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MAURISTES, INFILTRATIONS JANSÉNISTES

de la France monastique, t. xi, Paris 1911, p.  176 et 276.

Inquiet des projets de Louis XIV qui, dès 1672, voulait unir d’un seul coup à la congrégation de Saint-Maur, par mesure impérative, les abbayes non encore réformées du royaume, puis tous les monastères de l’étroite observance de Cluny, dom Vincent Marsolle s’y était opposé de tout son pouvoir ; il ne voyait pas de moindres inconvénients à entreprendre la réforme des monastères d’Italie. Il était soucieux de vivre en bonne confraternité avec les ordres religieux, particulièrement avec les jésuites, qui déjà avaient manifesté leur hostilité. Durant les deux années qu’il fut procureur général à Rome, dom Bernard de Montfaucon eut encore à défendre l’édition bénédictine de saint Augustin ; il le fit avec une verve extrême et une absence de ménagement qui dérouta ses adversaires : il n’avait gardé aucune mesure, les jésuites surtout avaient eu fort à se plaindre de sa vivacité. E. de Broglie, Mabillon et la Société de l’abbaye de Saint-Germain, 2 in-8o, Paris, 1888, t. ii, p. 272. Cependant il se montra l’un des partisans décidés de la bulle Unigenitus et, avec ses disciples, désignés sous le nom de Bernardins, il eut une grande influence sur le changement de dom Vincent Thuillier. Cf. E. de Broglie, Bernard de Montfaucon et les Bernardins (1716-1750), 2 in-8o, Paris, 1891, t. i, p. 43, et t. ii, p. 52.

2o C’est durant la seconde phase du jansénisme, où, après la condamnation du livre de Quesnel, on voit paraître les Constitutionnaires et les Appelants, que les mauristes se compromettent dans cette fâcheuse dispute.

Il y a cependant de l’exagération dans la façon dont s’exprime A. Gazier. À l’entendre, « les bénédictins de Saint-Maur et ceux de Saint-Vanne avaient été les premiers à rejeter la bulle Unigenitus, parce qu’elle ruinait l’autorité des Pères de l’Église, et, quand il fut possible de protester officiellement, ils entrèrent en foule dans la voie de l’appel au concile. A leur tête se trouvaient leurs supérieurs et les plus savants de leurs confrères. » A. Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste, t. ii, p ; 320. J.-B. Vanel est beaucoup plus dans la note juste, quand il fait cette remarque : « certainement, nulle part ailleurs, on ne trouverait associés dans l’étude et vivant sous le même cloître des partisans aussi décidés de la bulle Unigenitus, que dom B. de Montfaucon par exemple ou dom Thuillier, et des appelants aussi irréductibles que dom Gerberon, dom Duret ou dom Louvart. Il arrivait même que deux compagnons de labeur, tels que les fameux dom Martène et dom Ursin Durand, unis dans leurs études, dans leurs voyages et dans leurs publications, se séparaient dès qu’il s’agissait des controverses du temps. » J.-B. Vanel, Les bénédictins de SaintGermain-des-Prés et les savants lyonnais, 1894, p. 233-234.

Dans une étude sur le Journal (ou relation) de dom Claude de Vie, socius du procureur général à Rome (1701-1715), M. Hyrvoix de Landosle, présente ce mauriste comme un janséniste dissimulé, en correspondance avec les plus opiniâtres appelants ; il nous expose à cette occasion la situation des bénédictins à Borne, les difficultés qui leur venaient de la part du roi et des jésuites. Au moment de l’élection de dom Arnoul de Loo, comme supérieur général en 1711, cet auteur constate la bienveillance du pape Clément XI envers la congrégation : la régularité et les labeurs des mauristes édifiaient le Saint Père. « Sans doute, dit M. Hyrvoix, les mauristes étaient gallicans ; tout bon français l’était alors. Quoi que le monde ignorant suppose a priori, les jésuites ne l’ont guère cédé, à cet égard, aux bénédictins, sous Louis XIV, et même

jusqu’à la suppression de leur compagnie… Quant au jansénisme qui envahit la congrégation des bénédictins de Saint-Maur nous en parlerons sans ambages. Les jésuites, sous la pression du pouvoir césarien parvenu en France à son apogée, ont laissé s’amoindrir leur rôle de milice d’élite du souverain pontife… Pénétrée, plus qu’il n’est bon, du sentiment de son utilité, la Compagnie en est venue parfois à perdre la notion du juste en usurpant, par des moyens plus ou moins détournés, les domaines de l’ordre monastique. Louis XIV, en haine des jansénistes, proches parents des calvinistes, et si activement mêlés pendant sa minorité, à l’insurrection véritablement républicaine de la Fronde, s’est beaucoup confié aux protagonistes de l’école adverse, qui flattaient de toute façon l’autorité absolue du prince. Quoique les deux célèbres confesseurs que leur Compagnie lui fournit, le très gallican P. de la Chaise et le P. Le Tellier, meilleur catholique, fussent très différents d’attitude, les jésuites par l’intermédiaire de l’un et de l’autre surent énormément profiter de la bienveillance de leur tout puissant pénitent ; il faut admettre que ce ne fut pas toujours pour leur concilier celle des autres religieux. » Revue Mabillon, t. ii, 1906, p. 23-49. La constatation, faite par un laïque, ne manque pas d’être significative ; elle nous aidera à plaider les circonstances atténuantes, en faveur des mauristes, imbus de jansénisme. Assurément on rencontra parmi eux de fougueux partisans de l’appel contre la bulle, mais l’on n’est pas en droit de dire que ces appelants furent le plus grand nombre, encore moins qu’ils furent engagés dans cette voie par leurs supérieurs. Au moment où parut la bulle Unigenitus, en 1713, le supérieur général dom de l’Hostallerie devait user d’une grande circonspection, n’ignorant pas que la congrégation des mauristes était vue d’un fort mauvais œil par l’entourage immédiat du pape, et souvent décriée à la cour de France par des adversaires irréductibles. Il ne pouvait ignorer complètement que, dans l’audience du 8 juin 1713, le P. Timothée de la Flèche avait remis à Louis XIV, un mémoire qui promettait la publication de la constitution.Unigenitus dans un avenir très rapproché, tout en exprimant des craintes qu’elle ne fût pas reçue comme il convenait en France. Un des articles de ce mémoire était ainsi conçu : « Un des moyens les plus efficaces et les plus prompts d’arrêter le cours d’un si grand mal serait de supprimer la Congrégation de Saint-Maur, que tout le monde sait être la source la plus féconde de l’erreur. Ce coup d’autorité arrêterait le cours du mal ; vous savez depuis longtemps que j’en ai formé le dessein, mais je ne puis réussir, si Sa Majesté n’entre de concert avec moi dans cette bonne œuvre. » Pas une seule fois, pourtant, l’orthodoxie de dom Charles de l’Hostallerie ne put être soupçonnée au cours des luttes doctrinales qu’allait déchaîner la Constitution. Cela ne l’empêchait point d’ailleurs, en écrivant à un ami et confident, de lancer quelques pointes contre les jésuites, qui depuis longtemps déjà étaient sur bien des sujets les adversaires intraitables des bénédictins. Revue Mabillon, t. v, p. 353, 354. Durant tout son généralat qui dura jusqu’en 1720, dom de l’Hostallerie connut des difficultés que dom Philippe le Cerf a exposées exactement, encore qu’il soit un janséniste ardent, dans son Histoire de la Constitution Unigenitus, en ce qui regarde la Congrégation de Saint-Maur, in-12, Utrecht, 1736. Des châtiments sévères furent infligés parle roi pour briser les premières résistances ; dom Jean Varoqueaux, des Blancs-Manteaux, fut arrêté et emprisonné à la Bastille ; dom Georges Poulet, gravement compromis, n’attendit pas qu’on vînt l’arrêter pour se réfugier dans les Pays-Bas et s’embarquer ensuite pour le Canada.