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MAXIME DE CHRYSOPOLIS OU MAXIME LE CONFESSEUR


est celui-ci : La personnalité divine dans l’union hypostatique supprime-t-elle le ressort de l’activité humaine, la volonté ?

La réponse de Maxime au premier problème est que l’activité est chose de nature, et par conséquent suit toujours la nature et en est inséparable. Comb., t. ii, p. 71, 191-192. Le Verbe, ayant assumé la nature humaine, a donc pris avec elle l’activité humaine. Maxime établit longuement, et à toute occasion, que l’agir est chose de nature. C’est même, pour lui, l’action qui fait la distinction des choses. On ne les connaît que par là. L’activité des êtres tient à leur essence, et rien n’est qui n’agisse ; ce qui n’agit pas n’a pas d’être. Ce n’est pas que Maxime sépare totalement l’action de l’hypostase. Il ne l’en sépare pas plus qu’il n’en sépare la nature. C’est bien l’hypostase qui agit, mais par la nature, et donc l’agir doit se dénombrer par la nature. C’est pourquoi en Dieu, où il n’y a qu’une nature en trois hypostases, il y a, non pas trois activités, mais une seule. Inversement, en Jésus-Christ, où il y a deux natures en une hypostase, il y a aussi deux activités, et non une seule, t. ii, p. 174. C’est là l’un des principaux arguments que saint Maxime reproduit sans cesse contre les hérétiques. Mais, si les hypostases de même nature ont une même espèce d’activité, il y a cependant des différences dans la manière de la réaliser, t. ii, p. 71. Tous les hommes parlent, ou rient, mais chacun a sa manière particulière de parler ou de rire, et vis-à-vis de la loi des mœurs, les uns sont bons, les autres sont mauvais. A l’hypostase appartient donc quelque chose de l’activité, un mode particulier qui lui est propre et qui est incommunicable, et qui est une propriété hypostatique. Mais ce mode ne change pas l’espèce ontologique de l’activité, il n’en est qu’une expression différente selon les individus, t. ii, p. 186-187.

La solution que Maxime apporte au problème ontologique des opérations du Christ est donc très simple et très claire. L’activité, comme propriété naturelle, appartient à la nature, en est inséparable, et donc se multiplie selon la nature. Puisqu’en Jésus-Christ il y a deux natures, il est nécessaire qu’il y ait aussi deux activités. Par suite, l’hypostase unique, qui ne fait point de deux natures une seule nature, ne saurait faire non plus de leurs deux activités une seule activité ; elle fait seulement que les opérations humaines, ont leur cachet propre, du fait que la nature humaine qui les produit appartient hypostatiquement à la divinité et participe à sa puissance, t. ii, p. 52-53. L’effet de ces deux activités, humaine et divine peut être unique, comme il arrive dans les miracles, et c’est dans leur conjonction que Maxime voit réalisée la parole de Denys : èvépyeoa GeavSptxr), dont se prévalaient les monénergistes. Cette célèbre expression contient pour lui l’affirmation des deux natures. Il explique aussi en ce sens la ouyTev/) ; xoù Si’àfJKpoïv, è7riSe8eiY(jiévY] èvépyeia de saint Cyrille d’Alexandrie, t. ii, p. 43-44.

Le problème psychologique ou moral concernant la volonté était plus délicat, à cause du caractère d’autonomie que présente à première vue cette faculté et de la dépendance absolue où doit rester l’humanité du Christ vis-à-vis de sa divinité. Avant tout, il fallait sauvegarder la sainteté du Christ, lui dénier la possibilité de pécher, et par suite le libre choix entre le bien et le mal, et même la moindre tendance vers le mal. En ce sens moral, on ne pouvait dire qu’il y avait en Jésus-Christ deux volontés. On devait même dire qu’il n’y en avait qu’une. C’est ce qu’avait dit, plus ou moins clairement, Honorius. Mais les monénergistes s’emparèrent de cette expression pour lui faire signifier leur doctrine. Rome, vite remise de la première surprise, les condamna. A Maxime revint l’honneur de

formuler les distinctions nécessaires qui devaient dissiper toutes les équivoques.

Notre moine-philosophe distingue 0sXr ( (La, OéXr.aiç et 9eXt]t6v, t. ii, p. 2-3, 162. Le 0ÉXy ; |jia est la tendance vers le bien, la faculté du bien. Il signifie aussi le pouvoir d’autodétermination. QiXr^’.ç, signifie une tendance particulière, abstraction faite de son contenu. 0sXt)t6v est l’objet désiré. 0s>Y)u, a est aussi employé dans le sens de GéXïja’.ç. La distinction capitale que Maxime introduit est la distinction de 8é).r, |xa çuauc6v et de 0éÀ7)[i.a yvco ;.ux6v. Le 0sXr ; [jia’pua’.xov est la tendance foncière de l’être vers son bien. L’objet en est Ta xaxà 9’jaiv, c’est-à-dire les choses conformes à l’ordre établi par le Créateur. En l’homme, la faculté de vouloir est en dépendance de celle de connaître. Le Qz’/r t [j.'x yva>[.ux6v, c’est la volonté qui agit après une réflexion de la raison (yvcou, 7J). La volonté physique n’est pas autre chose que la faculté ou l’acte de vouloir, le simpliciler velle, tô cctzIou ; 0sXeiv, t. ii, p. 161, la volonté gnomique signifie toujours tel ou tel vouloir précis, le sic velle, t6 ttwi ; OsXeiv, t. ii, p. 162, Maxime appelle encore cette dernière : GsX^jxa 7tpoaips-71xôv ou 7rpoaîpeai< ;, volonté d’élection. La 7rpoaîpeaiç provient de l’incertitude de la connaissance qui nécessite la délibération (PouXyj). Aussi comporte-t-elle la possibilité de pécher, c’est-à-dire, de vouloir des choses en dehors de l’ordre établi pour les natures par Dieu, xà Tuapà cpua’.v, t. ii, p. 171-172. Il en est de la propriété de vouloir comme des autres propriétés. Identique en tous selon l’espèce, elle se diversifie selon les individus. Le 0éXr, [i.a cpijo’.xôv se trouve en tous également et semblablement, comme la nature elle-même, mais le OéX/j[j.a yvw^ixov est une caractéristique de la personne, une propriété hypostatique. Appliquant ces données au Christ, Maxime enseigne qu’en lui il y a le QèXy]y.a. çycixov avec les actes simples, sans délibération (parce que sans ignorance), qu’il comporte. Cette volonté naturelle est prouvée en cent endroits de l’Écriture où sont manifestés des désirs ou des sentiments de Jésus-Christ, qui ne peuvent point être élicités par la nature divine, t. ii, p. 177-179. Quant à la volonté gnomique, fruit de la délibération, signe d’ignorance, elle ne se trouve point en Jésus-Christ. Il faut la repousser, selon Maxime, parce qu’elle entraînerait avec soi une personnalité humaine, t. ii, p. 13, parce qu’elle signifierait l’ignorance dans l’âme de Jésus-Christ, et parce qu’elle comporterait par suite la peccabilité, sinon le péché. La volonté humaine du Sauveur n’est point indéterminée, elle est toujours sous l’emprise de Dieu, et divinisée, 0ew6sv, selon l’expression de saint Grégoire le Théologien. C’est par la rectitude de sa volonté qu’il a sauvé notre nature perdue par une volonté dépravée. Comb., t. ii, p. 95. Par cette distinction lumineuse de volonté physique et de volonté gnomique, Maxime explique la prière de l’agonie ; la volonté que le Christ exprimait était simplement la tendance de la nature à qui la mort fait horreur, et il l’exprimait pour montrer la réalité de sa chair : ce n’était point un choix, de raison contre le choix de Dieu, t. ii, p. 40. Il faut noter de plus ici que le OéX’/j^a cpuaixâv ne procédait pas dans le Sauveur comme en nous, mais d’une manière surnaturelle, ÛTcèp <pôai.v, t. ii, p. 128 ; P. G., t. xci, col. 1053 B. Les passions, avons-nous dit, n’étaient pas motrices en lui, mais mues. Elles suivaient, et ne précédaient pas le mouvement de sa volonté raisonnable, t. ii, p. 166. En fait de liberté, la volonté du Christ, toute divinisée, n’en eut point pour le mal, mais sa liberté fut comme celle des saints dans le ciel. Saint Maxime n’examine pas le problème du mérite du Christ.

Sotcriologie.

Le premier état de l’homme fut un

état de justice. Sa tendance vers Dieu, son amour de