait l’Occident catholique et en avait reçu le meilleur de son savoir, ait entretenu chez les Moscovites ce violent esprit d’hostilité à l’égard du catholicisme, qui leur avait été déjà infusé parles Byzantins dans la période précédente.

Les œuvres de Maxime Le Grec ont été publiées en trois volumes par l’Académie ecclésiastique de Kazan, de lKf><i à 1862. Les œuvres théologiques et polémiques se trouvent dans le t. I. Cette collection ne renferme pas certains opuscules déjà édités, soit dans le Scrigial de Nicon (1656), soit dans VHistoirr de l’Église russe du métropolite Platon LevUhine († 1812), soit dans le Journal du Ministère àe l’Instruction publique (1834), dans le Moskvitianine (1842),