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MAURISTES, INFILTRATIONS JANSÉNISTES

avec les Martyrs de Septembre, le 16 octobre 1926.

Pour bien connaître l’histoire de la congrégation de Saint-Maur, il faut savoir encore que, de 1623 à 1733, elle eut à Rome des procureurs généraux dont plusieurs jouèrent un rôle important. Le procureur était assisté d’un socius qui lui servait de secrétaire et parfois aussi le suppléait. Ces procureurs généraux furent : dom Placide Le Simon de 1623 à 1661 ; puis après une interruption de quatre années : dom Gabriel Flambart, de 1665 à 1672 ; dom Antoine Durban de 1672 à 1681 ; dom Gabriel Flambart, pour la seconde fois, de 1681 à 1684 ; dom Claude Estionnot, de 1684 à 1699 ; dom Bernard de Montfaucon, de 1699 à 1701 ; dom Guillaume Laparre, de 1701 à 1711 ; dom Philippe Rainer, de 1711 à 1716 ; dom Charles Conrade de 1716 à 1725 ; dom Pierre Maloet, de 1725 à 1733. Dom Claude de Vie, qui avait été socius de 1701 à 1715, fut désigné par le chapitre de 1733 pour remplir les fonctions de procureur général ; il mourut en janvier 1734 et, de fait, la procure fut supprimée. L. Lecomte, Les deux derniers procureurs généraux, dans Revue Mabillon, année 1920-1921, t. x-xi, p. 291.

II. Le jansénisme des mauristes. — Avant d’aborder la période très brillante de l’histoire des Mauristes, pendant laquelle, de 1630 à 1725 surtout, on vit la forte organisation des études donner de si merveilleux résultats, il faut dire quelques mots de cette autre période déplorable pendant laquelle, de 1725 à 1780, le jansénisme vint détourner de leurs travaux un certain nombre de ces hommes en qui l’étude entretenait l’esprit de piété et de fidélité à leurs observances.

L’histoire du jansénisme à Saint-Germain-des-Prés, dit M. Vanel, Les bénédictins de Saint-Germain-des Prés et les savants lyonnais, in-8o, Paris, 1894, p. 234, reste encore à écrire : il y faudrait le dépouillement de la volumineuse correspondance manuscrite, qui dort dans les rayons de la Bibliothèque nationale. Dom Paul Denis, O. S. B., s’était livré à cette tâche, il y a une vingtaine d’années, et il a publié d’intéressants extraits des Lettres des mauristes, dans la Revue Mabillon ; la mort ne lui a pas laissé le temps de poursuivre son travail, ni de réaliser le dessein qu’il exprimait ainsi dans une note, Revue Mabillon, 1909-1910, t. v, p. 354 : « J’espère que le loisir me sera donné un jour d’établir, en me basant sur des documents irréfutables, que les bénédictins de Saint-Maur, auxquels on a tant reproché d’être jansénistes, étaient, à de rares exceptions près, beaucoup moins encore fauteurs des erreurs doctrinales qu’antagonistes déterminés des jésuites. Les longues querelles relatives à l’édition de saint Augustin, ou à la Diplomatique de Mabillon, le rappel du procureur général, exigé par le confesseur de Louis XIV, pour la seule raison que le religieux bénédictin était trop considéré à la cour de Rome (il s’agit de dom Guillaume Laparre en faveur auprès de Clément XI, Revue Bossuet, t. v, p. 224-225), la confiscation, au profit de la Compagnie, de quantité de prieurés de l’Ordre, d’autres rivalités encore avaient créé entre les deux familles religieuses une animosité qui dura jusqu’à la Révolution. »

Le jansénisme eut deux phases principales : la première le montre avant tout, comme un système théologique avec des polémiques ordinairement doctrinales ; elle se termine à la paix de Clément IX en 1669 ; on y rencontre les grands noms de Jansénius et d’Arnaud, elle est marquée par la condamnation des cinq propositions en 1653, sous Innocent X, et par le formulaire d’Alexandre VII en 1665. La seconde phase qui commence aux dernières années du xviie siècle, révèle, dans le jansénisme, un parti d’opposition politique, parlementaire et philosophico-religieuse. Le nom de Quesnel y émerge avec son livre des Réflexions morales, condamné par la bulle Unigenitus en 1713 ; c’est alors que l’on vit un bon nombre de religieux mauristes se ranger parmi les appelants.

1o  Durant la première phase, il paraît bien que l’accusation d’être janséniste ne fut pas justifiée en ce qui concerne les bénédictins de Saint-Maur. Nous ne relèverons pas ici les attaques au sujet de l’édition de saint Augustin ; il en a été question à diverses reprises dans ce dictionnaire (voir les mots Blampin, Langlois, Mabillon). Ajoutons seulement quelques détails caractéristiques. Voici ce qu’on relève dans la correspondance de dom Antoine Durban, procureur général à Rome, sous le supériorat de dom Vincent Marsolle : On est en 1679 ; présentés au pape Innocent XI, les deux premiers volumes de l’édition des œuvres de saint Augustin sont reçus avec la plus grande satisfaction, et pourtant la renommée de cet ouvrage a suscité contre la congrégation une incroyable jalousie de la part de certaines gens. Après la mort du cardinal de Retz, ami sincère et dévoué protecteur des mauristes, les haines se déchaînèrent ; on prétendit que le texte de saint Augustin avait été corrompu à dessein et retouché témérairement dans le but de favoriser les erreurs du jansénisme. Ainsi le fait d’avoir imprimé dignetur pour dignatur, fut dénoncé, au souverain pontife, comme une preuve que les mauristes voulaient combattre son infaillibilité, alors que ce changement d’un a en e venait tout simplement de l’inadvertance d’un typographe. Tout un mémoire, concernant cette faute d’impression, fut remis au supérieur général par l’archevêque de Paris, au nom du P. de la Chaise… Le même Père, confesseur du roi, accusait auprès de l’archevêque de Paris, le supérieur général d’être janséniste, à cause d’un index de livres de spiritualité où quelques ouvrages d’auteurs jansénistes étaient cités avec éloge ; pourtant cet index n’avait pas édité sous le gouvernement de dom Marsolle et il y était complètement étranger. Dom P. Denis, La correspondance de dom Antoine Durban, dans Revue Mabillon, 1910-1911, t. vi, p. 200-203.

Le même procureur général, dom Durban, connut d’autres ennuis : ainsi, un ordre royal prescrivit son rappel en France. L’ordre royal avait été sollicité par le P. de la Chaise et l’ambassadeur du roi à Rome : dom Durban était, bien à tort, rendu responsable des retards apportés à la sécularisation de l’abbaye d’Ainay ; de plus, il avait, disait-on, pris nettement parti contre le gouvernement français dans la très grave affaire de la régale, alors qu’il avait observé la défense de s’en mêler, intimée par son supérieur général. A l’occasion de ce rappel, il avait même été question de supprimer l’office de procureur général en cour de Rome. Sur les vives représentations des supérieurs majeurs, le roi renonça à ce projet ; dom Gabriel Flambart fut envoyé pour remplir cette charge : c’était pour lui la seconde fois ; entre autres recommandations, on lui faisait celle de dissiper le soupçon de jansénisme constamment renouvelé contre les mauristes. Ibid., p. 209-210.

Les premiers supérieurs généraux avaient tout fait cependant pour écarter ce soupçon. Il est bon de rappeler à ce sujet qu’en 1650, sous dom Jean Harel, la congrégation de Saint-Maur n’avait voulu se jeter dans aucun parti sur les disputes de la grâce, remettant le tout au jugement de l’Église ; dès 1658, avis avait été donné aux visiteurs de retirer des monastères le livre de Jansénius et autres du temps. En 1652, quand la bulle d’Innocent X contre les cinq propositions fut imprimée à Paris, le supérieur général en fit acheter des copies et envoyer par tous les monastères. Les mémoires du R. P.  dom Bernard Audebert, dans Archives