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MAURISTES, APERÇU HISTORIQUE

furent la période la plus brillante de l’histoire de l’abbaye et aussi la plus féconde. Devenu supérieur général, il n’eut pas le temps d’appliquer les règlements qu’il avait proposés contre le jansénisme ; son généralat ne dura que deux ans, de 1711 à 1714.

Charles de l’Hostallerie, originaire du diocèse de Chartres, avait fait ses études chez les jésuites et les oratoriens ; il fit profession à Vendôme en 1659. Comme prieur et comme visiteur, il encouragea de tout son pouvoir les études littéraires ; en 1712, il se préoccupait du projet d’un Dictionnaire historique de l’Ordre bénédictin. Durant son généralat qui fut de sept années, de 1714 à 1720, il demeura fidèle à son rôle de protecteur des études, faisant agrandir la bibliothèque de Saint-Germain, voulant qu’on rassemblât des matériaux pour une histoire monastique, dont la direction confiée à dom Guillaume Roussel passa ensuite à dom Rivet. Mais de graves difficultés surgissant après la publication de la bulle Unigenitus, vinrent entraver son action durant tout le cours de son généralat ; d’une orthodoxie au-dessus de tout soupçon, il eût voulu faire accepter la bulle par tous ses religieux ; mais cette tâche fut rendue impossible par l’attitude du cardinal de Noailles, archevêque de Paris ; d’autre part, la congrégation de Saint-Maur, menacée de suppression par des ennemis acharnés, était fort desservie à Rome par le procureur général, dom Philippe Raffier, qui s’était donné tout entier aux jésuites. Tous les efforts du supérieur général durent se borner à réparer les fâcheuses démarches, à protéger la congrégation contre les jalousies et les défiances du dehors, contre les imprudences du dedans. Cependant, en 1717, on projetait une nouvelle édition des Historiens de France ; confiée à dom Martène, elle fut interrompue et ne put être reprise que plus tard par dom Bouquet. Un voyage d’exploration accompli par Martène et Durand dans les bibliothèques d’Allemagne et des Pays-Bas en 1718, procurait une ample moisson de documents. Un acte d’appel, lancé par le cardinal de Noailles en cette même année 1718 amena une recrudescence dans l’opposition à la bulle ; la majeure partie des bénédictins de France renouvela l’appel : dom de l’Hostallerie n’y pouvait rien. Déchargé de ses fonctions en 1720, il mourut l’année suivante.

Il eut pour successeur dom Denis de Sainte-Marthe, né à Paris en 1650, profès à Saint-Melaine de Rennes en 1668 ; il rendit des services signalés comme prieur de Bonne-Nouvelle de Rouen, s’occupa de l’édition de saint Grégoire, intervint pour défendre ses confrères attaqués dans l’édition des œuvres de saint Augustin. Il fut supérieur général de 1720 à 1725. Il eut pour successeur dom Pierre Thibault qui, de 1725 à 1729, s’appliqua avec zèle à faire accepter par les religieux de son ordre la bulle Unigenitus. C’est aussi l’attitude que prit son successeur Jean-Baptiste Alaydon. Celui-ci, avant son élection comme supérieur général en 1729, avait fait opposition à la bulle. Au retour du chapitre qui l’avait élu, il trouva à Orléans l’ordre de s’arrêter dans cette ville et de n’en point sortir. Dom Vincent Thuillier fit des efforts pour obtenir que la cour rappelât à Paris, dom Alaydon et celui-ci, après des tergiversations, finit par accepter la bulle, ce qui rendit plus difficile l’exercice de sa charge ; les chagrins occasionnèrent sa mort survenue en 1733. Son exemple fut un acheminement vers la soumission officielle de la congrégation. Cf. Le cardinal de Fleury, dom Alaydon et dom Thuillier, dans Rev. bénédictine, 1909, t. xxvi, p. 325.

Sous dom Hervé Ménard, qui fut supérieur général de 1733 à 1736, l’abbaye de Saint-Germain eut des démêlés avec la cour de Rome ; dom Ménard y fit preuve d’une grande fermeté. Il faut placer ici le supériorat éphémère de dom Claude Dupré qui, proclamé d’une voix unanime en mai 1736, mourut le 30 décembre suivant. Voir Revue Mabillon, 1908, t. iv. De 1737 à 1754, dom René Laneau fut supérieur général ; au moment de la mort de dom Bernard de Montfaucon (✝ 1741), il reçut une lettre de condoléance du cardinal Quirini. De 1754 à 1756, le supérieur général fut dom Jacques (alias Nicolas Maumousseau). Dom Marie Joseph Delrue fut supérieur général de 1756 à, 1766 ; on a de lui une fort belle lettre datée du

27 juillet 1762, et dans laquelle il offre les services des religieux de sa congrégation pour les recherches historiques exposées dans le plan des travaux littéraires ordonnés par Sa Majesté. Voir Revue bénédictine, 1898, t. xv, p. 347. Mais son généralat fut marqué par un acte d’une haute gravité : le 15 juin 1765,

28 religieux de l’abbaye de Saint-Germain adressaient au roi, par l’entremise de M. de Jarente, évêque d’Orléans, une requête dans laquelle ils se plaignaient des pratiques introduites dans l’ordre bénédictin, d’un habillement singulier et avili aux yeux du public, d’austérités étrangères, disaient-ils, à la lettre de la règle. Cet acte de religieux rougissant de leur habit, de leur nom et de leurs observances fit scandale : il renouvelait l’agitation au sein de la congrégation’de Saint-Maur. Dès le 23 juillet suivant, dom Delrue et le régime de la congrégation présentaient au roi une autre requête dans laquelle la démarche des 28 était blâmée très fortement. Le chapitre général tenu à Saint-Germain le 28 septembre 1766 fut orageux. On élut comme supérieur général dom Pierre François Boudier, prieur du Bec, qui avait protesté contre la requête des 28. Il fut décidé que les Constitutions seraient révisées, et la nouvelle rédaction fut unanimement approuvée par le chapitre général de 1769. Porée, Histoire de l’abbaye du Bec, t. ii, p. 507-513. Le supérieur général adressait cette rédaction à toutes les maisons des mauristes exprimant l’espoir qu’elle mettrait fin aux dissensions intérieures. Mais le mal avait déjà jeté de profondes racines. Pour faire refleurir les études dans la congrégation de Saint-Maur, le chapitre général de 1767 avait établi un Bureau de littérature, en vue d’exécuter et perfectionner un plan d’études. Dom Boudier en était le président de droit ; en 1769, ce bureau fut supprimé par ordre du roi.

De 1772 à 1778, le supérieur général fut dom René Gillot, né à Bar-le-Duc, profès à Saint-Faron de Meaux en 1735 ; il avait collaboré avec dom Hervin et dom Bourotte à la collection des Conciles de France ; il mourut à Saint-Germain en 1787. De 1778 à 1781, le supérieur général fut dom Charles Lacroix. Des scissions continuaient à se produire. Au chapitre général de Marmoutier, en 1781, il y eut des réclamations contre l’admission des députés de Normandie ; dom Mousso fut élu supérieur général le 17 mai 1781 sans qu’il fût tenu compte du dissentiment. L’Assemblée du clergé de 1782 voulut prendre les moyens de ramener la paix. Un arrêt du Conseil d’État du roi, du 21 juin 1783, convoqua un chapitre extraordinaire à Saint-Denis pour le 9 septembre ; dom Mousso refusa de s’y rendre et fut destitué. Son appel à Rome fut frappé de nullité. Bien des irrégularités furent commises dans le chapitre de Saint-Denis. On crut remédier au mal en élisant, le 5 octobre 1783, dom Ambroise Chevreux, comme supérieur général. Celui-ci devait être le dernier ; après avoir rétabli l’ordre et la paix, il faisait reprendre le travail intellectuel, quand la Révolution le chassa de son monastère. Il se réfugia momentanément chez une parente, fut pris, enfermé dans l’Église des Carmes et massacré le 2 septembre 1792 avec deux autres bénédictins, dom Barreau de la Touche et dom Massey. Tous trois ont été béatifiés