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MAURISTES, TRAVAUX

jansénistes ; dom Louis La Taste, le plus redoutable adversaire du parti. Cette réunion de bénédictins s’inspirait toujours de l’exemple des devanciers pour le goût et la passion même de l’érudition ; cependant, au xviiie siècle, la liberté d’esprit était devenue plus grande, les querelles religieuses jetaient parmi ces savants la division qui, à la longue, leur deviendrait funeste.

Jusqu’à la fin de sa vie, Montfaucon demeura le centre de la docte Académie et maintint la cohésion de ses éléments : sa réputation incontestée de grand savant, d’homme d’esprit, d’excellent religieux, le plaçait au-dessus des querelles sans cesse renaissantes du jansénisme ; les tenants des anciennes traditions bénédictines continuèrent à se grouper autour de lui. De nouveaux visages vinrent remplacer les disparus : les uns, comme Doussot, Le Maître, Faverolles étaient les modestes coopérateurs de dom Bernard, les autres continuaient les grandes entreprises littéraires de la congrégation ou cherchaient à ouvrir des voies nouvelles à l’érudition française. Dans cette dernière catégorie se placent un Jean Raverdy, le plus habile homme de la congrégation pour déchiffrer et collationner les manuscrits ; un dom Joseph Caffiaux, préparant pendant de longues années un ouvrage sur les généalogies des vieilles familles françaises, un dom Jean Hervin, « doux et aimable, à l’esprit si orné et si juste que plusieurs de nos pères le consultaient et lui donnaient même leurs ouvrages à examiner avant de les envoyer à l’impression », est-il dit, de lui dans le Nécrologe de Saint-Germain-des-Prés, Bibliothèque Nationale, fonds français, 16 861, fol. 187. Ce bénédictin a composé lui-même plusieurs ouvrages auxquels, par humilité, il n’a point voulu mettre son nom. Il a travaillé à la collection des Conciles de France, dont il y avait près de six volumes à mettre au jour quand on le chargea de la bibliothèque après la mort de dom Lemerault. Il aimait tellement l’étude qu’on ne le trouvait jamais sans un livre à la main. Nous serions entraînés bien loin si nous voulions parler ici des travaux de dom Grenier sur la Picardie, de Guillaume du Plessis sur la ville et les évêques de Meaux, de dom Tassin et dom Toustain sur la diplomatique.

IV. Travaux des mauristes. — Les mauristes, au point de départ de leurs travaux, ne semblent pas avoir eu un plan aussi vaste que celui qui fut réalisé par eux dans la suite.

L’objet primitif fut de faire connaître les grandeurs passées de l’ordre bénédictin, ce qui nous a valu la publication des Acta Sanctorum ordinis sancti Benedicti (1668-1701), conçue par Luc d’Achéry, dirigée par Mabillon, continuée par Ruinart. Elle s’arrête au xiie siècle : la suite en manuscrit est à la Bibliothèque nationale, fonds de Saint-Germain. « Tout y est à louer, écrit A. Mobilier, Les sources de l’histoire de France : Introduction générale, n. 233, la correction des textes, l’excellence des notes, l’ampleur et la science des savantes dissertations ; rarement la critique de Mabillon et de ses collaborateurs a été en défaut. » À côté de cette œuvre monumentale, il y a les Annales ordinis sancti Benedicti, excellente histoire critique de l’institut bénédictin ; des publications de textes comme les Vetera analecta, les Itinera d’Italie et d’Allemagne ; les Acta martyrum sincera de T. Ruinart, recueil des textes hagiographiques de la primitive Église.

Vint ensuite la grande entreprise des éditions patristiques. Comme nous l’avons fait remarquer dans l’aperçu historique, l’élan, dans cette direction, fut donné principalement par dom Vincent Marsolle, quatrième supérieur général de la congrégation ; désireux d’occuper utilement ses religieux, il voulut leur faire réviser les ouvrages des Pères de l’Église, il favorisa l’édition des œuvres de saint Augustin à laquelle il s’était montré d’abord opposé ; il prit ensuite l’initiative de faire éditer saint Ambroise, etc., conçut la première idée du Monasticon gallicanum de dom Michel Germain, puis d’une grande Bibliothèque des Pères. Il rédigea un programme de cette œuvre à laquelle devaient prendre part les diverses provinces : il veilla cependant à ce que le travail ne portât atteinte ni à la célébration de l’office divin, ni à l’observance régulière. Ses trois successeurs immédiats formés à son école entrèrent pleinement dans ses vues. Dom Arnoul de Loo (1711-1713) parut un moment moins bien disposé à l’égard des savants qui séjournaient à Saint-Germain ; mais, après lui, dom Charles de l’Hostallerie encouragea les hommes d’étude, malgré tous les ennuis que lui causa l’affaire du jansénisme ; il songea à faire composer une histoire monastique, et, si ce projet n’aboutit pas, il fit éclore plus tard des ouvrages analogues. Nombreux furent les ouvrages composés durant son généralat (de 1714 à 1720) ; dom P. Denis a relevé la liste des principaux. Revue Mabillon, t. v, p. 452-457. Entre temps dom Mabillon fut amené à formuler les règles d’une science nouvelle : La Diplomatique. Puis sur le terrain de l’Histoire, on conçut le dessein de donner l’Histoire littéraire de la France, l’Art de vérifier les dates, le Gallia christiana, le Recueil des historiens de France, etc., de ces entreprises la première et la dernière seront continuées après la Révolution.

En 1762, à l’époque où l’agitation régnait au sein de la congrégation de Saint-Maur, on vit le supérieur général, dom Marie-Joseph Delrue, offrir au roi les services de ses religieux pour les Recherches historiques exposées dans le plan des travaux littéraires ordonnés par sa Majesté.

Dans cette énumération rapide, nous n’avons pas signalé les écrits concernant la théologie et le droit canonique, la liturgie, l’ascétisme : et cependant les travaux en ces diverses branches occupent une place respectable dans l’œuvre des mauristes, comme on va le voir. Le plus simple serait maintenant de renvoyer aux sources dont les principales sont : dom Tassin, Histoire littéraire de la congrégation de Saint-Maur, ordre de saint Benoît, in-4o, Bruxelles Paris, 1770 ; U. Robert, Supplément à l’histoire littéraire de la congrégation de Saint-Maur, in-4o, Paris, 1881 ; Ch. de Lama, Bibliothèque des écrivains de la congrégation de Saint-Maur, in-8o, Paris, 1882 ; U. Berlière, Nouveau supplément à l’histoire littéraire de la congrégation de Saint-Maur : Notes de Henry Wilhelm, t. i, A-L., in-8o, Paris, 1908. Ce dernier est malheureusement inachevé. Ces divers ouvrages se complètent l’un l’autre et renseignent même sur la correspondance et les travaux restés manuscrits. Nous ne pouvons les suivre ; mais, comme en dehors des mauristes qui ont une notice spéciale dans ce Dictionnaire, il s’en trouve un grand nombre d’autres qui ont travaillé, soit sur la théologie, soit sur les sciences auxiliaires de la théologie, nous ferons ici des uns et des autres une mention rapide, en les groupant sous les titres généraux qui suivent.

Écriture sainte ; patrologie ; théologie dogmatique, morale et droit canonique ; ascétisme chrétien et monastique ; histoire ecclésiastique ; liturgie et vie des saints. Il y aura forcément des répétitions de noms, car beaucoup de nos mauristes ont produit des œuvres dans ces diverses branches, et l’on en trouve plusieurs groupés autour d’une même œuvre sous la direction d’un chef ; on n’en verra que mieux de quelle activité étaient capables ces ouvriers.

1o  Écriture sainte. — L’œuvre scripturaire sera exposée plus sommairement, ayant sa place au Dic-